ET SI LA TERRE ÉTAIT VIVANTE ?

Par Abdelilah Benmesbah

(Professeur au Département de Géologie – Université Ibn Tofail – Maroc)

On a toujours tenu la terre pour l’œuvre des forces magmatiques et atmosphériques qui induisent la formation de ses roches et conditionnent l’évolution de ses environnements, mais on n’a jamais songé aux secrets de vie que sa dynamique conte.

La terre est une entité vivante, et toutes ses composantes depuis l’atome et moins jusqu’à la montagne et plus, glorifient Dieu sans que l’on puisse déchiffrer leurs codes. Le Prophète Muhammad que le salut et la bénédiction d’Allah soient sur lui a pris des pierres dans sa main et a fait montrer à ses compagnons qu’elles glorifient Allah en émettant des sons que ses compagnons ont eux aussi entendus. Ibn Arabi, le grand philosophe andalou du 13° siècle, dans l’interprétation de ce fait a démontré que le son émis par ces pierres et entendu par le Prophète et ses compagnons n’est pas un miracle, mais une émission ordinaire courante de glorification de Dieu. Ce qui est miraculeux, c’est que l’ouïe humaine parvienne à capter de telles émissions : (Les sept cieux et la terre et ceux qui s’y trouvent, célèbrent Sa gloire et Ses louanges. Mais vous ne comprenez pas leur façon de le glorifier. Certes c’est Lui (Allah) Qui est Indulgent et Pardonneur) (XVII,  44).

Cette vérité révélée au Prophète il y’a 15 siècles, se justifie aujourd’hui dans les nouvelles acquisitions des sciences de la matière. Celles-ci montrent qu’au niveau des notions de base qui traitent de l’origine de la matière, la définition de la matière est radicalement changée après l’apparition du principe de relativité d’Einstein (1923). Dès lors, la matière fut considérée comme étant matière-énergie, alors que la matière en elle même reste une chose indéfinie, soumise constamment à des transformations dans sa nature, sa constitution et sa dynamique. Ce qui lui confère cette réactivité manifestée par l’émission des radiations infrarouges sur lesquelles se basent les techniques satellitaires de télédétection de la terre.

Si l’on prend la matière rocheuse, qui est à la base de la constitution de la terre, on trouve que ses composants, quelques soient leurs origines et leurs conditions de genèse, sont en perpétuelle interaction avec le milieu extérieur et forment avec lui un système d’échange de matière et d’énergie où la roche demeure le registre de son évolution.

En effet, la roche est en grande partie un assemblage minéralogique où chaque minéral résulte d’un arrangement atomique de configuration donnée. L’atome étant le plus petit système constitué par un noyau radioactif autour duquel gravitent des électrons dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. Ce sens dit trigonométrique est le même que celui qu’empruntent les planètes dans leur gravitation autour du soleil, la lune autour de la terre, la terre autour de son axe polaire, ainsi que la terre avec sa lune autour du soleil. Il s’agit là d’un sens unique, communément établi à l’univers y compris l’homme à qui la circulation autour de la Kaaba a été ordonnée depuis Abraham dans le même sens.

Cet ordre concrétise l’unité de la création et révèle le secret de vie existant dans la matière. Plusieurs choses que l’on croit inertes traduiront un jour ce qu’elles ont enregistré de notre vie et témoigneront sur nous. Leur témoignage ne se fera pas en vain, mais de ce que ces choses ont enregistré de nos actes pendant notre vie : (Alors, quand ils y seront, leur ouïe, leurs yeux et leurs peaux témoigneront sur eux et ce qu’ils œuvraient) (XLI, 20). Ainsi toute trace laissée par l’homme sur cette terre est enregistrée et sera comptabilisée dans le bilan de ses actes : (C’est Nous Qui ressuscitons les morts et écrivons ce qu’ils ont fait (pour l’au-delà) ainsi que leurs traces. Et Nous avons dénombré toute chose dans un registre explicite) (XXXVI, 12).

Cette vie qui est une évidence de la planète terre, émane de l’état de fonctionnement de sa matière rocheuse qui détermine le mode d’évolution de ses environnements. Cet état résulte d’opérations complexes de transfert de matière et d’énergie agissant selon trois systèmes qui sont trois niveaux différents d’intervention ; physique, chimique et biologique. Une fois disparus, de tels systèmes ne peuvent être restitués sans faire appel à leurs traces qui sont autant des témoins pour déchiffrer les codes des différents niveaux précités que des clés pour accéder aux archives de ce que la matière a enregistré. La preuve irrémédiable de ce fonctionnement permanent de la matière étant son activité radioactive.

Dans le monde organique, tout être biologique emmagasine pendant sa vie une radioactivité donnée sous forme d’isotope de carbone (C14). Une fois sa vie s’arrête, la rénovation de sa  réserve radioactive n’a plus lieu. Celle-ci sera sujette à la désintégration continue selon une équation dont la variable est le temps. Ainsi, la réserve initiale se réduit à la moitié pendant une période de 5700 ans, au quart pendant 11400 ans, au huitième pendant 17100 ans et ainsi de suite.

Cet état de réduction des composants radioactifs de la matière après sa mort qui est à la base de l’estimation de son âge est en parfaite harmonie avec l’état de réduction général assigné aux masses sédimentaires et fossiles qui ne cessent de s’accumuler sur terre : (Certes, Nous savons ce que la terre ronge d’eux (de leurs corps) et Nous avons un livre où tout est conservé) (IV, 50). Un état qui s’applique à tout ce qui se dépose sur terre qui, en s’accumulant au fil du temps, s’affaisse pour ne pas perturber l’équilibre statique général du globe

Cette opération est contrôlée par des mécanismes précis qui réduisent la matière déposée tout en préservant un volume constant à la terre. Ainsi, tout ce qui se dépose sur terre puis s’accumule sur sa surface subit la compaction avec le temps. Sous l’action de la charge lithostatique et hydrostatique, il se produit une compaction mécanique et chimique qui fait diminuer le volume des dépôts selon des normes  prescrites prouvant qu’il y’a des directives qui orientent les transformations dans le sens de la préservation de l’équilibre de la terre.     

Cet état d’équilibre de la terre qui assure sa stabilité réside dans les secrets de sa structure cachée où l’on note de la croûte vers le noyau un changement graduel des facteurs physiques et chimiques qui déterminent sa composition minéralogique. La croûte continentale est constituée de granite qui est une roche silicatée de faible densité couvrant avec les roches sédimentaires qu’elle supporte 75 % de la surface des continents. La croûte basaltique plus dense s’étend latéralement sous la croûte continentale pour constituer le plancher océanique. Puis vient au dessous le manteau où la température et la pression augmentant progressivement vers le fond contribuent à une augmentation parallèle de densité. Enfin, on arrive au noyau où se concentre le fer dont la forte densité fait de ce foyer le cœur de la terre rappelant en quelque sorte sa citation dans le Coran où la sourate du fer vient au cœur du Coran : à la position 57 des 114 sourates.

Cette structure fait de la terre une masse compacte régie par une dynamique où les gradients de température, de pression et de densité augmentent de la surface vers le noyau. Ce qui préserve au globe terrestre son équilibre et lui conserve ses constituants en lui assurant une cohésion résistant à toute contrainte extérieure.

Si ce mécanisme de cohésion est inhibé, la terre explose et libère ses charges sous l’effet de la température et pression excessivement élevées à l’intérieur. C’est ce que manifestera la terre lors de l’ultime secousse : (Quand la terre tremblera d’un violent tremblement et que la terre fera sortir ses fardeaux) (XCIX, 1-2).  

La surface externe de la croûte montre, quant à elle, une physionomie où les mers et les océans occupent 71 %. Un pourcentage que le Coran recèle dans son évocation du mot mer  (« bahr » en arabe) qui est cité 32 fois devant le mot continent (« barr » en arabe), cité 13 fois. Par calcul, la mer occuperait (32/45×100) soit 71,11%, et les continents (13/45×100) qui est égal à 28,88%, exactement comme le prouvent par télédétection les expéditions scientifiques.

Sur cette surface de la terre, la moyenne de profondeur des mers est évaluée à 4800 m alors que la moyenne d’altitude des continents est de 300 m. Cette différence d’altitude entre les mers et les continents, évaluée à environ 5000 m (300 + 4800) est interprétée géologiquement comme étant due à la différence de densité existant entre la croûte continentale et la croûte océanique. Entre la croûte continentale de densité faible (2,70) et la croûte océanique plus dense (3,00), existe un mécanisme de compensation qui établit un équilibre isostatique entre les continents et les océans en réduisant l’épaisseur de la croûte océanique et en augmentant celle de la croûte continentale, ce qui donne la topographie générale de la surface terrestre faisant couler l’eau douce des continents dans les océans salées et interdisant le retour des eaux marines dans les eaux continentales : (Nous avons créé toute chose avec mesure) (LIV, 49).

Dans cette harmonie que nous relate la parfaite cohérence entre les différentes composantes de la terre, l’expérience que chaque chercheur peut vivre par sa réflexion doit éveiller en lui la tentative de faire émerger à la conscience le sens de chaque acte et la fin de chaque projet. Une telle expérience lui fera vivre les moments d’un monde réel toujours en naissance, un monde où le mariage de la science à la spiritualité engendre un enthousiasme de recherche à la fois ambitieux et transcendant et fait naître une croyance qui émerge aussi bien de l’aventure de l’exploration que de l’expérience de la réalité. Une croyance qui doit porter le regard sur l’esprit de la Terre où les signes de glorification que nous avons essayé d’approcher dans cet article illustrent la touche sacrée de son Ordonnateur. Dans cette voie, le mariage de la science à la croyance élèvera le chercheur à un monde de beauté plein de sens où l’alliance nourrissant aussi bien l’intellect, le cœur que l’âme transcende l’homme vers l’Etre divin.

Ainsi chaque atome, chaque cristal, chaque roche, chaque montagne et chaque témoignage que nous livre l’esprit glorifiant de cette terre ne sont en fait que des signes qui amènent à lire la beauté de cette mélodie, reflet des Noms et Attributs de Dieu qui se dissimulent dans Sa création. L’enthousiasme du chercheur dans tous cela étant de rétablir cet équilibre tant perdu entre la science et la croyance. Un équilibre que j’estime aujourd’hui fort indispensable pour protéger aussi bien le scientifique que le religieux contre ce fléau de fanatisme qui n’a pour issue que de conduire le monde à la perdition.    

De cette présentation brève de la terre, que j’ai proposé, comme moyen d’expression d’idées ou de faits démonstratifs, on voit comment la réflexion sur l’esprit de la terre fait émerger  l’action vivifiante du discours coranique et sa force libératoire qui cache dans ses signes plein de possibilités et de perspectives pour l’amélioration de notre vision aux sciences et à leurs applications. Cela étant, car devant l’irrécusable faillite du modèle mondial de gestion de la terre et son échec dans la résolution de plusieurs de ses problèmes, -ce modèle requis pour la mise en valeur du monde extraterrestre alors qu’il a encore beaucoup à faire sur notre planète, le discours coranique se montre plus que jamais remédiant et donne espérance pour un monde dont la survie demeure fortement menacée par les usages d’un matérialisme destructeur.

Donc, de ce qui précède et vu l’état de conformité entre ce que la science ne cesse de dévoiler et ce que le Coran a déjà signalé,  la terre s’avère être une entité vivante contrôlée par des directives dont la probabilité d’existence par hasard semble sans la moindre valeur pour servir comme base aux recherches scientifiques. Des directives qui sont en réalité des paraboles évoquant pour la terre une vie d’humilité que nous, en tant que scientifiques, sommes responsables de déchiffrer pour comprendre le message du Coran qui annonce : (Si Nous avons fait descendre ce Coran sur une montagne, tu l’aurais vu s’humilier et se fendre par crainte d’Allah. Et ces paraboles Nous les citons aux gens afin qu’ils réfléchissent) (LIX, 21). Une réflexion qui demande aujourd’hui, plus que jamais, à donner à nos résultats scientifiques un sens en sortant de ces cadres techniques qu’imposent les intérêts matériels d’un scientisme si borné vers les valeurs absolues d’un univers plus vaste, où ce que la science parait reflet révèle d’importants projets.

Pour de telles perspectives, la science ne peut que venir à l’intégration des valeurs transcendantes à l’avenir de nos sociétés. Si par oubli, on ne parvient pas à investir ce pouvoir d’intégration, la science perdra l’acte du jaillissement créateur, du renouvellement, par lesquels ses concepts appellent à faire l’effort nécessaire pour trouver les réponses aux problèmes que vit la terre et l’humanité. 

 

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Le Pr. Abdelilah Benmesbah enseigne à la Faculté des Sciences de l’Université Ibn Tofail de Kenitra, au Maroc, au Laboratoire Géorisques du Département de Géologie. Il est l’auteur du livre « La Terre…un objet de science qui parle transcendance » paru aux Editions universitaires europeennes en 2019

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