« LES TERRITOIRES PERDUS DE LA RÉPUBLIQUE »

Par Sadek Sellam 

Sadek Sellam révèle ici les véritables raisons historiques de la stigmatisation de l’Islam et des musulmans en France. La laïcité, l’islamophobie d’État, les échauffourées, la délinquance, l’école, la famille, sont ici brillamment décryptées. Ce texte est extrait d’une vidéo diffusée sur Canal 22 Algeria
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Le thème des « territoires perdus de la République » est un sujet à la mode depuis une vingtaine d’années et qu’il convient d’aborder dans la durée. Un thème qui fait l’objet de controverses,  a déchaîné des passions à la moindre occasion, comme celle du drame de Nanterre où un jeune adolescent d’origine musulmane, mais dont on ne sait pas s’il est pratiquant,  s’il va régulièrement à la mosquée, ou s’il est affilié à une association islamique suspectée, a été abattu par un policier, semble-t-il un ancien militaire, qui n’a pas respecté les règles habituelles des sommations et de la neutralisation. On peut en en effet neutraliser quelqu’un en tirant sur les pneus, en tirant sur le les jambes mais pas sur la tête.  

Il s’agit d’une affaire où il y a une victime et un coupable, et ce coupable a été déclaré comme tel puisqu’il a été écroué à la prison de la santé avant même la fin de l’enquête.
Mais malgré l’absence d’implication directe de l’islam dans cette tragédie, les incidents qui ont suivi ont déchaîné des commentaires qui, de fil en aiguille, ont relancé ces débats sur les « territoires perdus de la République », sur l’islam, et sur l’islam politique.  Bref, tout le discours dont on a l’habitude depuis maintenant des décennies.

C’est alors que des imams, parmi ceux qui sont habitués à fréquenter « l’islamologie administrative », ont mis leur grain de sel et se sont mis à aborder ce sujet le vendredi dans leurs sermons, en contribuant ainsi à islamiser une crise qui, a priori ,n’a absolument rien d’islamique.  

Alors pour essayer de voir clair il faut remonter le temps, car il faut être « fondamentaliste » sur le plan historique et scientifique c’est-à-dire revenir aux fondements et aux sources des problèmes.  

De la « marche pour l’égalité » à la « marche des beurs » 

Il nous faut remonter jusqu’en 1983, une année qui a été marquée par ce qu’on a appelé la « marche pour l’égalité ».  Ce sont les marcheurs qui l’ont appelée ainsi, des jeunes issus de l’immigration qui sont montés de Marseille jusqu’à Paris pour attirer l’attention sur l’ampleur des problèmes d’intégration des jeunes issus de la première immigration, tous nés en France. Beaucoup étaient français ou en voie de l’être, ou avaient vocation à le devenir. Ils ont soulevé un problème d’essence sociale et de citoyenneté qui n’avait absolument rien à voir avec la religion.  Les marcheurs se réclamaient de tantôt de Martin Luther King tantôt de Gandhi pour montrer le côté très pacifique de leur revendication.  Ils espéraient réveiller la conscience française, comme on disait naguère, uniquement par des arguments moraux et rationnels.  

Mais très vite on a décidé de parler de « marche des beurs ». Et cette fois, ce sont les médias et la classe politique qui ont appelée ainsi.  Et ce n’est pas fortuit. Il s’agit d’une intention délibérée de lui donner une dimension identitaire qu’elle n’avait pas. On peut comprendre ce glissement sémantique si on remonte quelques mois auparavant, à  l’automne 1982.  

L’invention de l’islamisation 

La gauche venait à peine d’arriver au pouvoir qu’elle a eu affaire à des grèves de longue durée dans l’automobile.  À la rentrée de 1982, en  octobre-novembre, ces grèves se sont poursuivies, et les syndicalistes non musulmans qui étaient dans les cabinets ministériels ont été envoyés sur place à plusieurs reprises avec des costumes 3 pièces et des attachés-cases. Ils arrivaient au volant de R25 alors qu’ils venaient au mobylette un an et demi auparavant. C’étaient les camarades des syndicalistes maghrébins qui réclamaient des douches, des augmentations de salaires, des indemnités de transport. Des revendications très syndicales qui n’avaient absolument rien à voir avec le religieux. Mais les syndicalistes des cabinets ministériels de la gauche au pouvoir ont échoué à mettre fin à cette grève. Alors le Premier ministre de l’époque Pierre Mauroy, qui était un homme très respectable, mais qui cette fois-là a cédé aux pressions, a déclaré que cette grève n’était pas « une grève comme les autres » car les grévistes étaient selon lui, je cite, « des intégristes ». Le ministre de l’Intérieur Gaston Deferre a été plus loin en disant : « ce sont des intégristes, ce sont des chiites » !

Les grévistes qui ont reçu les caméras de télévision après ces déclarations ont acheté des boissons alcoolisées qu’ils buvaient ostensiblement devant les caméras pour montrer qu’ils n’était même pas pratiquants. Mais rien n’y a fait.

Ce tournant a été le point de départ et de l’incrimination de l’islam et de son instrumentalisation, et le prétexte pour l’utiliser comme bouc émissaire afin de justifier l’abandon des idées de gauche et des promesses électorales de lutter contre les inégalités ,et de satisfaire pleinement les revendications de la classe ouvrière. En réalité, la gauche acceptera ce qu’on a appelé le « tournant libéral », et renoncera au socialisme pour se tourner vers l’Europe.

La gauche a donc trahi les promesses auxquelles croyaient les travailleurs, et quand on a décidé, en 1983,  de parler de la « marche des beurs », on avait à l’esprit ce précédent. En d’autres termes, on a cherché une fois encore à donner une dimension identitaire à un phénomène qui ne l’avait pas.

Un autre événement est survenu dans cette même année 1983,  c’est l’attentat du Drakkar. L’immeuble du Drakkar, à Beyrouth, était le PC des paras français dépêchés au Liban par l’ONU et qui a été la cible d’un attentat.  Il y a eu des attentats contre les GI américains et contre les paras français, qui ont fait de nombreuses victimes. Là,  France avait affaire à un mouvement islamiste déclaré, al-Muqawama al-Watania, la « résistance nationale » libanaise, qui est devenu par la suite le Hezbollah.  

Et c’est à partir de ces 3 événements, les grèves de 1982, la « marche des beurs », et l’attentat du Drakkar, que l’islam a été mis dans le collimateur à la moindre occasion, et a été utilisé pour justifier les abandons et le refus de traiter un problème d’essence sociale qui n’avait absolument rien de religieux.  Il faut le rappeler à chaque fois aux auteurs très engagés, aux idéologues qui publient sur ce qu’il est convenu d’appeler « les territoires perdus de la République ».  En 1983 il y avait aucun territoire perdu. À la suite de l’alerte donnée par cette marche qui a duré plusieurs semaines, personne ne pouvait plus ignorer l’ampleur des problèmes sociaux d’intégration. Des problèmes qu’il aurait été possible de traiter par une politique volontariste. Or, en haut lieu, on a décidé de ne pas le faire. On a actionné les problèmes de l’islam pour dissimuler cet abandon. Mais, dans le même temps, l’islam, au niveau ministériel, relevait du ministère des Affaires sociales, ce qui était une excellente chose. C’est la ministre Georgina Dufoix, une protestante très « islamo-juste » et amie des musulmans, qui voulait traiter ces problèmes.  Mais elle n’avait pas l’aval de tout le gouvernement socialiste de l’époque. Il y avait dans son cabinet quelqu’un qui s’appelait Pierre Mutin, et qui avait vécu en Algérie où son père était professeur d’arabe. C’est lui qui est allé voir la mosquée de Paris, dirigée à l’époque par Cheikh Abbas, pour donner des recommandations d’ouverture de la société des Habous aux autres tendances de l’islam en France. Il avait présenté des propositions destinées à prévenir les conflits que nous connaissons actuellement entre les différentes nationalités d’origine des musulmans de France. Mais par la suite, après 1989, on a créé un poste de conseiller dans le cabinet du ministre de l’Intérieur, chargé des cultes et notamment de l’islam. Et c’est à partir de là, quand on a dessaisi les affaires sociales, que l’on s’est mis à essentialiser ces problèmes de l’islam et à passer sous silence le côté social, qui ne cessait de s’aggraver. On a fait des fixations sur les courants radicaux qui font peur, et on a vu émerger une catégorie de chercheurs qui, à partir des accusations fortuites et gratuites de chiisme et d’intégrisme à l’encontre des syndicalistes très laïcs, ont formé des équipes de recherche, lesquelles se sont attelées à donner raison aux ministres, même si tout le monde savait qu’ils avaient tort. Ainsi s’est développé un programme de recherche très bien subventionné, et quand il y a de bons financements, il faut satisfaire les payeurs. Ces payeurs avaient besoin de d’éléments de langage, d’arguments plus ou moins convaincants pour tenter de prouver qu’il y avait un péril islamique en France. Et c’est comme cela qu’est parue toute une littérature qui a arrondi par excès le nombre de musulmans jugés potentiellement dangereux. On y trouve pêle-mêle, par exemple, le professeur Hamidullah ou Malek Bennabi, qui sont présentés comme étant des maîtres à penser de générations d’activistes. Je cite le livre qui est à l’origine de toute cette déformation des informations, cette désinformation (on l’appellerait cela « mensonge » dans le langage courant), et ce sont ces politiques sécuritaires qui sont devenus hégémoniques dans la recherche sur l’islam, à la faveur du déclin majestueux des études d’islamologie classique, dont les chaires n’ont pas été renouvelées. Cela se passait au profit des politiciens sécuritaires qui fournissent les médias et les hommes politiques en arguments plus ou moins savants destiné à faire croire à un complot musulman.

Ces auteurs, qui ce sont mobilisés pour rejeter toutes les théories complotistes, ont fait croire qu’il y avait un seul complot dans l’histoire, dans le monde : l’islam. « L’islamisme » n’étant qu’un prétexte.  Ainsi, le pouvoir politique a décidé de ne pas régler les problèmes sociaux, mais d’incriminer l’islam, sans argument. Tout cela nous a mené à la révolte des banlieues de 2005.

L’islamisation de la crise sociale

Nous étions en plein Ramadan, et on a vu des jeunes se mettre à brûler des voitures, d’abord dans les banlieues parisiennes, puis dans la plupart des grandes villes. Dès le début, les politiques et la presse ont essayé d’islamiser cette crise. Sans grand succès. au départ, ilfaut le dire. Alors on a mis en action une organisation islamique qui avait ses habitudes au ministère de l’Intérieur. Celle-ci a produit une fatwa disant que ce n’est pas bien de brûler les voitures ! Une fatwa, selon sa définition et son sens étymologique, est faite pour donner un avis religieux sur un problème ouvert, un sujet dont on sait pas si c’est « haram » ou si c’est « halal ». Brûler les voitures d’autrui, tout le monde, les concierges comme nos grands-mères, savent que ce n’est pas bien, que cela ne se fait pas.

Or par cette fatwa, on a donné à cette révolte, qui n’avait aucune motivation religieuse, une dimension islamique. Et comme cela ne semblait pas suffire, un député du 93, de Seine-Saint-Denis,  a dit : « J’ai cru entendre à minuit, un jeune crier « Allahou Akbar » » au moment où il brûlait une voiture ». Naturellement, l’islam ou les jeunes musulmans pratiquants n’étaient nullement impliqués dans cette affaire. Mais il s’agissait d’une des tentatives de déplacer le problème, et de désigner une fois de plus l’islam comme le principal responsable de tous les maux de notre société.

Presque à la même période, a été publié un livre qui a été très médiatisé, intitulé « Les territoires perdus de la République », qui décrit une situation apocalyptique. Cet ouvrage collectif ayant été dirigé par un spécialiste de l’antisémitisme, l’accent a été mis sur le problème de l’école. On y lit que les professeurs des collèges et lycées de banlieue avaient affaire à une population scolaire antisémite, puisque la majorité était de issue de familles musulmanes. Pour preuve, il explique que, dès qu’il y a un cours sur la Shoah,  les enfants protestent ou éclatent de rire. On a cru à cela pendant très longtemps, jusqu’à ce que La Chaîne Parlementaire ait l’idée d’aller interviewer les enseignants qu’avait rencontrés cet idéologue spécialiste de l’antisémitisme, qui avait aussi affirmé une fois à la radio « En tout musulman sommeille un antisémite ». Je ne sais pas ce qui lui permet de dire ça, mais en tous cas, cela  montre qu’il est plutôt idéologue que scientifique ou historien. Bref, LCP a interrogé les enseignants chargés de l’enseignement de la Shoah, des professeurs d’histoire, et l’une d’elle, à Bondy je crois, a expliqué qu’effectivement, quand elle a commencé le première séance sur la Shoah, il y a eu des protestations de jeunes collégiens ou lycéens musulmans. Elle les a alors pris à part à la fin du cours pour leur demander de s’expliquer. Ceux-ci lui ont tous répondu « Pourquoi n’y a-t-il rien au programme sur les massacres et les méthodes barbare utilisées en Algérie, et notamment la torture ? ». Jusqu’à maintenant en effet, la torture pratiquée àl ‘époque coloniale n’est pas au programme. Cela avait été refusé par le Ministre de l’éducation nationale  sous Lionel Jospin au moment de l’affaire Aussaresses, en 2001 et 2002. Il s’agissait de Jack Lang. Celui-ci avait alors refusé de modifier les programmes scolaires au motif qu’il ne fallait pas communautariser l’école.  Cela ne l’a pas empêché d’aller voir le président Bouteflika en 2007 en tant que porte-parole de Ségolène Royal, qui était candidate à la présidente de la République. A l’issue de l’entrevue, il a déclaré  que la candidate socialiste était prête à modifier les programmes scolaires sur la guerre d’Algérie. Tout est donc relatif : les élections, la pêche aux voix, la recherche des financements occultes, tout cela autorise des virages à 180°.  Cependant, malgré l’absence du sujet de la torture dans les programmes, cette agrégée d’histoire est allée se documenter, et en a parlé en cours. Les enfants d’origine algérienne, ou musulmans, ont, a-t-elle précisé, « écouté religieusement par la suite mon cours sur la Shoah ». Ce n’était donc pas un refus d’un enseignement sur la Shoah, mais une protestation contre une inégalité de traitement, une discrimination : Il y a eu des carnages en l’Algérie, des massacres collectifs, et il était interdit d’en parler à l’école ! Cette courageuse agrégée a eu la paix scolaire pendant un an, parce qu’elle a transgressé le programme. Elle a pu ainsi obtenir l’écoute de ses élèves, qui ont eu leur bac et qui ne demandaient qu’à s’instruire. Ils réagissaient juste à la discrimination et à l’inégalité. 

La stigmatisation de l’islam

Au moment de la révolte des banlieues de 2005, l’EHESS, l’École des Hautes Études des Sciences Sociales, avait à sa tête une excellente présidente, qui a réuni les États généraux des sciences sociales, au cours desquels elle a souligné que cette révolte des banlieues était d’abord l’échec des sciences sociales. « Nous avons des enquêteurs, des budgets des financements des sociologues qui sillonnent les banlieues, mais ils n’ont rien vu venir. Cela signifie qu’il y a un problème, et qu’il faut véritablement que la recherche rattrape l’évolution du réel », a-t-elle déploré. Mais cette excellente directrice n’a pas été écoutée. Elle était spécialiste de la sociologie des religions, et regrettait qu’il existât une sociologie de toutes les religions, sauf de l’islam, laquelle n’a droit qu’à une sociologie des mouvements radicaux. L’Islam a droit à une sociologie de la religion,  l’étude du Mawlid par exemple des célébrations sociales religieuses. Or non. Nous n’avons que l’hégémonie des politique ssécuritaires qui sont parfois citées par des présidentiables dans les débats du 2e tour, et qui croient ensuite avoir triomphé uniquement parce que leur citation a facilité la pêche aux voix.  Mais sur le plan scientifique ils sont pas les plus méritants.  

Voilà donc les antécédents qui ont créé cette habitude de désigner un bouc émissaire à chaque fois que cela va mal, à chaque fois que l’on ne comprend pas, ou quel’on ne cherche pas à comprendre, et que l’on refuse un traitement républicain des problèmes.

À la place d’un vrai volontarisme, on préfère « incriminer le pauvre islam », comme disait le professeur Hamidullah. Et il est très regrettable que certains imams aient consacré leur dernier prêche du vendredi à ce thème, à ces troubles, qui sont naturellement tout à fait regrettables, n’importe quel humaniste ou religieux, qui se référe à la morale religieuse, condamne évidemment cela sans ambages. Mais on n’a pas besoin de consacrer une Khutba à cela. Si on le fait, on donne raison aux gens qui veulent imiter Deferre et Mauroy, qui en 82 avaient stigmatisé l’islam, et même les chiites, alors qu’il y a pratiquement 0 chiite en France parmi les Turcs ou parmi les Maghrébins. Deferre et Mauroy sont devenus en quelque sorte les maîtres à penser de tous ces commentateurs et de ces responsables politiques.

C’est cette habitude qui à l’origine du déplacement du débat, de ce renversement qui, alors que la victime est musulmane, désigne l’islam, comme coupable, alors qu’il n’y est absolument pour rien. Mais le problème devient islamo-musulman lorsque des imams, parce qu’ils sont habitués au dialogue avec les autorités locales ou nationales, cherche à plaire afin de continuer à siéger dans les nouvelles instances créées après la cessation des activités du CFCM. Ils méritent donc d’être interpellés, poliment, mais au nom de la raison, de l’islam, du Coran : Pourquoi mettre de l’huile sur le feu et ajouter un argument fallacieux à cette tentative d’islamisation d’une crise qui n’a absolument rien d’islamique ?

Nous espérons de la part de nos imams un peu plus de discernement, un peu plus de prudence. Leur rôle est d’éduquer, de faire de la prévention, et toutes les études ont montré que la violence, le terrorisme, viennent très, très rarement des mosquées. Cela prouve que les imams ont un rôle éducatif positif, qu’ il faut qu’ils continuent en ce sens, mais il faut aussi qu’ils résistent à la tentation de devenir les « musulmans de service », et voler ainsi au secours des gens qui renoncent à argumenter, renoncent à avoir une politique audacieuse.  Le président Macron a reconnu, dans son discours des Mureaux du 2 octobre 2020,  que « cette situation critique est le résultat de nos lâchetés passées ». Macron est l’un des rares politiques à dire accepter un examen de conscience et une autocritique. Et quand il a parlé du rôle des parents, il a tout à fait raison.  La famille d’aujourd’hui n’est plus celle qu’elle était quelques décennies auparavant. Mais la vérité est que les musulmans sont précisément les moins concernés par cette objection, puisque la famille musulmane a su résister à la sécularisation et à la laïcisation. à outrance.  Nous avons des musulmans qui sont citoyens français depuis 3 générations, mais qui sont resté très « famille », comme l’on dit. S’il est tout à fait naturel de demander aux parents d’éduquer encore mieux leurs enfants, pour leur éviter de tomber dans la délinquance et prévenir ce genre d’incidents regrettables, cela ne concerne pas spécifiquement, bien au contraire, les familles musulmanes.  Le relâchement de la famille est le fait d’une laïcisation excessive, de l’esprit de mai 68 qui encouragé l’idéologie de l’individu-roi.  Mai 68 est aujourd’hui remis en cause par les gens qui veulent revenir à la meilleur équilibre entre les individus et la société, et s’il y a un apport des famille d’immigrés les plus modestes, c’est précisément dans ce domaine, où la famille est restée quelque chose de réel, qui joue son rôle, où les familles ne sont pas éclatées, où relations parents-enfants, frères et sœurs, restent solides. Nos imams devraient y penser la prochaine fois, avant de foncer tête baissée pour servir de faire valoir et voler au secours de personnes qui sont loi d’être animées des meilleures intentions à l’égard de nos concitoyens musulmans.  

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Sadek Sellam est un historien franco-algérien, spécialiste de l’islam en France. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages : « L’Islam et les musulmans en France », éditions Tougui (1987), « Parler des camps », « Penser les génocides », « Être musulman aujourd’hui ».
Il vient de rééditer une version augmentée de son incontournable ouvrage « La France et ses musulmans : un siècle de politique musulmane (1895-2005) »

Lire également notre article : « Ma réponse au discours des Mureaux »

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