L’AZERBAÏDJAN, TERRE D’ARTS ET DE TALENTS

Asmar Narimanbekova

Karim Ifrak

Par Karim Ifrak

Docteur de l’École Pratique des Hautes Études (EPHE), Karim IFRAK est islamologue. Chercheur au CNRS, il est spécialiste de l’histoire des Textes et des idéologies contemporaines. Comptant à son actif plusieurs contributions écrites, il est l’auteur de : « Faut-il réformer l’islam ? Quelques clés de lecture», éd. Bouraq, Paris, 2017. « Liberté, Égalité, Fraternité : Valeurs Spirituelles, valeurs Républicaines », (préfacé par le Premier Ministre M. Édouard PHILIPPE), Olivétan, Lyon, 2018.  « Ibn Achour, sa vie, son œuvre et sa pensée », aux éditions de l’IMA, 2020. Actuellement, il travaille à la sortie de son prochain livre : Le Prophète de l’islam. Cinq siècles dans le regard des plus grands penseurs occidentaux.

« C’est donc une grande fierté pour nous d’accueillir aujourd’hui, grâce à l’intérêt personnel du Président Aliyev, une sélection magnifique d’artistes azerbaïdjanais composée par un expert réputé, à l’œil exigeant, Patrick-Gilles Persin, que je remercie très vivement, et de pouvoir jeter un coup de projecteur à la fois sur ce pays attachant et sur ses artistes talentueux aux œuvres puissantes ».

Christian PONCELET, Président du Sénat (1998-2008)

Berceau d’un héritage ancestral nourri de siècles de cultures, de sciences et d’arts, l’Azerbaïdjan est incontestablement un haut carrefour des civilisations. Un carrefour qui a vu cohabiter, au fil des âges, des communautés plurielles qui donnèrent naissance, à leur tour, à des générations de sachants aux savoirs encyclopédiques et aux talents nombreux.  

Musique Ashiq

Et s’il est un art qui reflète le mieux cet esprit maison, c’est bien l’Ashiq qui combine chant, danse, conte et musique. Emblématique de l’identité nationale, il est considéré comme le gardien de la langue, de la littérature, de la culture et de la musique azerbaïdjanaises. Un art singulier qui, tout en perpétuant la mémoire collective, contribue à promouvoir les échanges et le dialogue entre les cultures : Kurdes, Lezguiens, Talish, Tats et bien autres encore. Et si l’art Ashiq se passionne pour la promotion du dialogue interculturel, l’Azerbaïdjan tente de faire de même en promouvant un autre de ses arts :  l’Achoug (ménestrel). Un art ancestral (inscrit sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO) perpétués par les turcs, les iraniens, les géorgiens, les ouzbeks, les kirghizes et d’autres, générations après générations.

L’AZERBAÏDJAN, UNE TERRE DE BELLES-LETTRES

Portrait de Nizami Gandjavi par Elmira Chakhtakhtinskaya

Si le Livre de Dede Korkut (Livre du grand-père Korkut) » occupe une place importante dans la littérature azerbaïdjanaise, cette dernière est surtout connue par ses Divans poétiques. Un champ qui compte de nombreuses figures illustres tels qu’Imadeddin Nasimi (m.1417), Muhammed Füzüli (m. 1556), Bâki (m. 1600), Nédîm (m. 1730) et bien évidement, le grand Nizami Gandjavi (m. 1202). Ce dernier, en plus d’être considéré comme le sultan des poètes grâce à sa Khamsé, était versé dans toutes les sciences de son temps. Ainsi, en dehors de sa passion pour la rime, il maitrisait les sciences théologiques et linguistiques, l’histoire et la géographie, la philosophie et la métaphysique, les mathématiques et l’astronomie, la médecine et la pharmacologie, la musique et les arts plastiques. Un savoir encyclopédique nourri de la maitrise de plusieurs langues : l’azerbaïdjanais l’arabe, le persan et le grec.

Et même si le nom de ce poète d’exception ne fit son entrée, en Europe, que vers la fin du XVIIe siècle – au sein de la célèbre « Bibliothèque orientale » -, il n’empêche qu’il inspira plusieurs de ses brillants esprits. Au nombre de ceux-ci, les cas remarquables de Goethe (m. 1832) dans la rédaction de son Divan, de Giacomo Puccini (m. 1924) dans la mise en scène de son opéra Turandot, joué, en 1926, à la Scala de Milan, de même qu’Éric Clapton dans la production de son album « Derek and the Dominos », enregistré en 1970. Et si de nos jours le nom de Nizami est galvaudé à travers les publications, les colloques et les chaires académiques, sa Khamsé compte au nombre des manuscrits les plus recherchés. Raison pour laquelle les bibliothèques des plus grandes capitales du monde : Paris, Londres, Istanbul, Washington, Moscou, Bakou, Berlin, Le Caire, pour ne citer qu’elles, continuent à se la disputer.

L’AZERBAÏDJAN, UNE TERRE DE MUSIQUE ET D’OPÉRA

Vaguif Moustafazadé

Et si des noms tels que Nizami Gandjavi brillent de mille feux dans le ciel de la poésie, celui de Vaguif Mustafazadeh, fondateur du courant musical de jazz-mougham, illlumine tout autant celui de la musique. Célèbre pour avoir combiné le jazz et la musique traditionnelle azerbaïdjanaise « mougham », il a remporté de nombreux prix internationaux, dont les premiers prix de piano à Tbilissi et au concours international de composition de jazz à Monaco, en 1979.

Autre légende de la musique azérie : Chafiga Akhoundova. Ancienne élève de l’Académie de musique de Bakou, elle composa son premier opéra « Rocher de la mariée » en 1972, devenant ainsi la première femme compositrice en Orient. Une belle carrière qui suscita naturellement bien des vocations, comme celle du ténor Yusif Eyvazov. Titulaire du titre d’Artiste du peuple azerbaïdjanais, il s’est vu décerné le Grand Prix de la Culture 2020 en Autriche, pour ses performances sur diverses scènes d’opéra à l’international.

Terre de musique par excellence, c’est donc tout naturellement que l’Azerbaïdjan accueille un grand nombre de festivals. Citons entre autres le Festival de Musique de Gabala, le Festival International de Musique « Le monde de Mugham », le Festival International de Musique « Route de la Soie », le Festival International de Musique « Uzeyir Hacibeyov » et le Festival International de Musique « Mstislav Rostropovitch ».

L’AZERBAÏDJAN UNE TERRE DE LITTÉRATURE ET DE CINÉMA

Varis Yolchiyev

L’Azerbaïdjan abrite naturellement un grand nombre d’écrivains et de cinéastes. Ainsi, si l’auteur de « Métamorphose » et de « Nature morte d’automne » s’est illustré en tant que membre du jury des principaux festivals et concours littéraires à travers le monde, Varis Yolchiyev est aussi connu pour ses engagements pour la paix. Un intérêt qui octroya à ce membre du très select PEN Club international, le titre hautement honorifique d’Ambassadeur de la Paix, décerné par la Fédération Artist for Peace (AFP) et l’International Guild of Writers (IGW).

Réalisé par Chamil Aliyev, le long métrage « Çölçü » (Homme des steppes), tourné au studio « Azərbaycan film », a décroché plus de 40 prix, au sein de 73 festivals internationaux, parmi lesquels le Mindfield film festival de Los Angeles, le Gralha International Monthy Film Awards 2020, le Festival international du film Green Chile, le Festival La Dolce Vita, le Festival international du film Pattaya, le Festival du film d’Andromède.

En marge de ce long métrage à succès, le court métrage « Let me run » du réalisateur Elmar Baïramov a remporté le prix du « Meilleur film étranger » au Fighting Spirit Film Festival de Londres. À Lisbonne, c’est le film « 100 ans de vie glorieuse » dédié à Hadji Zeynalabdin Taghiyev, philanthrope et mécène Azerbaidjanais, qui s’est qualifié pour la finale d’Heritales International Heritage Film Festival.

L’AZERBAÏDJAN, UNE TERRE DES BEAUX-ARTS ET DE LA PHOTOGRAPHIE

Oeuvre de Asmar Narimanbekova

Si la première exposition d’art de l’Union azerbaïdjanaise des jeunes artistes a eu lieu en 1928, la « Perle du Caucase » continue à produire de grands artistes de dimension internationale. Des noms comme Achraf Mourad, Toghroul Narimanbeyov ou Ferhad Khalilov, président de l’Union azerbaïdjanaise des peintres, suffisent à refléter l’intérêt que l’Azerbaïdjan porte aux beaux-arts. Et si cette ancestrale « Terre de feu » compte fièrement de nombreuses et innombrables étoiles, en 2007, elle s’est vu ajouter une de plus à son long répertoire. Son nom : Faig Ahmed qui, après avoir représenté son pays à la Biennale de Venise de 2007, a vu ses oeuvres faire le tour du monde. Ses créations Wave Function et Liquid Series, présentent des tapis déformés, donnant l’impression d’une peinture qui fond et coule sur le sol. Artiste à succès, ses œuvres ont fait partie des collections publiques du Los Angeles County Museum Art et du Seattle Art Museum, avant de se voir exposer au Museum of Fine Art de Boston, à la galerie Deschler de Berlin et au Yarat Contemporary Art Centre de Baku. Enfin, Asmar Narimanbekova, la fille de Toghroul Narimanbeyov, est aujourd’hui une artiste peintre de renommée internationale qui expose dans les galeries les plus prestigieuses de Londres, Boston, Berlin, Moscou, Hambourg, New York, Pekin, Copenhague , et naturellement Bakou, et Paris où elle vit et enseigne actuellement.

Autres noms dans cet univers fermé, celui du photojournaliste Ilgar Djafarov. En 2020, deux de ses photos avaient été récompensées lors du concours international The Empire State, tenu à New York. Un concours prestigieux auquel plus de 600 photographes, issus de 70 pays ont pris part. Un succès appelant généralement d’autres, le photojournaliste azerbaidjanais remporta, la même année, la médaille d’or lors du 6ème concours photo « Through the Lens International Salon », tenu en Inde. Une manifestation au cours de laquelle pas moins de 4.800 photos ont été présentées, soumises par 260 auteurs originaires de 49 pays. Et comme le dit l’adage : « Jamais deux sans trois », Ilgar Djafarov remporta, au cours de cette même année 2020, une nouvelle médaille d’or au concours international de photo « Beauty of face and body » tenu à Belgrade.

Trait d’union entre l’Occident et l’Orient, au pied du Caucase et au bord de la mer Caspienne, l’Azerbaïdjan est un ancestral et naturel carrefour de civilisations et de cultures. Aujourd’hui, ce pays, aux mille et un artistes, développe sa propre identité artistique, tout en demeurant marqué par un passé millénaire fascinant dont il est parfaitement conscient et qu’il s’attache à promouvoir de la plus belle façon.

La Fondation Heydar Aliyev a organisé le 1er Festival International des Arts dans le cadre du festival de musique « Khari Bulbul » qui se tiendra désormais chaque printemps à Choucha, ville ruinée par les combats, dont la reconstruction a déjà commencé.
32 artistes de 13 pays : l’Estonie, la Jordanie, l’Irak, Israël, la Lettonie, le Maroc, les Pays-Bas, le Pakistan, la Roumanie, la Turquie, l’Ukraine et la Grèce, ont témoigné, à travers des œuvres uniques, de ce qu’ils ont vu dans les territoires azerbaïdjanais libérés.
Choucha vient d’ailleurs d’être nommée par l’ICESCO (Organisation Islamique de Education, de la Science et de la Culture) « capitale culturelle du monde islamique ».


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