L’ISLAM ET LE DJIHAD par le Pr. Omar Dourmane

« Quand on a vécu longtemps en terre d’islam , quand on a pu y rencontrer dans leur vie quotidienne, des hommes et des femmes pour lesquels la foi en Dieu et le message du Coran sont source de paix, de courage et de miséricorde, on s’étonne de l’attitude méfiante que beaucoup d’occidentaux ont encore envers la religion musulmane. »

C’est ainsi que Michel LELONG (1) dénonçait en 1986 le message médiocre véhiculé en Europe sur l’Islam, et l’acharnement de certains à ternir l’image de cette belle religion. Un acharnement qui persiste encore de nos jours.
Une nouvelle donne rajoute aujourd’hui à cette représentation une couche sombre qui sonne comme une double peine pour les européens de confession musulmane. Le terrorisme aveugle, qui à la faveur d’amalgames pernicieux entache leur réputation, bafoue dans le même temps leur chère religion.
Néanmoins, il reste un espoir : la connaissance mutuelle, et les échanges culturels sont de nature à rétablir la vérité des choses.
Telle est précisément la démarche effectuée par Michel Lelong quand il dit : « au fur et à mesure que je découvrais, grâce à des amis autant que dans les livres, les valeurs religieuses, éthiques et sociales de la religion musulmane, je me rendais compte que les idées répandues alors en Europe sur le Coran, le Prophète Mohamed, les rites et la morale islamiques, ne correspondaient pas à la vérité. »

I. L’origine et l’objectif de l’humanité dans le Coran

« Ô Hommes ! Nous vous avons créés d’un homme et d’une femme et nous vous avons répartis en peuple et en tribu, afin que vous vous connaissiez entre vous, le plus digne devant Dieu est celui d’entre vous qui est le plus pieux, Dieu est Omniscient et bien Informé. » Surat 49, verset 13.

Ce verset rappelle d’une part aux musulmans, qu’ayant le même père et la même mère, ils sont tous des frères, et d’autre part que la diversité régionale et culturelle sont la volonté du divin. Quiconque ignore cette volonté divine et rêve d’un monde de clones vivant sous une seule religion, une seule culture, et une seule pensée se lance alors dans une bataille perdue d’avance. Dieu dit : « Si Dieu l’avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté. Mais il a voulu vous éprouver par le don qu’il vous a fait (la liberté). Cherchez à vous surpasser les uns les autres dans les actions bonnes. Tous vous retournerez à Dieu. Alors il vous éclairera au sujet de vos divergences. » Surat 5, verset 48.
Le meilleur moyen, et probablement le seul, de dépasser les différences est encore une fois la connaissance de l’autre. Connaître les autres cultures est une injonction coranique, qui ne peut être réalisée que dans des moments de paix et d’apaisement à travers des rencontres fraternelles. Ceci est la finalité majeure de l’Islam en matière de diversité. L’Islam, par voie de conséquence, est fortement attaché à la paix, condition sine qua non à la connaissance culturelle et civilisationnelle.

II. Qu’est-ce que c’est que l’Islam ?

Il convient, cependant de définir l’Islam à partir de cette idée coranique, qui est la fraternité et l’origine unique de l’humanité. Je dirais donc que l’Islam a trois acceptions.


La première est comportementale: Elle se dégage de l’Ethique pacifique de la personne humaine, qui se doit de promouvoir la paix entre les hommes sans exception, et sans distinction de race, de couleur ou de religion. Etre « muslim » (musulmane ou musulman), c’est être celle ou celui qui répand la paix. Il s’agit en fait d’une prédisposition inhérente à la nature même de l’humain, telle qu’elle est rappelée dans le verset 30 de la Surat 30 : « c’est Dieu qui a voulu que cette croyance fut inhérente à la nature de l’Homme et l’ordre établi par Dieu ne saurait être modifié ».


La deuxième acception est d’ordre dogmatique et de choix religieux: Il s’agit de la « soumission », Qui est à prendre dans le sens « offrir son être, c’est-à-dire : la connaissance par la conscience de l’Homme, d’un être au-delà de tous les êtres, d’un Créateur Un et Unique auquel la conscience reconnaît la préséance sur toute chose. Il est Un, et il n’y a pas d’autres dieux que Lui. Il est au-delà de tout ce que l’on peut imaginer. » Tariq Ramadan, De l’Islam, p.19.

(Voir aussi notre article sur le sens du mot Islam)

La troisième est celle qui consiste à se remettre en question: En faisant un travail de critique continuel, sans se fier aveuglement à l’existence d’une seule Vérité qui conduirait à une dénégation de toute autre vérité possible. Le Coran nous invite justement à cela dans la Surat 34,verset 24 : « Vraiment, c’est nous ou bien vous qui suivons une guidance, ou qui sommes dans un égarement évident ».

III. Djihad : entre terminologie arabe et définition occidentale

Il est vrai que le terme « Djihad », fort heureusement, n’a pas été latinisé comme d’autres noms ou termes. Il a toutefois subi, au Moyen-âge, un véritable détournement de sens.

Il faut tout d’abord faire la différence entre djihad qui consiste à faire un effort maximal sur soi, et qital, qui désigne précisément le « combat armé ». On trouve ce dernier terme pour la première fois dans les versets médinois, tandis que le mot djihad  est cité dans des versets mecquois, alors même que le combat armé était interdit à la Mecque. On en déduit par là que le mot djihad désigne tout effort et mobilisation des forces humaines, qu’elles soient intellectuelles, sociales, économiques, ou militaires.


Une religion est censée guider l’Homme vers le droit chemin et la cohésion sociale mais, il se trouve que ce dernier se pervertit parfois jusqu’à se doter de dieux guerriers tels que Arès en Grèce Antique et Mars à Rome. L’homme belliqueux ira jusqu’à adorer la guerre et la diviniser. Les arabes de la jahiliyya (l’âge de l’ignorance) ne font pas exception à cela.
Il est donc naturel que les livres saints fassent mention de la guerre et la codifient, afin de ne pas laisser un domaine aussi sensible et grave de conséquences à la discrétion des émotions humaines.

En faisant allusion aux trois révélations (La Torah l’Évangile et el Coran), Le Coran désigne toujours le combat pour la cause de Dieu par le mot qital (combat) et non par le mot djihad (effort). « Comme s’il s’agissait là d’une référence commune, fondamentale, essentielle au monothéisme en tant que tel », Michel Dousse, Dieu en guerre, p.210.
« Dieu a acquis des croyants leur personne et leurs biens en échange du jardin du paradis. Ils combattent (qital) sur le chemin de Dieu, jusqu’à tuer ou être tué, contre une promesse à quoi Dieu s’engage dans la Torah, l’Evangile et le Coran », Surat 9, verset 111.

Les agissements insensés de ceux qui s’auto-proclament défenseurs de l’Islam en semant la terreur ne reflètent que leur cécité et leur ignorance de la religion. Ils vont à l’encontre des commandements de l’Islam et de ses prescriptions en matière religieuse, sociale et humaine.
Leurs actes fous nourrissent les pires fantasmes dont les premières victimes sont les musulmans eux-mêmes.

Voir aussi l’article de Manuel San Pedro » Les effets du terrorisme islamique sur les musulmans de France »

Il est grand temps que musulmans et non-musulmans, apprennent à faire la différence entre ceux qui connaissent et pratiquent l’Islam, et ceux qui cherchent à se l’approprier pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’adoration de Dieu et le respect des Hommes.
L’Islam est la religion de la Paix universelle. Elle s’adresse à tous, et nul n’a le droit de l’instrumentaliser. Dieu a laissé à l’homme la liberté de choisir entre la lumière et les ténèbres, le bien et le mal, la paix ou la guerre. A lui d’en assumer, seul, la responsabilité.

Pr Omar DOURMANE, président de France Fatwa, enseignant à la faculté des sciences islamiques de Paris 20eme.

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1. Le Père Michel Lelong, décédé le 10 avril 2020, à l’âge de 95 ans, a été l’un des principaux artisans du dialogue avec l’Islam, dont il a approfondi sa connaissance durant ses 72 ans de vie de missionnaire en Tunisie, Algérie et en France. Arabisant, il entretiendra toujours d’excellentes relations avec l’ensemble des composantes et tendances de l’Islma en France.
Il présidera le Service des Relation avec l’Islam à partir de 1975, puis le Service National pour les Relations avec les Musulmans jusqu’en 1981.
Il fonde ensuite, avec le Pr. Mustapha Cherif, le Groupe d’amitié islamo-chrétien (GAIC).
Voir l’article du site du SNRM : https://relations-catholiques-musulmans.cef.fr/actualites-et-initiatives/actualites/292171-pere-michel-lelong-1925-2020/

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