BIDEN, MACRON, ET LES TERRITOIRES MINÉS DU HAUT-KARABAKH

Champ de mines au Haut-Karabakh

Que la diaspora arménienne soutienne le gouvernement de la République d’Arménie dans le séparatisme du Haut-Karabakh, cela peut se comprendre. Après tout, le réflexe de clan est une chose bien naturelle, surtout pour une communauté, longtemps déchirée par ses rivalités politiques, qui a besoin de trouver un combat à mener pour resserrer ses liens. Mais que des chefs d’Etat étrangers lui emboîte le pas en adoptant un parti pris délibéré alors qu’il leur conviendrait d’adopter une attitude neutre et objective, que des élus français, dont le président du Sénat, s’expriment sur la situation d’une région dans laquelle ils ne sont jamais allés, qu’ils soutiennent un Etat qui viole le droit international, cela pose question.
Certes, les arrières-pensées électorales ne sont pas très loin. Toujours est-il que, en prenant parti pour la république d’Arménie, en accusant la Turquie de génocide tout en trouvant des excuses à leurs propres exactions, ces pays se font plus incendiaires que pompiers.
Au lieu de se rendre en Arménie pour accuser ses voisins d’avoir déclenché les hostilités, le président du Sénat serait bien avisé de visiter le Haut Karabakh. Il constaterait que la réalité est tout autre. Les arméniens n’y ont laissé qu’un champ de ruines et de mines, que nous décrit ici Zeynab Kasimova, journaliste azerbaïdjanaise francophone.

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Le président américain Joe Biden a utilisé le terme de « génocide arménien » dans son discours traditionnel sur les événements de 1915. « Le peuple américain honore tous les Arméniens qui ont péri lors du génocide qui a été perpétré il y a 106 ans jour pour jour », a-t-il  notamment déclaré  le 24 avril 2021.  Jusqu’à présent, aucun président autre que Ronald Reagan n’avait utilisé le terme de «génocide». Joe Biden a rompu avec la longue tradition des présidents des États-Unis qui avaient toujours évité cette reconnaissance formelle pour ne pas irriter leur allié au sein de l’OTAN. Reagan avait fait référence, le 22 avril 1981, au « génocide des Arméniens », mais il s’agissait d’une incise dans une déclaration commémorant les camps de la mort nazis. Barack Obama et Donald Trump avaient également utilisé ce terme,  mais seulement dans des déclarations de campagne électorale.

Emmanuel Macron, président de la France, autre membre de l’OTAN a déclaré sur Twitter : “en ce 24 avril, journée de commémoration du génocide arménien, nous n’oublions pas. Nous lutterons ensemble contre le négationnisme, la haine, la violence. Le peuple français et le peuple arménien sont à jamais liés”.

Le même jour, en Arménie, le 24 avril 2021, les arméniens ont brûlé des drapeaux turc et azerbaïdjanais.

Seulement trois mois après son élection, Joe Biden semble vouloir prendre la Turquie pour cible, ce qui laisse un goût d’amertume et de colère au  ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Çavuşoğlu, qui a aussitôt affirmé sur Twitter son rejet sans équivoque de la déclaration du président américain: «Les mots ne peuvent pas changer et réécrire l’histoire. Nous rejetons cette déclaration, qui est basée sur le populisme. »   La Turquie refuse en effet la qualification de « génocide » pour les événements survenus en 1915 en Anatolie orientale, Ankara soulignant qu’au cours de cette tragédie, les deux parties ont subi des pertes.

La Turquie a toujours rejeté les accusations émises par les arméniens. Toutefois, en 2005, le parlement turc a proposé la création une commission internationale d’historiens et de scientifiques arméniens et turcs pour étudier conjointement l’ensemble des archives existantes, afin de développer une approche objective des événements de la Première Guerre mondiale. Jusqu’à présent, l’Arménie n’a pas répondu à la proposition turque.

L’Azerbaïdjan a été le premier pays à protester contre la déclaration de Washington et à soutenir la Turquie. Le président Ilham Aliyev a appelé le dirigeant turc Recep Tayyip Erdogan et a qualifié le discours du président américain d’erreur historique, Une position qui, a-t-il rappelé n’allait pas dans le sens de la dynamique de coopération  internationale que souhaite les pays de la région.

Mines arménienne au Haut-Karabakh

L’Azerbaidjan lui-même a subi de nombreuses agressions arméniennes. La première guerre du Haut-Karabagh, qui a eu lieu entre février 1988 et mai 1994 dans le Karabagh, une région située dans le sud-ouest du territoire azerbaïdjanais, fut la conséquence des menées irrédentistes de l’Etat arménien La reprise des hostilités le 27 septembre 2020 a pleinement démontré l’incurie des institutions internationales. Finalement, le 10 novembre 2020 après la victoire de l’armée azerbaïdjanaise lors de la guerre de 44 jours un accord de cessez-le-feu tripartite visant à mettre fin à la seconde guerre au Karabagh est signé par le président de la République d’Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, le président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine et le Premier ministre arménien Nikol Pachinian.

Pourtant, alors que des mois se sont écoulés depuis que l’Azerbaïdjan et l’Arménie sont parvenus à un accord après cette guerre, la partie arménienne refuse de fournir une carte des mines terrestres dans les zones libérées. Depuis novembre 2020, 20 civils et militaires azerbaïdjanais ont été tués et 85 ont été  blessés dans l’explosion de mines au Karabakh. Cette attitude n’est ni plus ni moins qu’un crime de guerre.

L’ambassadeur d’Azerbaïdjan aux États-Unis, Elin Suleymanov, a rappelé, dans un article paru dans le journal “US Defence One” , que l’Arménie a le devoir absolu de fournir à l’Azerbaïdjan une carte des zones minées conformément au droit international humanitaire. Le silence de la communauté internationale a permis à l’Arménie de continuer à bafouer ce droit. « À cet égard”, a ajouté l’ambassadeur, “le président américain Joe Biden et son administration doivent persuader les dirigeants politiques et militaires de l’Arménie de fournir des cartes des mines terrestres dans les territoires libérés ».

Mais il n’est pas evident que  Joe Biden adoptera cette attitude face  à ce problème !

Travail de déminage de l’armée azerba¨djanaise

Le député du parlement azerbaidjanais Arzou Naghiyev a déclaré au “Spoutnik Azerbaïdjan” que la première chose à faire pour relancer le Haut-Karabakh est de déminer la zone. « Comme nous le savons, l’Arménie a posé des mines dans les terres azerbaïdjanaises occupées, à la fois de manière chaotique et avec une carte. Par conséquent, le déminage prend beaucoup de temps. Dans le même temps, l’Arménie n’a pas hésiter à placé ses mines dans des sanctuaires et des cimetières »

L’Arménie est en train de violer gravement la Convention de Genève du 12 août 1949 sur la protection des victimes de la guerre, ainsi que le deuxième Protocole de la Convention sur l’interdiction ou la restriction de l’emploi de certains types d’armes classiques considérées comme pouvant causer des pertes dans les polulations civiles. L’Arménie viole également les dispositions de la Convention des Nations Unies de 1999 sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel. Selon la convention, les parties au conflit s’engagent à soumettre des cartes des zones de déminage après la fin de la guerre et à ne pas utiliser de mines antipersonnel.

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Zeynab KAZIMOVA est une journaliste francophone azerbaidjanaise, membre de l’Union des journalstes d’Azerbaidjan, et depuis 2007 fondatrice et rédactrice en chef du journal « Le Carrefour » (en azerbaidjanais: Yol govshaghi), seul journal francophone d’Azerbaidjan.

De 2003 à 2018, elle a dirigé la section azerbaidjanaise de l’Union Internationale de la Presse Francophone (UPF). Elles est également chercheur-visiteur à l’Institut des études européennes à l’Université Libre de Bruxelles (ULB)

Native du Haut-Karabakh, elle est l’auteure de nombreux articles sur le conflit du Haut-Karabakh et sur les relations franco-azerbaïdjanaises.

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Gérard Larcher, président du Sénat, à majorité de droite, a décidé de prendre parti pour l’Arménie, accusant publiquement l’Azerbaïdjan et la Turquie d’être des agresseurs, ainsi fidèle au mythe de la défense des chrétiens d’orient. Ceci en dépit du droit international et du fait que l’Azerbaïdjan, contrairement à son adversaire, est un pays laïcs où les chrétiens, comme les juifs, sont protégés et soutenus. Monsieur Rahman Mustafayev, ambassadeur d’Azerbaïdjan en France réagit à cette prise de position insensée.

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