Le 7 décembre dernier le président de la République azerbaïdjanaise Ilham Aliyev a décidé d’avancer la date des élections présidentielles, prévues en 2015, au 7 février 2024. Une décision qui n’a pas manqué, surtout dans nos medias français, de provoquer des commentaires, pas toujours bienveillants.
Pourquoi donc ces élections anticipées ?
Depuis le mois d’octobre 2023, la situation du pays a radicalement changé. Occupé pendant près de 30 ans par les forces arméniennes, l’Azerbaïdjan a recouvré son intégrité territoriale à la suite d’une guerre de 44 jours en 2020, et une action éclair en 2023 qui a permis de libérer la ville de Khankendi où s’étaient concentrés les derniers combattants séparatistes arméniens.
C’est la première fois, depuis l’invasion de 1993 que l’Azerbaïdjan retrouve sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire. Le pays entre ainsi, selon l’expression même du président Aliyev dans une « nouvelle ère », ce qui justifie, à ses yeux, la nécessité de remettre les compteurs à zéro.
lham Aliyev a également évoqué une seconde raison, tout aussi symbolique. Cela fera 20 ans qu’il est à la tête de l’État. Un cap qu’il souhaiterait illustrer en quelque sorte en « remettant son titre en jeu », bien que sa réélection ne fasse guère de doute, car la popularité d’Ilham Aliyev est aujourd’hui au pinacle. Sa gestion du conflit, qui a pris tout le monde de court, y compris les Arméniens, et qui s’est conclue sur une éclatante victoire militaire, est approuvée par plus de 75% des Azerbaïdjanais. Il suffisait de se promener dans les rues de Bakou ces derniers mois pour constater les manifestations spontanées de liesse populaire, nourrie également par le programme ambitieux, mené tambour battant, de reconstruction des villes détruites sous l’occupation arménienne.
Le retour des anciens habitants du Karabakh sur leurs terres natales a déjà commencé et, pour la première fois depuis l’indépendance, ce sont toutes les régions du pays qui pourront participer au scrutin. Les anciens réfugiés qui avaient été chassés du Karabakh en 1993 et qui sont de retour à Choucha, Aghdam, Fuzuli notamment, pourront participer au scrutin depuis les territoires libérés. Le fait que les premières élections organisées sur l’ensemble du pays soient les élections présidentielles est naturellement un symbole fort pour la Nation azerbaïdjanaise.
Un autre motif de soutien des Azerbaïdjanais au président sortant est que la situation dans la région est loin d’être stabilisée, et que sa détermination et son sens stratégique en fait, à leurs yeux, le meilleur candidat pour négocier une paix durable avec les Arméniens, et les principaux acteurs régionaux.
Les groupes armés séparatistes qui ont pu s’exfiltrer du Karabakh et trouver refuge en Arménie poursuivent là-bas leur entrainement dans la perspective d’une reprise des hostilités qu’ils appellent de leurs voeux, quitte à renverser le gouvernement Pachinyan dont ils fustigent le « défaitisme ». La France reste d’ailleurs en tête des soutiens militaires et financiers aux nationalistes arméniens, avec, en particulier, la promesse de livrer de l’armement lourd à l’Arménie. Les Azerbaïdjanais, qui ont pu constater l’habileté stratégique de leur dirigeant, lui renouvelleront sans nul doute sa confiance pour protéger le pays et assurer la stabilité du Caucase, sans manifester aucune faiblesse ni atermoiement devant les menaces extérieures potentielles, et renforcer encore la puissance militaire du pays. L’État devrait investir plus de 500 millions d’euros dans l’industrie de la défense en 2024.
L’autre succès à mettre au crédit de Ilham Aliyev se situe au plan économique. L’Azerbaïdjan est aujourd’hui reconnu comme un partenaire énergétique « fiable » par l’Union Européenne, et un plan ambitieux de transition énergétique est en cours de développement, notamment grâce à la construction de villes « intelligentes » et économes en ressources naturelles dans les régions libérées du Karabakh. Un projet qui s’illustrera par l’organisation en 2024 de la COP 29 à Bakou, dont la candidature a été approuvée par l’Arménie !
D’autres chantiers attendent le futur président de la République, comme le niveau de vie et le rayonnement culturel de l’Azerbaïdjan à l’international, une priorité pour les autorités du pays.
Selon le calendrier prévu , la campagne électorale commence 23 jours avant le jour du scrutin et se termine 24 heures avant le jour du scrutin. Débutée le 15 janvier 2024, elle se terminera le 6 février à 8h.00. L’élection aura lieu le 7 février, selon le principe du scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour un mandat de sept ans sans limitation du nombre de mandats.
Plus de 17 500 observateurs seront accrédités pour surveiller les élections présidentielles, a déclaré aux journalistes le président de la Commission électorale centrale, Mazahir Panahov. Il a souligné qu’il y aurait trois observateurs dans chacun des 6.300 bureaux de vote : « Plus il y aura d’observateurs, mieux ce sera ».
Jean-Michel Brun