MEETING DE MACRON : APRÈS UNE COURSE À DROITE, UN PETIT COUP DE BARRE À GAUCHE

La stratégie d’Emmanuel Macron était simple : c’est à droite que se trouve sa réserve de voix. On file donc à droite, en espérant, notamment, récupérer les voix de l’extrême-droite. Tout a été mis en oeuvre pour cela, y compris la nomination de Gerald Darmanin, l’ancien militant d’Action Française au posté-clé de Ministre de l’Intérieur.

Sauf qu’en France, s’il y a une constante, c’est que les électeurs préfèrent toujours l’original à la copie. Sarkozy en a fait les frais avec son « identité nationale », Hollande aussi la période Valls. Mais rien n’y fait. C’est comme si les politiques étaient frappés de cécité, ou de surdité face à des conseillers qui ressassent inlassablement la même rengaine, sans doute apprise dans les rangs de l’ENA.

Quand le bateau prend l’eau

Sauf que, cette fois-ci, à quelques jours des élections, ça commence à chauffer. Les sondages indiquent que l’écart entre Macron et Marine le Pen se réduit chaque jour. Celle-ci n’est plus qu’à 4% du président-candidat au 1er tour, et la victoire de Macron n’est plus du tout assurée au second.

Du coup, la réserve de voix se situerait plutôt à gauche, l’imitation droitière n’ayant pas produit les résultats escomptés.

Qu’à cela ne tienne, ironise le quotidien Libération : « En meeting, Macron se repeint en rouge pour séduire la gauche ». Au grand meeting de la Défense Arena, à Nanterre, le 2 avril, rempli de militants survoltés auxquels on avait demandé de se conduire « comme des supporters de football », rapporte Le Parisien, Emmanuel Macron a essayé de se défaire de son image de banquier ultra-libéral. «Emmanuel Macron s’adresse à sa gauche et tente de rectifier le récit de sa campagne » titre Le Monde, qui s’étonne, et s’amuse, comme toute la presse, de la brusque réorientation du discours macronien.

Pourtant, le séparatisme, la retraite à 65 ans, la réforme du RSA, tout cela aurait pu faire partie du programme de n’importe quel parti de droite, ce que n’a pas manqué de souligner Valérie Pécresse, qui a accusé le Chef de l’État de plagiat, de même d’ailleurs que Marie le Pen et Eric Zemmour. Pas si étonnant : Très vite après son élection, Emmanuel Macron annonçait qu’il ferait tout pour qu’il n’y ait « plus aucune raison de voter pour les extrêmes ». Une déclaration qui était, c’est le moins qu’on puisse dire, en décalage par rapport à ses discours de campagne de 2017, et qui avaient provoqué une exode de beaucoup de militants d’En Marche. Et si une phrase est à mille lieux d’être prémonitoire, c’est bien celle-là, quand on voit les percées spectaculaires Marine le Pen et d’Eric Zemmour.

Donc, le bateau Macron était en train de prendre dangereusement de la gîte, et pour redresser le navire, un coup de barre à gauche s’imposait.

Alors, on y est allé franco de bord : Lors de son meeting, Emmanuel Macron n’a pas hésité à appeler à le rejoindre « tous ceux, de la social-démocratie au gaullisme, en passant par les écologistes ». Et comme les « plumes » du président-candidat ont toujours l’imagination aussi peu fertile, ils ne trouvent rien de mieux, après avoir singé à droite, d’imiter à gauche. Pauvre Macron. Avec un tel entourage, il n’est pas sorti de l’auberge. Que n’a-t-il fait sienne la fameuse prière de Voltaire : « Gardez-mois de mes amis, mes ennemis, je m’en charge » ?

La France préfère toujours l’original à la copie

Donc, le Président, faisant référence au scandale des EHPAD, tonne, devant ses partisans hypnotisés : « Cela ne doit plus exister. Nos vies, leurs vies valent plus que tous les profits. » Beau slogan,  sauf que c’est celui qu’avait lancé, il y a quelque jours, Philippe Poutou, le candidat NPA, reprenant une phrase d’Olivier Besancenot : « L’urgence anticapitaliste, nos vies valent plus que leurs profits. » Ce qui inspira à Poutou ce pastiche des « Tontons Flingeurs » : « Pendant que ses copains les riches volent l’argent public, Macron nous vole nos slogans. Décidément, ces gens osent tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît. »

Mais ce n’est pas tout. Qui reste l’icône de la gauche dans l’esprit de ses militants ? François Mitterrand bien sûr. Alors pourquoi ne pas lui « emprunter » le slogan qui le fit élire en 1981 « La force tranquille » ? Et Emmanuel Macron de lancer : « Face à un monde fou (…), où les milliards vont encore trop souvent aux milliards et la pauvreté trop souvent à la pauvreté, il n’y a pas plus puissant que le goût de l’égalité.. Face à ceux qui tentent de semer le poison de la division, de fragmenter, de fracturer les hommes, il n’y a pas plus puissant que la force tranquille de la fraternité.»

Laurent Gerra a beau avoir beaucoup de talent, on lui préférera toujours le vrai Johnny. Même, ses excellentes imitations avaient rendu notre rocker national encore plus populaire. C’est exactement ce qui est en train de se passer.

De l’imitation à l’illusion

Il n’est pas du tout certain que ces déclarations, pas plus que ses propositions de dernière minutes, comme la prime pour les salariés dès cet été jusqu’à 6 000 euros, ou la pension minimale pour les retraités à 1 100 euros, suffisent à convaincre les électeurs de gauche, qui peuvent difficilement d’empêcher de voir en Emmanuel Macron l’homme du « séparatisme islamique », de la baisse des APL, de la suppression des emplois aidés, du « je traverse la rue et je vous en trouve, du travail », du « il y a des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien», et du « j’ai très envie d’emmerder les non-vaccinés».

Quant à la proposition du président-candidat de soumettre l’attribution du RSA à « l’obligation de consacrer 15 à 20 heures par semaine »» à une activité facilitant l’insertion professionnelle, il a eu beau expliquer, au cours du meeting, qu’ « il s’agit tout simplement de tendre la main et d’offrir à tous les bénéficiaires du RSA des perspectives, un espoir…», elle ne fait que conforter les électeurs de gauche dans la certitude que le Président de la République, enfermé dans son Palais, n’a plus aucun pied dans la réalité.

Surtout, la gauche reproche à Emmanuel Macron, en banalisant les idées d’extrême-droite, avec, notamment, les lois sur la sécurité, la loi sur les séparatismes, d’avoir ouvert une autoroute à Marine Le Pen et Eric Zemmour.

Il reste à Emmanuel Macron à espérer en la maladresse de ses adversaires, mais l’Histoire ne repasse pas toujours les plats…

Jean-Michel Brun

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