CHANGER DE VISION SUR L’ISLAM

Il est temps, pour Emmanuel Macron et son gouvernement de changer de vision sur l’islam.
Car ils se trompent de combat.

LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS SE TROMPE DE CIBLE

Faire porter, plus ou moins implicitement – ou explicitement – la responsabilité de quelques actes insensés sur l’ensemble des musulmans est une manière de tromper les français. C’est faire mine d’ignorer que les fous et les assassins, les trafiquants et les dictateurs, détournent les valeurs les plus élevées pour justifier leurs crimes et manipuler les foules. C’est faire semblant d’oublier l’Histoire.
Voue-t-on aux gémonies la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité, sous prétexte que la révolution française engendra la Terreur au nom de ces principes ?
Accuse-t-on l’Évangile d’être un livre assassin parce que des missionnaires, les prêtres de l’inquisition en ont manipulé le texte afin d’asservir des peuples ?

Peut-être parce que ses fidèles y trouvent une authenticité qui semble leur manquer ailleurs, l’islam est la foi la plus vivace, et par conséquent la plus travestie. Cela altère-t-il la noblesse de ses valeurs ?
Les colonisations ont fait de l’islam, bien malgré lui, la religion des pauvres et des opprimés.
Pour Elijah Mohammed, le leader de « Nation Of Islam », elle était celle des laissés pour compte de l’Amérique, autrement dit des noirs. Il alla jusqu’à affirmer qu’elle leur était exclusivement réservée, n’hésitant pas à la caricaturer, comme le font aujourd’hui les mouvances terroristes. Ce fut d’ailleurs une des raisons du départ de Malcom X après que le pèlerinage lui fit découvrir la couleur de peau des arabes de la Mecque.

Les musulmans sont les premières victimes de ces manipulations. Ce sont d’abord eux que les bandes criminelles assassinent.

Cibler les musulmans, les accuser d’être des fauteurs de troubles, des traîtres à la Patrie, leur faire porter la responsabilité des actes d’un dément, fermer leurs mosquées et leurs écoles, exiger d’eux l’invisibilité, et en même temps leur demander en permanence de faire la preuve de leur loyauté aux valeurs de la République, tout cela ne fait qu’attiser les haines et encourager les discriminations. Réveiller les chimères de quelques psychopathes en sommeil qui n’attendent qu’un prétexte pour déguiser en héroïsme leurs pulsions meurtrières et médiatiser leurs crimes.

RASSEMBLER OU DIVISER ?

Les musulmans français sont des français, un point c’est tout. Avec les mêmes devoirs, mais aussi les mêmes droits que les autres français : celui de s’habiller à leur goût, de prier comme ils le souhaitent, d’élever leurs enfants comme ils l’entendent.
Parler de « séparatisme » à propos des musulmans est une indignité.
Si « séparatisme » il y a, il est du côté des mouvements d’extrême-droite, qui partout en occident, renversent ou cherchent à renverser les démocraties. Le récent assaut du Capitole n’a surpris que ceux qui préfèrent s’inventer des boucs émissaire plutôt que d’affronter la la réalité.
Ceux-là inventent des « mots-mana » selon la terminologie de Roland Barthes, dont la consonance sinistre possède le pouvoir magique de susciter l’effroi : « séparatisme », « islamisme », »islam politique », « islamo-gauchisme ».

Alors, le Chef de l’Etat, pour des raisons qu’on n’ose pas imaginer électoralistes, surgit comme un chevalier blanc pour « sauver » la République de ses conspirateurs désignés.
Distribuant les bons et mauvais points, labellisant les uns de « bons musulmans », frappant les autres du sceau de l’infamie, il entreprend d’organiser l’islam. Son islam. À sa manière.
Comme si de mauvais calculs pouvaient mener à de bons résultats.
Alors qu’il existe tant d’érudits, d’universitaires musulmans, tant de gens de terrain, prêts à accompagner et traduire dans les faits la nécessaire structuration de la communauté des croyants musulmans, pourquoi prêter l’oreille aux vociférations de kapos médiatisés qui font un ausweis du reniement de leurs origines ?
En jouant les uns contre les autres, en s’appuyant sur l’obsolète maxime « divide et impera », la bonne intention du départ ne pouvait que se solder par l’échec.

Malgré la tentative de cosmétisation du « Projet de loi contre le séparatisme », rebaptisé à la hâte « Projet de loi confortant le respect des principes de la République », l’introduction du texte est suffisamment explicite : « Le projet de loi vise à lutter contre le séparatisme et les atteintes à la citoyenneté. Il entend apporter des réponses au repli communautaire et au développement de l’islamisme radical, en renforçant le respect des principes républicains et en modifiant les lois sur les cultes ».

Prévenu que les injonctions présentes dans le corps du texte, comme celles qui structurent le projet de Conseil National des Imams, ne passeraient ni auprès des musulmans eux-mêmes, ni auprès des responsables des autres religions qui y voyaient une menace pour leur propre culte, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, pourtant partie prenante du projet, a préféré s’en désister avant d’être lui-même désapprouvé.

Voir notre article « CNI : LA MOSQUÉE DE PARIS CLAQUE LA PORTE. PREMIER ECHEC POUR LA TENTATIVE DE MAINMISE GOUVERNEMENTALE SUR L’ISLAM »

Le fait de justifier ce retrait par la présence, au sein du CFCM, « d’islamistes » qui « saboteraient» le projet est peut-être une erreur tactique, car le recteur de la GMP apparaît toujours comme étant l’un des initiateurs des paragraphes controversés, et voit sa légitimité contestée bien au-delà de ses détracteurs musulmans.

Voir l’article de La Croix : « L’insaisissable Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris »

FACE À L’INGÉRENCE, LA RÉSISTANCE

En tous cas, la réaction de l’Évéché et de la Fédération Protestante ne se sont pas fait attendre.

Mgr Eric de Moulins Beaufort
Mgr Éric de Moulin-Beaufort, Photo Peter Potrowl

Le 4 janvier, suite à son audition à l’Assemblée Nationale, Mgr Éric de Moulins-Beaufort déclare : « Ce projet de loi me laisse bien embarrassé. » Bien que comprenant les enjeux de sécurité et de cohésion nationale, le président de la Conférence des Évêques de France s’interroge sur la pertinence et la finalité de ce texte qui pourrait réveiller une sorte de guerre des religions. « Au bout du compte on se trouve avec une loi qui risque de modifier l’équilibre général de la loi de 1905 et la manière dont nous avons, catholiques, protestants, orthodoxes, juifs trouvé à vivre dans notre pays de manière harmonieuse » rappelle l’Archevêque, qui s’inquiète du fait que la loi pourrait « donner l’impression que les religions en général et les croyants en particulier sont dans notre pays des gêneurs, des individus qu’il faudrait particulièrement surveiller ». Il redoute par ailleurs que l’aspect purement répressif du projet n’ouvre la porte à une politique de restrictions des libertés qu’il n’hésite pas à comparer à des heures sombres de l’Histoire européenne.

Voir l’article de La Croix : « Séparatisme : l’Église catholique s’inquiète des effets du projet de loi »

François Clavairoly, président de la Fédération Protestante
Pasteur François Calvairoly

La charge est impitoyable, et reçoit le renfort de François Clavairoly, Président de la Fédération Protestante de France qui voit dans ce projet ni plus ni moins qu’une menace pour la liberté d’association et la liberté religieuse ainsi qu’ une intrusion sans précédent dans l’autonomie interne des cultes.

Lire le dossier de la Fédération Protestante de France : « Le protestantisme alerte et conteste »

Haïm Korsia, Grand Rabbin de France
Haïm Korsia

Dans le même sens, le grand rabbin de France Haïm Korsia et le président du Consistoire israélite, Joël Mergui fustigent la « peur maladive » de ce qui concerne l’islam et redoutent les « dégâts collatéraux » d’un « unanimisme qui créerait une suspicion générale » sur les religions. Quant au métropolite grec orthodoxe Emmanuel Adamakis, il s’inquiète d’une « surenchère administrative tous azimuts ».

LA RAISON CONTRE L’IDÉOLOGIE

En un mot, la messe est dite, Avec cet unanimité contre lui, le projet est mal parti. Le maintenir contre vents et marées , continuer de vouloir opposer des français à, d’autres français, risquerait d’accroître la fractures entre nos concitoyens . Une perspective bien éloignée des intentions électorales du candidat Macron, qui promettait une société apaisée et bienveillante.
Si la structuration de la formation et du statut des imams, la règlementation du halal sont des objectifs légitimes et nécessaires, le gouvernement ne se pose toujours pas les questions essentielles : avec quels interlocuteurs traiter, comment associer à ce projet l’ensemble des musulmans, comment lutter contre les discriminations dont ceux-ci sont victimes au quotidien ?

Les récentes décisions du Ministre de l’Intérieur, comme la fermeture d’écoles, de lieux de cultes, de structures d’accueil pour les jeunes, sous des prétextes fallacieux et assumés comme tels, ne vont pas en ce sens.
Il reste encore deux ans de mandature. Il serait temps qu’enfin, la raison l’emporte sur les idéologies mortifères.

Abdeljallil Asmar

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