L’ÉNIGME DE L’ÉVOCATION DANS LE CORAN DU CÔTÉ DROIT DE LA MONTAGNE

Le mont Sinaï

(Abdelilah Benmesbah – Département de Géologie – Université Ibn Tofail – Maroc)

L’accueil favorable que rencontre cette approche des rapports entre le Coran et les démarches scientifiques que je publie dans ce journal me donne l’enthousiasme d’apporter une nouvelle contribution qui cherche à soulever un thème nouveau qu’aucune interprétation antérieure n’a cherché à aborder, vu le caractère énigmatique qu’il dissimule dans son pli. Un thème qui fut l’objet d’une communication que j’ai présentée au 8ième Congrès des « Miracles scientifiques dans le Coran », tenu à Koweït en novembre 2006. Il s’agit de l’évocation par le Coran du côté droit du Mont de Sinaï. Une contribution qui, loin de chercher à soumettre le texte coranique aux nouveautés scientifiques en plaquant une interprétation avec le sens moderne de ce thème, laisse le soin au lecteur d’y apporter ses jugements afin de voir à quel point le Coran, par de petits signes, stimule en nous l’ambition de réfléchir pour nous libérer dans la voie de la recherche de la vérité.         

Sachant que la montagne est un édifice rocheux qui, apparemment, n’a ni avant ni arrière, comment le Coran en évoquant le Mont de Sinaï a stipulé cette appellation de « côté droit » pour désigner le flanc de la montagne duquel Dieu a parlé à Moïse, alors que pour désigner le côté droit du côté gauche de n’importe quel corps il est indispensable de connaitre son avant de son arrière ? Ce sont là les questions que l’on va chercher à débattre dans ce thème.

Ce qui dit la géologie

En revenant sur la conception que donne le Coran sur la ressemblance entre le mouvement des montagnes et celui des nuages qui dicte : (Et tu vois les montagnes, tu les crois figées, alors qu’elles passent comme des nuages) (XXVII,  88), et vu le fait que les nuages sont véhiculés comme les eaux fluviales vers une destination préalablement définie, il paraît logique de parler d’un sens imposé au déplacement des montagnes, comme on parle du sens qui commande le passage des nuages ou de celui qui détermine l’écoulement des eaux fluviales. Un tel sens, une fois connu à travers la détection du sens général de déplacement des plaques lithosphériques sur lesquelles sont implantées les montagnes, permettra de distinguer le côté droit du côté gauche, de l’édifice montagneux, comme on distingue la rive droite de la rive gauche, de la vallée fluviale.


Pour connaitre ce sens de déplacement des montagnes, il faut revenir au mécanisme général de la tectonique des plaques. Et là je reprends ce que j’ai dit dans l’article précédent à propos de la formation des montagnes aussi appelée orogenèse. Celle-ci résulte de la collision entre plaques tectoniques. Là où deux blocs de croûte terrestre se rapprochent, leur convergence progressive aboutit à une croissance verticale à l’origine de l’érection des chaînes de montagnes. Dans le cas où les deux plaques en collision sont de densités différentes, une océanique dense et l’autre continentale moins dense, il se produit le phénomène de subduction où le bout de la plus dense finit par plonger sous l’autre. À ces frontières où ont lieu des phénomènes d’accrétion, naissent les chaînes de montagnes.

Donc le principal moteur de la formation des chaînes de montagnes est le mouvement des plaques tectoniques de la croûte terrestre qui est permanent, et les principaux « ateliers » sont ces zones frontales de collision où peuvent manifestement se produire des subductions. Chose qui donne une assertion prouvable de la motilité des montagnes.

Mais les zones de subduction ne sont pas toujours responsables de la formation des montagnes. La lithosphère de l’Océan Pacifique, par exemple, en subduction au niveau des Mariannes à l’Est des Philippines ou au niveau du Japon ne donne pas de véritables montagnes, mais des chapelets volcaniques qui pointent au dessus de la mer. Alors qu’au niveau de l’Himalaya en Inde, on assiste à une véritable orogenèse où la collision entre le bord continental de la péninsule indienne et celui de l’Asie engendre une très haute chaine qui culmine par le mont Everest.

Cette collision a fait en sorte qu’en avant de cette chaine surélevée s’est créé un bassin d’avant pays : le bassin du Gange. Et là on voit comment la Terre, cette machine intelligible dont le nivellement de sa surface fait preuve d’une minutieuse autorégulation, a su modeler sa topographie. Il s’agit d’un système de compensation qui a lieu dans toute zone où se crée une chaine de montagnes : là où s’érige une haute chaine de montagne se forme un bassin d’avant pays ; la plaine du Danube au Nord des Alpes, le bassin du Rharb au Sud du Rif au Maroc…etc. Ces bassins sont des zones de décharge conçues pour piéger et accumuler les produits d’érosion de ces chaines montagneuses surélevées.

Donc cet emmêlement des plaques qui par carambolage, a signé le surgissement de ces bosses qui sont les montagnes et l’affaissement de dépressions qui sont leurs bassins d’avant pays est le résultat de la collision entre plaques qui témoigne de leur motilité. Les montagnes, en tant qu’édifices supportés par ces plaques subissent le même sort en migrant petit à petit embarquées par ces plaques dans des directions qui suivent leurs mouvements. La dérive des continents le dicte : les continents actuels se sont individualisés par éparpillement suite à la migration des plaques lithosphériques à pas d’escargot. L’emboitement des deux bordures continentales : Ouest africaine et Est Sud-américaine pris en corrélation avec la similitude des fossiles trouvés sur les deux rives, qui témoignent d’un milieu de vie commun avant l’isolement géographique, prouve que l’Afrique et l’Amérique du Sud étaient il y’a des centaines de millions d’années soudées. Le Japon quant à lui, s’est séparé de l’Asie par étirement du continent eurasiatique jusqu’à la rupture de l’archipel nippon et la formation de la mer du Japon.

Un autre exemple qui témoigne toujours de cette migration des plaques tectoniques ; les Iles Hawaï. Ces iles alignées en chaîne sont les cicatrices d’anciens volcans, actuellement inactifs, qui à l’origine correspondaient à des trous intra-plaques creusés par l’activité de points chauds fixes du manteau inférieur dans la plaque pacifique mouvante. Chaque ile volcanique est la percée de matériaux fondus qui propulsent par l’activité discontinue de ces points chauds, à la manière d’un chalumeau fixe qui, de temps à autre, perce une plaque métallique qui se déplace lentement sur le chalumeau dans un sens prédéterminé.    

Cette migration des continents a aboutit en certaines régions à la disparition d’océans comme la Téthys sous les contre coups des deux blocs africain et eurasiatique. Le vestige ultime de cet océan est la Méditerranée qui, sous l’effet de ces mêmes coups qui continuent actuellement, est condamnée à subir le même sort par engloutissement sous le bord méridional de l’Europe.

Donc la croûte, cette mosaïque de plaques qui glissent les unes par rapport aux autres est en réalité un puzzle mouvant où les frontières des plaques subissent soit une extension, soit une compression qui peut finir par une subduction. Des manifestations qui, dans notre perception semblent relever de l’imaginaire, vue la lenteur du mouvement : quelques petits cm par ans, passent inaperçues si on ne cherche pas à les sentir par les conséquences graves qu’elles provoquent au niveau des séismes et des volcans. De la même façon, la montagne, cet édifice rocheux sans avant ni arrière nous apparait fixe. Mais ayant été attesté par une science en constante évolution, et évoqué par un Livre mettant en œuvre, dans ses descriptions et ses explications, une logique incontestable de compréhension, ce concept de « passage des montagnes » ne peut que révéler des secrets scientifiques à chercher !

Ce que le Coran avait révélé

Ces secrets cryptographiés dans le texte du Coran il y a quinze siècles sous forme de signes symboles sont aujourd’hui pleinement intelligibles.

En s’arrêtant sur les versets coraniques qui évoquent les montagnes, on se rend compte que cette valeur profondément pliée dans le sens apparemment énigmatique du texte offre au spécialiste méditant sur sa signification une logique d’élucidation extraordinairement surprenante sur le mécanisme d’implantation des montagnes et de leur mouvement, de sorte que le chercheur, dès qu’il déplie l’écrit du verset pour dévoiler son contenu et qu’il le compare à son acquis géologique, trouve sa connaissance et celle de ses prédécesseurs totalement englobée par le texte cryptographié du verset.

En méditant sur ce qui a été énoncé à propos de la montagne du Sinaï d’où Dieu s’est adressé à son prophète Moïse (paix soit sur lui), on trouve que si la description coranique des faits ayant marqué l’événement a mis l’accent sur le côté droit de la montagne, la rive droite de la vallée et le côté Ouest du Sinaï, ce n’était pas pour la simple visualisation des faits comme il peut sembler au simple lecteur, mais pour montrer à ceux soucieux de comprendre le message divin que ces signes coraniques sont, au fond,  des clés pour révéler des modèles bien plus complexes que ce que laisse supposer leur aspect littéral.

Dieu dit de son prophète Moïse : (Nous l’appelâmes du côté droit du mont (Sinaï) et Nous le fîmes approché) (IXX, 52). Il dit également : (Ô Enfants d’Israïl Nous vous avons délivré de votre ennemi et Nous vous avons donné rendez-vous sur le côté droit du mont (Sinaï)) (XX, 80). Puis, s’adressant cette fois-ci au Sceau des prophètes, Mohammad (paix et bénédictions soient sur lui) : (Tu n’étais pas sur le côté ouest (du Sinaï) quand Nous avons décrété les commandements à Moïse) (XXVIII, 44).

Ces côtés droit et Ouest évoqués par le Coran à propos du mont du Sinaï cachent des secrets éminemment significatifs. En effet, cette montagne portée tectoniquement par la plaque africaine à décrochement senestre par rapport à la plaque arabique doit selon le sens de déplacement de la plaque vers le Sud, voir son flanc Ouest correspondre à son côté droit tel qu’on le conçoit dans les versets précités qui assimilent à juste titre le coté droit du mont à son versant Ouest. Le mouvement de la plaque arabique opéré tectoniquement vers le Sud fait que son côté droit étant celui qui est exposé à l’Ouest (fig. 1 et 2).

Figure 1 : Tectonique distensive entre les plaques arabique et africaine
Figure 2 : Déplacement de la péninsule du Sinaï vers le sud

Voilà comment le Coran cache ses secrets et comment il stimule la recherche pour les démontrer. Une stimulation qui donne l’ambition d’une meilleure compréhension des faits loin de tout refus d’interprétation qui fige le fait à l’abstrait. Et ce, parce que ces exemples que le Coran nous propose peuvent servir de références expérimentales pour l’établissement de modèles interprétatifs des mécanismes de la terre qui reste une entreprise de recherche et un objet de science dont les secrets suscitent plein d’intérêts à retrouver le goût du savoir.

C’est ainsi que se dévoile l’énigme cachée derrière la désignation par le Coran du côté droit comme étant le côté Ouest de cette montagne. Une énigme dont le style exploratoire constitue un reflet de visions concordantes sur une logique scientifique sentencieusement valable quel que soit le degré d’évolution de la pensée humaine.

Le cachet de cette logique paraît évident dans son incessante émergence qui permet à chaque époque une compréhension convenable des événements et leur interprétation par le biais d’arguments conformes au degré d’évolution scientifique et intellectuelle du moment. Et c’est là un des aspects les plus remarquables de ce Livre qui ne cesse de révéler sa grandeur sur les plans les plus divers : scientifique, littéraire, artistique, linguistique, etc… Une valeur qui n’aura de cesse d’être rappelée au fil des découvertes scientifiques: (Dis : « Louange à Allah ! Il vous fera voir Ses preuves et vous les reconnaîtrez ») (XXVII, 93).

Et ce sont bien ces preuves qui viennent aujourd’hui les unes après les autres défier le monde de la science. Mais est-ce que la science au fil de son histoire contemporaine a pu comprendre ce défi et remplacer ces mystères de la nature par des explications rationnelles ? Et est-ce qu’elle a permis de percer l’énigme de telles œuvres, dès lors qu’elle a écarté la possibilité de prendre les textes religieux en considération ?

Ce sont là les questions qui taraudent les raisonnables de la communauté scientifique. Une communauté qui a emprunté ces derniers siècles une voie dans laquelle aucune place n’était laissée à une lecture transcendante du monde, et, singulièrement, à de telles énigmes. Une telle carence met aujourd’hui les scientifiques dans l’incapacité d’émettre des discours présentant la science comme moyen d’accéder à Dieu. Pourtant, ces discours, comme il vient d’être montré à travers l’interprétation et la mise en perspective des versets ci-dessus, sont de nature à stimuler la recherche scientifique, qui est fondamentalement quête de la vérité. Une vérité pour laquelle la science demeure une tension, du fait qu’elle ne peut dire ce que sont vraiment les choses mais en formuler uniquement une image où seuls les concepts de ces choses peuvent être atteints et non pas leur vérité ultime. Le fait qu’elle soit vidée de ses principes transcendants fait que la science ne peut dire la vérité et en fait d’elle une simple tendance qui souffre d’un excès d’incomplétudes auquel il ne peut être remédié que par le biais d’un retour à ces principes qui restent à l’horizon de sa pensée.

Voilà ce que l’on peut dégager de cette spécificité du discours coranique sur les montagnes, qui en nous mettant devant de telles vérités scientifiques par des signes si brefs et précis, nous met dans la voie de la raison, celle de la réflexion sur le sens de toute chose. Une voie où l’évocation symbolique des faits nous guide dans le chemin de la libération, celui de l’exploration rationnelle ayant pour base solide l’observation et l’expérimentation et pour objectif la reconnaissance du Créateur et de Son Omnipotence. De cette origine divine du discours coranique s’exprime la puissance créatrice de l’Islam dont l’ »ijtihâd » – principe de mouvement derrière toute exploration – fut le dynamisme créateur de la foi matinale qui était en même temps une religion de beauté et une morale de l’action qui n’a exclu aucune science ni aucune recherche mais les a, au contraire, intégrées, les plaçant dans la voie de Dieu.

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