L’HOMME ENTRE LA THÉORIE DE L’ÉVOLUTION ET LA VÉRITÉ DE LA CRÉATION

Par Abdelilah BENMESBAH – Université Ibn Tofail – Maroc

Le fait que le darwinisme ait déchu l’homme de son statut de créature divine, que les croyants considèrent comme un sacrilège, n’a fait qu’alimenter les croisades idéologiques entre les scientifiques et les religieux et par là opposer stérilement science et religion. Cela étant car, au moment où les créationnistes élèvent l’homme au rang de créature divine dont l’état parfait révèle sa limpide genèse, les évolutionnistes le font descendre des primates par le simple jeu du hasard et de la contingence.

D’un autre côté, même ceux qui raisonnent par la logique trouvent des difficultés à ingérer cette théorie de l’évolution darwinienne vu les principes sur lesquels elle s’appuie, en particulier le concept de la sélection naturelle qui envisage l’élimination par la nature de tout être incapable de s’affranchir de ses contraintes. Or pourquoi ces dinosauriens qui ont dominé la terre sans concurrents pendant tout le Jurassique ont été éliminés au Crétacé et ont subit l’extinction ? Et pourquoi l’homme, ce pauvre être biologique apparu au Quaternaire, a su résister à ces contraintes bien que ses lointains ancêtres y étaient assujettis ? Ce paradoxe ouvre grande discussion sur ce concept de la sélection naturelle qui présente la terre comme un champ de bataille où le plus fort élimine le plus faible, au moment où l’on constate que les faibles et les forts ont toujours coexisté dans une interdépendance mutuelle que la chaîne trophique n’a cessé d’exiger.

Chose qui laisse penser que l’évolution, bien qu’elle soit une règle dans la nature, elle se déroule avec sagesse, selon un schéma beaucoup plus compliqué que ce que laisse supposer le simple modèle linéaire que propose l’évolution darwinienne. Une évolution que si on comprend dans ce sens de l’extermination du faible par le fort qu’envisage son concept de la sélection naturelle, ne peut que concourir par preuve de force aux dérapages qui sèment la terreur et les guerres, alors que le rôle de l’Etre humain sur Terre a toujours été de serrer les liens de cohabitation qui maintiennent la paix et la solidarité.

Pour cela, bien que l’évolution darwinienne n’est rien de plus qu’une hypothèse qui en vaut bien d’autres, sa pensé exprimée en langage naturel émanant d’une théorie qui est l’unique à pouvoir s’instaurer sur les assises de l’athéisme est devenue une idéologie qui suscite beaucoup d’émerveillements.

D’après le Coran, l’homme a connu une évolution depuis sa création première: (Qu’avez-vous à ne pas vénérer Allah comme Il se doit, alors qu’Il vous a créés par phases successives) (LXXI, 13-14), mais une évolution qui, de la même façon qu’elle se manifeste sur le plan ontogénique par des stades de développement caractéristiques, elle se manifeste sur le plan phylogénique par des variations phénotypiques de diminution de taille et non pas génotypiques. Des variations que l’on trouve signalées dans les textes révélés et que le Prophète Mohammad, que le salut et la bénédiction d’Allah soient sur lui, a évoquées en annonçant : « Allah a créé Adam, sa stature était de 60 bras (environ 30 m), puis la création ne cesse de se réduire  jusqu’à nos jours» (Al Boukhari, 3148).

Donc selon les textes sacrés, l’homme au début de sa création, avait une stature différente de celle d’aujourd’hui, mais une stature qui a évolué au sein d’une création qui reflète l’état d’une limpide genèse que le Coran nous enseigne dans un langage clair et explicite : (Nous avons certes créé l’homme dans la forme la plus parfaite) (XCV, 4), un langage qui situe l’homme dans la totalité et l’unité de la création et non pas dans la spéciation darwinienne qui remonte son origine aux primates.

En effet, cette théorie très controversée que Charles Darwin publia sur l’origine des espèces en 1859, vue son amputation de preuves génétiques en raison de la non existence des sciences de l’hérédité à l’époque, a établi son raisonnement sur le simple recours aux comparaisons de restes fossilisés, éclairées par des analogies que l’on cherchait à trouver dans les observations de l’anatomie comparée. Ce qui l’a exposée à d’importantes attaques ayant enflammé de grandes croisades idéologiques contre les scientifiques, au moment où la science était tout à fait innocente, car laissée à sa neutralité, elle n’aurait jamais déchu l’homme de son statut de créature divine.

Avec l’apparition des sciences de l’hérédité, le darwinisme, cherchant à trouver preuves génétiques qui puissent faire l’apologie des ses hypothèses sur le rôle des mutations dans l’apparition d’espèces nouvelles, formula ses arguments à partir d’observations faites au laboratoire sur des organismes biologiques à générations de temps courts comme les mouches, les bactéries et les champignons.

Et là, la démarche darwinienne s’est faite un autre gouffre non moins égarant que celui du concept du hasard au cœur de la théorie. Gouffre qui réside dans son fondement actualiste consistant à transposer les causes actuelles sur le passé et à négliger toute prise en considération du facteur temps qui impose un sens de complexité que révèle le monde vivant. Une complexité qui, comme on la remarque à l’échelle de toutes les créatures, traduit le sens général de l’évolution du monde biologique qui est l’œuvre d’un ordre de création orientant les causes selon une multitude de stations prédéterminées.

Ainsi donc, en cherchant à tirer ses arguments génétiques d’organismes actuels très simples pour prouver la généalogie d’êtres disparus extrêmement complexes, la démarche darwinienne n’a fait qu’élargir le gouffre, car la méthode qu’elle préconisait ne cherchait pas uniquement à transposer les causes actuelles sur le passé, que les reconstitutions paléoécologiques ne tolèrent pas, mais plus que ça, à extrapoler un modèle génétique tiré de manipulations au laboratoire d’organismes d’une extrême simplicité sur l’être le plus complexe du monde biologique à savoir l’homme. Et c’est là le grand paradoxe de cette démarche qui met sa raison aux antipodes de toute initiative de réconciliation avec la conscience.

Actuellement, le darwinisme va encore plus loin. Au-delà du débat sur la crédibilité de sa théorie, il se montre encore plus hérissant en instituant une doctrine qui impose ses idées par tous moyens, même s’il fallait prendre le risque de se tourner vers des opérations de falsification où les rivaux, en se battant à coups de mandibules, de dents et de cranes, n’hésitaient pas à concourir aux fraudes. Le scandale de « l’homme de piltdown »1 en 1912, dont l’auteur fut le paléontologue anglais Arthur Smith Woodward en est l’exemple. Celui-ci a prétendu ayant trouvé un crâne d’homme datant d’un demi-million d’années. Cette trouvaille démentie plus tard par le Docteur Oakley Keneth qui a prouvé par analyse qu’il s’agissait d’une fabrication par insertion de dents de singe dans un crâne d’homme qui date de 40000 ans, était destinée à donner renfort à leur fameuse transition entre le singe et l’homme. Ainsi petit à petit, le débat ne restait plus à la limite de la crédibilité de la théorie, mais s’est élevé à un niveau plus haut, celui de la spéculation sur l’âge de la bifurcation de la lignée des grands singes qui, selon la théorie aurait donné le présumé « pré-homme ». De là, le discours du darwinisme s’est détourné de la discussion du fondement de la théorie à celle de ses modalités hypothétiques, comme-si l’origine de l’homme était quasi certifiée être des singes et il ne reste à vérifier que l’âge de la séparation de son rameau humain.

Ainsi, après des découvertes au Tchad de formes dites d’hominidés, nommées Abel dont on prétend avoir connu la séparation avant 3.5 millions d’années et Toumaï avant 7 millions d’années, l’âge de cette présumée séparation fut élevé suite à d’autres trouvailles à 9 millions d’années. Leurs prétentions dans tout cela reposent sur l’hypothèse qu’à cette époque existait une vaste région boisée ; une chaîne de forêts denses qui ceinturait l’Afrique d’Ouest en Est, puis suite à une fracturation tectonique (Rift valley) qui a isolé le compartiment oriental de l’Afrique tropicale, un climat sec s’installait à ce compartiment faisant basculer son paysage d’une forêt dense à une savane arborée. Et voilà que les grands singes qui étaient quadrupèdes, car dépendant uniquement de sauts verticaux pour grimper aux arbres, allaient devenir bipèdes par adaptation aux longues distances qu’ils devraient parcourir dans la savane pour chercher leur nourriture.

De ces compétitions de course « longue distance » dans les savanes d’Afrique, les singes bipèdes auraient accouché de l’homme préhistorique. Alors que de l’autre côté de l’Afrique, restent les singes avec leur posture de singe à station quadrupède grimpant les arbres.

Voilà résumée l’histoire de l’apparition de l’homme dans son aspect le plus simpliste. Une histoire qui, vue la beauté de ses aventures ne cesse d’attirer les gens depuis sa version première apparue sous le nom de « East Side Story », une version qui a attiré tant de gens par la capricieuse beauté des aventures qu’elle raconte bien qu’elle souffre sur le plan scientifique d’un manque terrible d’arguments qui l’éloigne de la vérité.

Aujourd’hui, alors qu’on limitait l’âge d’Homo sapiens à des dates qui ne dépassaient pas 200000 ans, la nouvelle découverte du Jbel Irhoud au Maroc, où l’on a signalé un crâne dont la face s’inscrit dans celles des hommes actuels, remonte l’âge de l’homme à 300000 ans. Ce qui fait ébranler à chaque fois les datations et les prétentions faites antérieurement dont celle du modèle est-africain actuellement complètement mis en cause.

Dans l’autre côté de la Méditerranée, les chercheurs ont découvert dans des sépultures au nord de l’Espagne des bifaces soigneusement taillés accompagnant des os humains vieux de 350000 à 500000 ans. Ces découvertes qui changent complètement de donne, remontent « l’émergence de la conscience humaine jusqu’à environ 500000 ans », comme l’a précisé Eudald Carbonell qui a fouillé le site2. Elles l’attribuent à une autre espèce que celle d’Homo sapiens ! Et là on voit comment la théorie s’égare encore entre les hypothèses, faisant apparaître à chaque découverte des arguments nouveaux qui faussent les précédents.

Ainsi, pour toute nouvelle découverte, on se trouve devant moins de certitudes que d’hypothèses. Preuve que la recherche dans ce domaine reste très juvénile faisant preuve d’une immaturité qui découle de la délicatesse d’une résolution basée sur la simple analyse des restes fossiles. Chose qui semble rendre la question de l’origine de l’homme inaccessible à la simple raison et suscite d’autres pistes où l’on puisse trouver d’autres sources d’informations qui puissent combler les lacunes et rétablir ce rapport de l’homme au monde et à sa vérité.

Cette vérité que l’homme cherche soucieusement à connaître, le divin le met sur sa piste en lui apprenant par sa guidance explicite, que son évolution va dans un sens prédéterminé par une réduction générale de taille adaptée à l’évolution générale de la terre : (Certes, Nous savons ce que la terre ronge d’eux (de leurs corps) et Nous avons un livre où tout est conservé) (IV, 50), réduction que le Hadith du Prophète, cité précédemment, à propos de la création d’Adam, a évoquée. Donc une réduction qui se montre comme un principe général, une loi régissant la terre qui, depuis sa formation, n’a cessé de subir la réduction, et ce par érosion de ses extrémités (les montagnes) sous l’impact de la gravité et des agents météoriques, que par subduction qui ronge les bouts de ses plaques lithosphériques, que par compaction qui réduit l’épaisseur de ses dépôts sédimentaires. Tout cela dans le but de préserver l’équilibre de la terre qui ne peut se perpétuer au sein d’une orogenèse non contrôlée, d’une extension de plaques non recyclée et d’une accumulation de dépôts non compactée : (Ne voient-ils pas que Nous venons à la terre que Nous réduisons de tous côtés.) (XXI, 44). Chose qui montre qu’il y’a des directives qui orientent l’évolution de la terre selon une trajectoire prédestinée.

L’homme, du fait qu’il est partie intégrante de cette terre, obéit lui aussi aux mêmes lois de réduction qui guident son évolution, car si on lit le Hadith qui a évoqué la stature d’Adam lors de sa création, à la lumière de la description coranique qui dit : (Vous voila venus à Nous comme Nous vous avons créés la première fois) (XVIII, 48), on conçoit bien que le divin, en évoquant ce retour de l’homme, le jour de la résurrection, à sa stature initiale, qui est celle du géant Adam, parle d’une évolution dans l’allure de la lignée humaine qui est un enchaînement de tailles prédéterminé.

En méditant sur l’autre verset coranique qui dit : (Tout comme Nous avons commencé la première création, ainsi Nous la répéterons) (XXI, 104), on se rend compte que ce principe général rétroactif traduit le retour de l’homme à son état primitif, celui de la première génération. Un retour qui cache dans sa vocation les signes d’une évolution à sens unique, prédéterminé et irréversible. Sinon, la terre n’aurait pu contenir les 5 ou 6 milliards d’êtres humains si ces derniers restaient figés dans la taille primitive d’Adam !

Et c’est justement ce sens de réduction que nous relate le Coran lorsqu’il nous fait savoir que Noé a vécu mille ans : (En effet, Nous avons envoyé Noé vers son peuple. Il demeura parmi eux mille ans moins cinquante années. Puis le déluge les emporta alors qu’ils étaient injustes.) (XXIX, 14), et que les premières générations étaient bien plus fortes et ont vécu beaucoup plus que nous : (N’ont-ils pas parcouru la terre pour voir ce qu’il est advenu de ceux qui ont vécu avant eux ? Ceux-là les surpassaient en puissance et avaient labouré et peuplé la terre bien plus qu’ils ne l’ont fait eux-mêmes.) (XXX, 9). Tout cela pour nous faire savoir qu’il y’a un sens prédéterminé de réduction pour tous les composants de la terre y compris l’homme, un sens relatif à l’évolution des causes afin d’adapter chaque nouvelle phase à sa nouvelle cause, dans le but de la préservation de l’équilibre de la terre et de la conservation de sa matière.  

De cet état de relativité qui fait des interprétations scientifiques un ensemble de démonstrations variant avec l’évolution de la pensée de l’homme, se concrétise l’état d’insuffisance du savoir humain devant la véracité absolue du discours coranique.

Ibn Arabi a été interrogé un jour sur le secret de la véracité du Coran, il a répondu qu’il est ainsi parce que le Coran est une « vérité absolue ». Cela étant, car l’homme ; cet être partiel auquel il manque tout pour être tout,  par sa logique, peut être véridique, mais relativement à l’angle de sa vision ; comme lorsqu’un groupe d’observateurs ont assisté au même incident, chacun va le raconter différemment selon la face de laquelle il l’a perçu, qui est relative à l’angle d’observation du quel il a saisi l’image. Alors que la vision du Coran aux incidents est une vision absolue du fait qu’elle englobe toutes les vérités du monde, chacune à son échéance donnée : (Chaque échéance a son terme prescrit. Allah efface ou confirme ce qu’Il veut et l’Ecriture primordiale est auprès de Lui) (XIII, 38-39), prouvant que le monde évolue selon des directives qui ont été établies selon une règle absolue parfaitement ordonnée : (Or, jamais tu ne trouveras de changement dans la règle d’Allah, et jamais tu ne trouveras de déviation dans la règle d’Allah) (XXXV, 43).

Références bibliographiques :1 – Marcil C. (2001) : Les scandales scientifiques. WWW.sciencepress.qc.ca2 – Braser Laurent (2013) : Sur les traces des tous premiers rites, Science et vie hors série, Paris, n° 265, Déc. 2013, p. 43.


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