UN SOUTIEN INTERNATIONAL À L’AZERBAÏDJAN POUR DÉMINER AU PLUS VITE LE KARABAKH

Par Sébastien Boussois
Chercheur enseignant en relations internationales, Géopolitique, Relations euro-arabes, Terrorisme et radicalisation, Pays du Golfe

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1 million de mines ont été enterrées par les Arméniens dans le Karabakh à l’issue de la guerre des 44 jours.

Ainsi que le rappelait vendredi 21 juillet Ilham Aliyev, président de la république d’Azerbaïdjan, lors du Forum international des medias à Choucha, il s’agit d’un véritable crime de guerre, puisque les mines anti-personnel sont interdites par les lois internationales. A ce crime s’en ajoute un autre : celui du refus, de la part des autorités arméniennes, de communiquer la carte des mines, au mépris, une fois encore des lois internationales.
Après des mois de négociations, l’Arménie a bien voulu livrer des cartes, mais celles-ci ne couvrent que 25% des pièges installés.

Car le programme de reconstruction du Karabakh, entièrement dévasté lors de l’occupation, s’il avance de manière impressionnante, est ralenti par les opérations de déminage. Une question qui est loin d’être résolue avant de pouvoir repeupler entièrement le territoire. Heureusement l’ONU, le Japon, la France et la Grand-Bretagne apportent leur soutien à Bakou.

Après 27 ans d’occupation par les forces pro-arméniennes, une large partie du Karabakh est revenu dans le giron de l’Azerbaïdjan, comme le souhaitaient quatre résolutions des Nations Unies depuis presque trois décennies[1]. Il faut désormais reconstruire un territoire dévasté par une occupation militaire qui a démonté pierre par pierre les bâtiments, rasé les forêts, détruit les approvisionnements en eau. Mais il faut surtout, pour permettre le retour des populations déminer un territoire important. Entre 1991 et 2020, 530 personnes ont été tuées et 2418 blessées par les mines posées dans le territoire.Sur 250 kilomètres de long et 5 km de large, la ligne de contact qui a constitué pendant presque trois décennies la dernière frontière artificielle entre les deux pays, a été l’une des zones les plus minées au monde. Uniquement sur la ligne de contact plus de 400 000 mines ont été posées uniquement dans cette zone ! C’est plus d’un million de mines qui ont été placées sur tout le territoire, souvent à l’intérieur même des ruines des maisons, afin de piéger ceux qui voudrait retrouver et reconstruire leur ancienne habitation, et ainsi dissuader les Azerbaïdjanais de revenir.

Le plus sordide est que ces pièges mortels ont été placés pendant le laps de temps que l’Azerbaïdjan avait laissé aux populations arméniennes pour s’organiser après la fin des hostilités. On estime qu’environ la moitié des mines ont été désamorcées.

Les forces azerbaïdjanaises ont donc du procéder m2 par m2 avec l’agence ANAMA[2], référencée par le GICHD à Genève[3] pour décontaminer le territoire. Malheureusement, il y a eu des explosions : environ 300 militaires et 50 civils ont été tuées depuis 2020. 70% de ces déflagrations ont eu lieu en dehors de la zone de contact. En mai 2023, 700km2 avaient été nettoyés, ce qui ne représente que 10% du total du territoire à purifier ! On estime encore à près de 150 000 hectares la surface hautement contaminée, et à 675 000 hectares le territoire encore suspecté de moyenne contamination. En revanche, 95% d’Aghdam a été par exemple déminé.

Si la guerre laisse toujours des séquelles, aux personnes blessées physiquement ou psychologiquement, la résilience des Azerbaïdjanais a largement été soutenue par l’ONU afin de « nettoyer » le Karabakh de ces mines.

Ce sont en tête les Nations Unies qui ont apporté leur aide : « L’ONU a travaillé avec le gouvernement azéri pour renforcer les capacités d’élimination des munitions non explosées et éduquer les communautés locales sur les risques liés aux mines. Avec le soutien des partenaires de développement, l’ONU a mobilisé plus de 12 millions de dollars pour la période 2021-2024 pour soutenir les efforts de lutte contre les mines.»
Des sociétés privées ont également proposé leurs services, mais à un tarif huit fois plus élevé que les équipes de l’ANAMA. Le gouvernement azerbaïdjanais a naturellement décliné cette aide fort peu désintéressée.

La capacité de l’Agence nationale azerbaïdjanaise pour l’action contre les mines (ANAMA) a été renforcée en matière de gestion de l’information, de recueil de données sur la localisation des mines et des victimes, l’utilisation de l’imagerie satellitaire, la télédétection et les drones. Des profils pour sept districts touchés par le conflit ont été élaborés avec des estimations des besoins en ressources et de la durée prévue de l’action contre les mines. Des équipes de déminage entièrement équipées ont inspecté près de 1 300 km2 dans 99 villages.

Le programme gouvernemental d’éducation sur les risques liés aux engins explosifs a formé plus de 1 000 enseignants dans près de 100 écoles, ainsi que plus de 500 leaders communautaires et bénévoles dans 10 districts concernés par le conflit. Les interventions dans les écoles ont touché plus de 40 000 enfants (42 % de filles). Une campagne de sensibilisation du public promouvant un comportement sûr comprenait six panneaux d’affichage sur les autoroutes et 75 panneaux d’affichage dans les villages touchés par le conflit. 200 000 supports pédagogiques, dont des jeux, des cahiers, des livres à colorier et des autocollants, ont été imprimés et distribués pour rendre les informations facilement assimilables par les enfants. »[4]

Avec le soutien du Japon, de la France, de la Grande-Bretagne, des Nations Unies, Bakou a nettoyé au mieux le Karabakh et a par la même occasion acquis une expertise désormais reconnue internationalement en matière de déminage. Du personnel de pays étrangers vient aujourd’hui se former en Azerbaïdjan. De plus en plus de femmes s’engagent dans ce métier risquée, et le pays a développé et généralisé l’utilisation de drones pour repérer au mieux les terrains minés. Ces drones sont turcs et israéliens et scannent chaque jour le territoire. De nouveaux engins motorisés à chenilles ultra-modernes retournent sans cesse la terre amortissant les explosions. Reste qu’il existera encore un risque durant les vingt prochaines années. Il suffit de voir au Vietnam, en Corée du Sud, ou même en France où l’on retrouve régulièrement lors de chantiers des missiles ou des mines de la seconde Guerre Mondiale enfouis dans le sol.

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[1]https://fr.wikipedia.org/wiki/Résolution_884_du_Conseil_de_sécurité_des_Nations_unies#:~:text=La%20résolution%20884%20du%20Conseil,%2Dazerbaïdjanais%20au%20Haut%2DKarabakh.

[2] Azerbaidjanese National Agency for Mine Action

[3] Geneva International Center for Humanitarian Demining: https://www.gichd.org/en/organisations/detail/organisation/azerbaijan-national-agency-for-mine-action-anama/

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