RETRAITES : MACRON A EU CHAUD, MAIS LE FEU CONTINUE À BRÛLER

Neuf voix d’écart,  Il s’en est fallu de peu. Alors que les analystes s’attendaient que la motion de censure transpartisane présentée par le groupe LIOT soit rejetée avec une trentaine de voix d’écart, seules neuf voix ont manqué lundi après-midi pour qu’elle soit adoptée.

Malgré l’apparente pugnacité affichée à l’issue du scrutin par  Elisabeth Borne qui se dit « déterminée à continuer à porter les transformations nécessaires », c’est bien une crise politique sans précédent qui secoue la – relative – majorité présidentielle. L’appel à l’article 49,3 apparaît définitivement comme un biais démocratique. En refusant de se soumettre au vote des élus de la Nation, le chef de l’Etat et son gouvernement ont contourné le processus normal de la démocratie en utilisant un outil constitutionnel qui n’avait pas été créé pour cela. Cette façon d’esquiver l’opinion publique a transformé son refus de la réforme en colère, et les violences policières qui ont suivi les manifestations d’hier soir ont changé cette colère en rage. C’est ce qu’ont compris 19 députés LR, qui, après avoir consulté leur base, ont voté la motion, en contradiction avec les consignes du président de leur parti, Eric Ciotti. Un parti qui semble avoir littéralement explosé, et qui ressort de cet épisode encore plus affaibli qu’il ne l’était après le désastre des présidentielles et des législatives. 

La division n’épargne pas non plus le parti d’Emmanuel Macron, dont les députés étaient étonnamment absents des rangs de l’Assemblée Nationale, et ne sont pas venus soutenir Elisabeth Borne dans ce moment particulièrement difficile à la fois pour elle et pour l’ensemble de la « macronie ». Il n’est pas impossible que cette fracture, au sein même de groupe Renaissance, continue de se creuser. Déjà, le député Renaissance de l’Hérault,  Patrick Vignal, a demandé au président de la République de ne pas promulguer cette loi : « Devant autant de colère (…) je pense qu’il faut de l’apaisement et qu’il faut suspendre » a-t-il déclaré sur BFMTV. 

Le gouvernement, mais aussi le président de la République, se trouvent aujourd’hui sur la corde raide. Et s’ils ont pu, tant bien que mal, garder leur équilibre à l’Assemblée, la rue semble plus que jamais déterminer à les faire chuter. Dès l’annonce des résultats, et pendant toute la nuit, des rassemblements spontanés se sont produits dans  plusieurs villes, et en particulier à Paris. D’importants dispositifs policiers avaient été mis en place pour contenir les manifestants, jeunes en général. 287 interpellations ont eu lieu en France, dont 234 à Paris. Mais les réseaux sociaux ont immédiatement diffusé des images montrant de nombreuses violences commises par les forces de l’ordre, ce qui a amené Raquel Garrido, députée Nupes à demander au ministre d’intérieur « d’arrêter le massacre ». Celui-ci n’a pas réagi. 

Les députés de la NUPES dénoncent également les arrestations qu’ils considèrent comme arbitraires. Ainsi, sur les 292 personnes interpellées jeudi dernier à Paris, seulement neuf ont fait l’objet de poursuites. Les journalistes présents pour couvrir les manifestations ont été également bousculés par les forces de l’ordre, a mépris des droits sur la liberté de la presse.

La question que l’on peut se poser aujourd’hui est celle de l’avenir de la réforme et surtout de la capacité ou non d’Emmanuel Macron de poursuivre un mandat sans heurts.

Le projet de réforme va être soumis à l’avis du conseil d’Etat, lequel y apportera sans doute quelques modifications, mais c’est surtout, une fois de plus, vers la rue que les regards vont se tourner. Une grande journée d’action est prévue ce jeudi 23 mars, il ne fait guère de doute qu’elle sera largement suivie. Déjà, les transports, la collecte des ordures ménagères, le secteur de l’énergie, sont fortement impactés par les grèves, et les réquisitions ne semblent qu’attiser la colère des syndicalistes.

Le président de la République a annoncé qu’il s’exprimerait mercredi 22, à l’occasion d’une interview télévisée. Le député communiste Fabien Roussel a exhorté « le président de la République, lors de son intervention, à entendre ce qu’il se passe dans le pays». Évoquant une parlement «bafoué, humilié», un gouvernement «cramé». Il ajoute : «Il faut comprendre ce qu’il se passe dans le pays : le gouvernement est d’une violence et d’une brutalité rares.» 

Emmanuel Macron suivra-t-il la trace de Jacque Chirac qui, il y a dix ans, renonçait au CPE, portant voté à l’Assemblée, en raison de l’opposition des Français à la réforme ? Probablement pas car, contrairement à son prédécesseur, Emmanuel Macron fait de sa réforme une affaire personnelle. Il a d’ailleurs averti qu’il n’y aurait « ni remaniement, ni dissolution, ni referendum« . Le chef de l’État reste inflexible. Pour lui, cette réforme est la seule possible, ce qui est contesté à la fois par les syndicats, nombre d’économistes et par la moitié des députés.

Dans tous les cas, le président de la République devra faire preuve d’une habileté peu commune pour rétablir la paix sociale et éviter que le pays ne sombre dans le chaos.

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