POISON D’AVRIL

Choisir la période des vacances de Pâques pour organiser les élections alors qu’on est censé lutter contre l’abstention, c’est osé. Cela a même des airs de poisson d’avril…Mais après tout, on n’est plus à une incongruité près.

Autre pois(s)on d’avril : le programme électoral de Zemmour. Le regretté Ferdinand Lop, qui fit les beaux jours des étudiants de l’après-guerre, n’aurait pas fait mieux : Limitation du droit d’asile à une centaine de personnes par an, création d’un ministère de la « remigration », construction d’un mur aux frontières terrestres de l’Union européenne, obligation de choisir le premier prénom des enfants dans calendriers français, régionaux ou des personnages connus de l’histoire antique et biblique, interdiction du port du voile islamique dans l’espace public, interdiction de construire des minarets et des « mosquées imposantes », obligation du port de la blouse à l’école primaire, interdiction de l’écriture inclusive, bourse de naissance de 10 000 euros par enfant né dans la « France rurale », interdiction de construire des éoliennes.

Lop, lui, proposait de construire les villes à la campagne, de prolonger les Champs Elysées jusqu’à la Canebière, de verser une pension à l’épouse du soldat inconnu, ou de supprimer les wagons de queue du métro. Lui, au moins, était drôle.

Sauf que c’est à se demander si Zemmour, qui est un garçon intelligent, croit vraiment à ce qu’il dit. Ne va-t-il pas nous annoncer, à la veille ou au lendemain de élections, que tout ceci n’était qu’un gigantesque canular ?

Sauf qu’il y a des gens qui le suivent, qui expriment leur intention de voter pour ce programme farfelu.Face à lui, et à la droite raciste et xénophobe, les musulmans sont bien pitoyables avec leurs divisions, leur dissensions, incapable même de se mettre d’accord pour le début du Ramadan.

Et pourtant, il existe, dans la communauté, des gens de qualité. Le mois dernier nous avions rencontré Mohsen Ngazou, le président de Musulmans de France. Cette fois, nous nous sommes entretenus avec Ghaleb Bencheikh, qui fait, malgré de faibles moyens, un travail colossal au sein de la Fondation de l’Islam de France. Pourquoi le gouvernement ne s’appuie-t-il pas sur ces gens-là, au lieu de sortir de son chapeau des absurdités comme le FORIF  – pardon à ceux qui en font partie, à défaut d’autre chose ?

Le monde est fou, incohérent, insensé. J’ai vu, pendant la guerre civile libanaise, des voisins, des amis d’enfance chercher à s’entretuer, puis se demander, la guerre achevée, quelle folie s’était emparée d’eux. Nous voyons aujourd’hui des gens tomber pour une absurde querelle de voisinage national. des gamins vont tirer sur des innocents parce que des illuminés leur ont promis le paradis au bout du fusil, comme on promet une sucette à un enfant.

Ghaleb Bencheikh, le physicien, sait bien ce qu’est l’entropie, cette tendance inexorable vers le désordre. Il y a pourtant un moyen, sinon de l’arrêter, du moins de la ralentir : la connaissance.

La lutte contre l’ignorance sera le combat des prochaines années, faute de quoi il risque de ne pas y avoir de prochaines années.

Jean-Michel Brun

Lire aussi

LE POÈTE QATARI AL-AJAMI EN PASSE D’ÊTRE EXPULSÉ D’EUROPE

C’est la suite du feuilleton Aj-Ajami. Mohammed Rashid Hassan Al-Ajami, citoyen qatari et poète à …