L’UNION EUROPÉENNE DOIT SOUTENIR LA SOUVERAINETÉ DE L’AZERBAÏDJAN POUR CONTRIBUER À UNE PAIX DURABLE

Par Sébastien Boussois

Dans une déclaration du 22 septembre dernier, le haut représentant pour l’UE Joseph Borell, s’adressait à la tribune des Nations Unies en s’inquiétant de la situation dans le Karabakh et des Arméniens sur place. L’Europe doit, comme l’a fait le président du Conseil européen jusque-là, traiter les deux parties à égal pour espérer tirer les fruits de négociations engagées il y a des mois et espérer parvenir à un accord final, qui solutionnerait entre autres la question épineuse du Karabakh, mais également de la démilitarisation, du tracé des frontières, du retour des réfugiés azerbaïdjanais, et du statut de la minorité arménienne sur son territoire.

Car il existe désormais dans le Sud Caucase une situation nouvelle et définitive : l’Azerbaïdjan a recouvré l’intégralité de son intégrité territoriale en ramenant le Karabakh au sein de la mère-patrie après 27 ans d’occupation illégale de l’Arménie et conformément au droit international[1], et après qu’Erevan se soit mise dans une situation diplomatique intenable depuis 30 ans pour à tout prix garder un territoire qui n’était pas le sien. L’Union européenne doit acter cette réalité légale et accompagner les deux pays à faire la paix, à construire l’avenir, et à dégager l’Arménie de son obsession pavlovienne du Karabakh pour protéger les populations arméniennes restées dans l’enclave, mais pour subvenir enfin aussi aux besoins des Arméniens d’Arménie qui ont dû avaler des couleuvres pour soutenir les séparatistes, notamment en recevant le soutien de deux pays bannis de la communauté internationale : l’Iran et la Russie.

La nouvelle réalité au Sud Caucase : une chance pour l’Europe

Il en va de son intérêt, et c’est aussi pour l’Europe un bon moyen de contrer Moscou qui cherche encore à peser de nouveau dans sa zone d’influence mais qui a été à la peine depuis le déclenchement de sa guerre contre l’Ukraine en février 2022. En effet, alors que la situation s’est dégradée violemment le 19 septembre dernier entre Bakou et Erevan sur le terrain du Karabakh, le cessez-le-feu d’hier a pourtant été décroché par la Russie, accusée pourtant par les deux parties de ne pas respecter ses engagements depuis des mois. Le nouveau succès de Moscou qui revient dans le jeu, trois ans après la signature de l’accord tripartite de 2020, ne doit pas laisser à nouveau l’Union européenne sur le carreau : Bruxelles doit se réinvestir dès aujourd’hui, comme elle l’a fait pendant des mois en multipliant les rencontres entre le Président azerbaïdjanais Ilham Aliyev et le premier Ministre Nikol Pachinian, pour parvenir à un accord final entre les deux pays le plus vite possible. Ce qu’avait promis le président du Conseil européen, Charles Michel à la manœuvre, même si ce sera difficile.

Il aura fallu en effet moins de 24h à la Russie pour parvenir à un cessez-le-feu entre Azerbaïdjanais et Arméniens au Karabakh après l’opération déclenchée par Bakou pour tenter de désarmer les séparatistes du territoire enclavé et qui, selon les autorités azerbaïdjanaises menaçait la sécurité de la région. Une réalité quotidienne déjà largement compliquée avec les millions de mines laissées en 2020 par ces derniers avant de quitter la partie du Karabakh récupérée par l’Azerbaïdjan après la guerre. Une situation aggravée avec la démission de la Russie, censée depuis trois ans, avec ses forces de maintien de la paix, garantir la démilitarisation du territoire conformément à l’accord de 2020, alors que de nombreuses armes circulaient encore de l’Arménie vers ce que les Arméniens appellent « Artsakh », avant que Bakou décide de filtrer à la place des Russes les convois qui continuent depuis des mois de fournir en nourriture et biens de première nécessité les 30 000 Arméniens restants au Karabakh.

La question de la place de la Russie est plus que posée une fois encore, et Erevan a compris qu’il était temps de prendre de la distance avec son allié historique. L’Occident ne pourra que saluer cet éloignement et ce rapprochement récent avec les Américains avec qui Erevan a déjà réalisé dernièrement plusieurs exercices militaires conjoints. Mais pourtant depuis des années, l’Arménie était arrimée à la Russie comme un oiseau posé confortablement sur un éléphant : le baiser de la mort. Beaucoup ne voient rien à redire au fait que les deux plus gros alliés de l’Arménie sont historiquement la Russie et l’Iran. Cas de conscience il devrait y avoir puisque les deux pays sont sous sanctions de la communauté internationale. Il est vrai qu’Erevan avait peu de choix politique, car peu de ressources et que l’occupation du Karabakh pendant 27 ans a coûté très cher au pays. Enclavée entre la Turquie, la Géorgie, l’Azerbaïdjan et la Russie, elle ne dispose de plus d’aucun accès à la mer. A Bruxelles, les négociations de paix entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, soutenues par l’Union européenne, doivent viser depuis la signature de la déclaration tripartite sous égide ruse du 10 novembre 2020, la démilitarisation progressive de la région, et en particulier de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan au Karabakh même. Or, depuis trois ans, ce sont ces armes fournies par l’Arménie au Karabakh qui posent problème et prennent en otage les Arméniens restant sur place . Pourquoi est-il urgent de régler la question et relancer le processus de paix au plus vite ?

La meilleur façon d’aider l’Arménie : lui permettre de s’émanciper de l’Iran et de la Russie

Car la Russie dispose de deux bases russes sur son territoire. Et Moscou pourrait aussi cette fois-ci notamment se servir de ses bases à des fins stratégiques contre les Occidentaux. Jusque maintenant, cette probabilité était même extrêmement élevée, compte tenu de la coopération militaire étroite entre la Russie et l’Arménie. Rappelons que lors des derniers affrontements violents entre les forces pro-arméniennes du Karabakh et les forces azerbaïdjanaises il y a quelques mois, Erevan avait usé de drones iraniens(son second allié clé peu en odeur de sainteté avec les Américains), contournant une fois encore les sanctions imposées à ce régime comme à celui de Moscou.

C’est là que l’Union européenne doit agir en toute objectivité : alors que l’Azerbaïdjan est un partenaire économique majeur de l’Europe, depuis que le gaz azéri compense une partie du gaz russe banni, il serait difficile de le sanctionner. Et au fond pour quelle raison ? Bakou a suivi le droit international en récupérant son dû. Faudrait-il sanctionner alors l’Arménie pour sa coopération accrue avec le régime de Moscou depuis la guerre en Ukraine ? Bien sûr, personne n’émettra même l’idée. Mais il faut donc être juste : faire tabula rasa des haines et des reproches pour construire, comme c’est le cas les prochaines étapes du dialogue entre les deux pays qui conduiront, espérons-le au plus vite, à un statut définitif pour le Karabakh, le retour de l’Arménie à ses frontières de 1991, et la coopération économique avec l’Azerbaïdjan, locomotive du Caucase. Il faut sortir d’urgence l’Arménie de l’ornière : sa situation politique instable comme sa situation économique dramatique l’ont plongé tête baissée dans les bras de Moscou et de Téhéran. Plutôt qu’entretenir Erevan dans le rêve illusoire d’un Karabakh arménien, dont elle n’a ni les moyens ni les fondements juridiques pour elle, il faut aider l’Arménie à se débarrasser enfin de ses démons et se réinscrire dans une dynamique régionale économique positive. L’Europe l’a promis depuis longtemps : elle apportera son soutien également au désenclavement de la région et au rétablissement des routes, voies de chemin de fer, pour faciliter transports et circulation des personnes. C’est de ça dont a besoin l’Arménie pour ravaler sa rancœur.

[1] https://2001-2009.state.gov/p/eur/rls/or/13508.htm

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