LA SEGMENTATION DU RACISME EST LA FORME LA PLUS ÉLABORÉE DU RACISME

Manifestation Marseille 11 novembre 2023. Photo Jean-Michel Brun 2023

Pierre Mendès-France disait : « Le racisme, ça ne se discute pas, ça se combat ».

Cette phrase, devenue le credo des mouvements anti-racistes, signifie notamment que le racisme ne se segmente pas. On ne peut à la fois lutter contre l’antisémitisme et s’en prendre aux musulmans.

Le racisme est un peu comme le sparadrap du capitaine Haddock dans « L’affaire Tournesol » : il vient se coller tantôt à un endroit, tantôt à un autre. Ici contre les juifs, là contre les musulmans, ailleurs contre les noirs, mais il reste le racisme. C’est d’ailleurs pour cela que le titre de la LICRA (Ligue contre le racisme et l’antisémitisme) est un non-sens. Le racisme est le racisme, un point c’est tout. Penser le contraire, c’est croire que les antisémites d’hier ont pu se métamorphoser, d’un coup de baguette magique, en défenseurs des juifs. Quelle naïveté ! Non. Ils instrumentalisent simplement la juste lutte contre l’antisémitisme pour tenter de rassembler autour de leur haine viscérale des musulmans. La segmentation du racisme est la forme la plus élaborée du racisme.

C’est d’ailleurs ce que souligne Rony Brauman, fondateur de Médecins Sans Frontières à propos de la manifestation contre l’antisémitisme du 12 novembre : « Je n’irai pas manifester ce dimanche, c’est plutôt une marche en soutien à Israël qu’une marche en soutien aux juifs. Israël est non seulement l’endroit où les juifs sont le plus en danger au monde mais Israël met en danger les juifs du monde ».

La présence à la manifestation du 12 novembre de membres du gouvernement pose d’ailleurs question. Pourquoi en effet se joindre à un rassemblement contre l’antisémitisme et interdire ceux qui protestent contre les milliers de tués palestiniens ? D’autant que les actes antisémites qui sont à l’origine de la manifestation se sont révélées ne pas en être. Les Magen David taguées sur les murs ont été commandés par un milliardaire moldave qui prétendait vouloir soutenir les juifs, et la dame agressée est soupçonnée par la police de s’être auto-mutilée. L’affaire des 40 bébés décapités a été démentie par la journaliste de CNN Anaïs Crouts qui l’avait publiée, ce qui n’empêche pas CNews de continuer à en faire état. Celle du bébé dans le four s’est aussi révélée être une mystification, ce qui n’a pas empêché la police de placer en garde à vue une influenceuse qui avait ironisé sur cette fake news.

La « marche contre l’antisémitisme » du 12 novembre a été celle d’un étrange patchwork de gens qui défilaient ensemble, mais pas pour les mêmes raisons. A côté des antiracistes sincères, on a pu entendre des slogans islamophobes et des « Zemmour président ». La gauche était bien là parce qu’il fallait bien y être, sauf LFI qui avait refusé de défiler aux côtés des racistes. Les partisans de la paix au Proche-Orient côtoyaient les soutiens à la politique génocidaire de Netanyahou. Pas sûr que cette manifestation ait servi à grand chose, sinon à être instrumentalisée par les uns et par les autres. En tous cas, l’humanisme n’y était pas. Il devait sans doute défiler ailleurs…

Tandis que, lors des manifestations pro-palestiniennes, aucun slogan antisémite n’est entendu, alors que des pancartes sont brandies appelant à l’union des musulmans et des juifs pour le cessez-le-feu immédiat, le lobby sioniste s’emploie par tous les moyens à tenter de diviser les Français. C’est ce que fait remarquer Michel-Edouard Leclerc, qui refuse de participer à la manifestation de Paris, soupçonnant, de la part des organisateurs, de vouloir séparer les Français au moment où ils ont le plus besoin d’être unis.
Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher appellent à une manifestation contre l’anti-sémitisme, sans mentionner les autres formes de racisme : Ils ne rassemblent pas, ils divisent. Ils attribuent, dans leur tribune, l’antisémitisme à l’islamisme : Ils ne rassemblent pas, ils divisent. Le RN annonce sa participation à la manifestation, parfaitement conscient des polémiques que cela va engendrer : ils ne rassemble pas, il divise. En segmentant le racisme, les organisateurs de la manifestation de dimanche, qui aurait dû rassembler tout le monde, ont fait de celle-ci une manifestation raciste contre les musulmans.
Divide et impera, les vieux principes font toujours recette. Mais cela va-t-il fonctionner encore longtemps ?

C’est dans les pays réputés être les soutiens les plus inconditionnels à Israël que les manifestations pour la Palestine ont été les plus spectaculaires. Aux USA, Biden se trouve sur la corde raide, devant la contestation du peuple américain. Au Royaume Uni, le régime de Rishi Sunak et de Suella Braverman est également destabilisé. Quant à la France, la non-participation d’Emmanuel Macron est vue par beaucoup d’observateurs comme un signe d’éloignement du lobby israélien – voire d’un agacement à son égard – qui devient décidément trop voyant.

La stratégie qui consiste à présenter l’antisémitisme comme une discrimination à part semble avoir fait long feu, de même que l’amalgame entre antisémitisme et antisionisme, le premier étant un crime raciste, l’autre une position politique contre l’irrédentisme d’un État. Cette manière de faire accepter le sionisme en accusant ses détracteurs d’antisémitisme ne marche désormais pas plus que celle qui consiste à assimiler les résistants palestiniens, et même la communauté musulmane dans son ensemble, à des terroristes. Se servir du rejet de l’antisémitisme pour servir la politique extrémiste de Natanyahou est une forme de racisme. La plus élaborée. Et même la communauté juive de France commence à en refuser la dialectique. Un véritable espoir pour la paix.

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