IQUIOUSSEN : UN PROCÈS D’UN AUTRE ÂGE

Le Conseil d’État a examiné ce vendredi 26 août le recours du ministère de l’intérieur contre la suspension prononcée par le tribunal administratif de l’arrêté d’expulsion de l’imam Hassan Iquioussen.

Pendant plus de deux heures trente, la représentante du ministère de l’intérieur, Pascale Léglise a dénoncé les propos insidieux de l’intéressé contre les juifs, les femmes et les homosexuels. Son avocate a expliqué de son côté qu’il était certes un prédicateur religieux conservateur, mais que rien ne justifiait légalement son expulsion.

Le 5 août, le tribunal administratif avait suspendu l’arrêté pour atteinte disproportionnée portée à la vie familiale de l’intéressé. Le ministère de l’Intérieur conteste ce jugement devant le Conseil d’État.

Rappelons que l’article L631-2 stipule que « Ne peut faire l’objet d’une décision d’expulsion que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique et sous réserve que l’article L. 631-3 n’y fasse pas obstacle : »

L’article L631-3  précise : « Ne peut faire l’objet d’une décision d’expulsion qu’en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes »

Par ailleurs, ainsi que le rappelle son avocat, H. Iquioussen « bénéficie de la protection quasi absolue réservée aux personnes en France depuis plus de 20 ans » Celui-ci a ajouté, lors de l’audience, qu’on reproche à l’imam des discours, des paroles, des prêches datant parfois de plus de 20 ans.  Or, précise-t-il : « Il faut que ces provocations soient actuelles, il n’a été ni condamné ni poursuivi, et s’est vu régulièrement accorder son titre de séjour sans problème, cette attitude démontre l’absence de menace grave et actuelle ».

Me Maman ajoute que l’interprétation du ministère pour qui des propos « insidieux » ou encore « implicites » entrent dans le champ L631-3 est « dangereuse et contra legem ». Il dénonce des propos décontextualisés, dénaturés, qui n’exhortent pas explicitement à la discrimination et ne remplissent pas, par ailleurs la condition d’actualité. « Il ne faut pas que la police de l’expulsion dérive en police de l’opinion, de la pensée » met en garde l’avocat.

Me Lucie Simon , conseil de H. Iquioussen, insiste ensuite sur les excuses de l’imam et ses propos postérieurs, favorables aux juifs : « le judaïsme est une religion respectable avec laquelle nous partageons beaucoup de choses car tous les êtres humains sont des créatures de dieu, on n’a rien contre les juifs et on n’aura jamais rien contre eux ». Enfin, elle replace dans son contexte la mention d’un complot entre les juifs et Hitler pour conquérir la Palestine :  « Il ne fait qu’évoquer l’accord d’Havaara intervenu en 1933, quant à nier la Shoah, absolument pas. Oui il est antisioniste et c’est discutable, mais pas davantage ».

En réalité, nous sommes là devant un procès, non pas juriciaire, mais politique, destiné à servir l’idéologie droitière et islamophobe du Ministère de l’Intérieur. Les propos de Pascale Léglise dont d’ailleurs éloquents : « On est à un moment critique, comme le montrent le Burkini, ou encore l’affaire Baraka City, ces gens-là gagnent du terrain autant par leurs actions que par leurs propos. Ces discours mènent au séparatisme et aux attentats, il y a le feu »

On se croirait en plein procès stalinien, d’autant que, l’a souligné Me Lucie Simon, elle a personnellement fait l’objet de menaces de mort dans cette affaire qui lui ont valu le soutien de sa profession. Elle n’est pas la seule, le juge administratif aussi. Une information judiciaire est d’ailleurs en cours pour ces faits.

Quant aux imams qui ont témoigné en faveur d’H. Issiouquen, ils ont presque tous été convoqués en préfecture.

Quant à l’idée de séparatisme, il suffit d’écouter Hassan Iquioussen pour en avoir le coeur net.

Mais, le plus étrange dans cette histoire, ce sont les liens étroits qui unissaient l’imam et Gerald Darmanin lui-même. Le quotidien Mediapart a publié des révélations la veille de l’audience sur ces étranges liens. Il y aurait eu aussi une transaction immobilière entre un oncle de Gérald Darmanin et l’imam, en 2003.

Lire l’article de Mediapart

Décidément, ce pays s’engage dans une voie bien dangereuse pour les libertés et la démocratie.

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