LE QATAR, L’INTERLOCUTEUR INCONTOURNABLE POUR NÉGOCIER LA PAIX ET LA LIBÉRATION DES OTAGES 

Photo by Naaman Omar apaimages

Quatre otages viennent d’être libérés par le Hamas. Ils ont quitté la bande de Gaza pour retourner en Israël. L’opération a réussi grâce à la participation cruciale du Qatar qui dispose d’atouts qui en font, pour le moment, le seul intermédiaire possible entre l’occident et le Hamas.

La presse occidentale a clairement accusé Doha de financer le mouvement islamiste qui a mené l’attaque du 7 octobre dernier contre Israël et qui a pris tout le monde de court. Pour l’Etat hébreu, pour Gaza et pour l’ensemble de la région, il existe un risque sérieux d’assister à un embrasement généralisé, ce dont il faut absolument se prémunir. On ne signe pas une paix entre amis, mais bien entre ennemis. Après 70 ans de conflits, il apparaît évident qu’il n’existe aucune solution militaire à la situation de Gaza et des Palestiniens, ni pour l’avenir et la sécurité d’Israël.  Puisque les parties en cause refusent de communiquer directement entre elles, l’intercession de médiateurs crédibles est devenue indispensable, car il y a urgence de parvenir à un cessez-le-feu,  mais aussi de régler avec habileté et diplomatie la question des dizaines d’otages israéliens retenus actuellement par le Hamas dans la bande de Gaza.  

Depuis des années, Doha assure le financement des salaires des fonctionnaires à Gaza, en plein accord avec Israël, parce que Tel Aviv sait que d’une part un chaos à Gaza aurait transformé cette bande surpeuplée en poudrière incontrôlable, et que, d’autre part, l’arrivée sur le terrain du Jihad islamique ou même de Daech serait bien pire encore.  En raison du blocus imposé par Israël et l’Egypte depuis dix-sept ans, la population de Gaza vit dans des conditions insupportables, coupée du monde, mais au moins l’administration minimale fonctionne. C’est ce soutien que Doha gère en achetant de l’essence en Egypte, qu’il revend à Gaza, et dont les bénéfices servent à assurer le « management » de Gaza et apporter un soutien financier à la population gazaouie, parmi les plus pauvres au monde, puisqu’elle ne bénéficie d’aucune aide internationale, comme celle que reçoivent les Palestiniens de Cisjordanie. Chaque mois, le Qatar verse 30 millions d’euros à la bande de Gaza, en salaires pour les fonctionnaires, et en argent liquide pour les populations les plus démunies.

Au fond, l’État hébreu a été pragmatique et savait que ce financement permettait d’acheter la paix sociale à Gaza. Jusqu’à ce que tout explose.  Un bureau du Hamas a ouvert dans la capitale qatarie en 2012 à la demande de Washington et Tel Aviv. Le Qatar abrite ainsi depuis des années les leaders du Hamas, à commencer par Khaled Meechal, son ancien chef, comme Ismaël Haniyeh, son chef politique à Gaza, comme il l’a fait aussi avec les dirigeants des Talibans. Au moment du retrait américain annoncé de Kaboul an août 2021, le Qatar a joué un rôle clé dans les rounds de négociation pour essayer de parvenir à un accord avec le mouvement islamiste.  

Aujourd’hui, le Qatar est ainsi  le mieux placé pour négocier avec les dirigeants du Hamas, directement depuis Doha, la libération des otages israéliens dans la bande de Gaza. Doha est d’autant plus légitime dans cette opération de médiation qu’elle accueille la plus grande base américaine des Etats-Unis en dehors de son territoire, et a toujours été un allié de Washington dans la région. Ce sont d’ailleurs les États-Unis qui ont  demandé, il y a de nombreuses années, à Doha d’accueillir des dirigeants jugés « problématiques », afin que, précisément,  le Qatar puisse servir d’intermédiaire, les Américains ne souhaitant pas négocier directement avec des Palestiniens et des islamistes. Doha a accepté ce rôle et compte bien le tourner à son avantage dans la géopolitique. 

Une fois l’émotion du drame passée en Israël, une fois le cycle d’attaques et de représailles tari à Gaza, avec, hélas, son nouveau lot de morts, il faudra bien revenir à la table des négociations entre les parties adverses israélienne et palestinienne et se projeter politiquement en vue de parvenir à un cessez-le-feu.  S’il est probable qu’aucune solution politique durable n’émergera de la pire attaque qu’Israël a connu depuis des décennies et de sa riposte de la part du gouvernement de Netanyahou, il restera à trouver une solution temporaire « qui dure » afin d’éviter que les Israéliens et les Palestiniens de Gaza, qui ne sont pas tous affiliés au Hamas, ne paient un tribut encore plus lourd à l’attaque du 7 octobre dernier. Pour éviter également que ne se prolonge à l’infini le cycle de violences que connaît l’espace israélo-palestinien depuis plus de sept décennies.  

Qui peut contribuer à faire cesser le bruit des armes pour remettre en selle la diplomatie au Moyen-Orient ? Dans un contexte géopolitique général où les grandes puissances occidentales sont de plus en plus marginalisées pour apporter la paix, de même que les grandes organisations internationales censées faire respecter le droit international, ce sont surtout les puissances régionales qui depuis plusieurs années, reprennent la main sur leur zone d’influence ou mettent en avant leur talent de médiateur de paix pour peser dans le concert des nations en crise ou en guerre. En ce qui concerne le conflit entre Israéliens et Palestiniens, les Etats-Unis qui n’ont eu de cesse depuis des années de se désengager des zones de conflit moyen-orientales, ne peuvent pas grand-chose, d’autant que le mandat de Joe Biden, dont la fin approche irrémédiablement, affaiblit encore plus sa capacité d’influence et d’action, si tant est que son administration en ait jamais eu ces trois dernières années. L’Union européenne, embourbée dans la crise ukrainienne, a perdu depuis longtemps sa capacité diplomatique et reste éternellement un nain politique dans la symphonie cacophonique des puissances mondiales.  Il reste donc  peu de pays à même de jouer le rôle de facilitateurs de paix.

Trois pays peuvent prétendre apporter au plus vite un cessez-le-feu à Gaza. Traditionnellement, l’Égypte qui est en paix avec Israël depuis 1977 et la Turquie d’Erdogan qui s’est réconcilié il y a quelques années avec l’Etat hébreu. Mais l’acteur numéro un qui peut probablement le mieux tirer son épingle du jeu, et dans la continuité de ce qu’il fait depuis des années, depuis la corne de l’Afrique en passant par l’Afghanistan, c’est le Qatar, qui a une relation avec Israël. En attendant l’offensive terrestre d’Israël, deux choses se sont précisées depuis quelques jours : l’ouverture d’un corridor humanitaire côté égyptien pour les Gazaouis, et les premières libérations d’otages israéliens grâce aux efforts diplomatiques et politiques de Doha.

Dans les semaines à venir, les dirigeants internationaux eux continueront de communiquer avec le Qatar, réputé pour sa réussite en matière de libération d’otages, sa crédibilité et son expérience passée afin de résoudre au plus vite la crise actuelle.  

Jean-Marie Kamala

Lire aussi

Ambassade d'Azerbaïdjan

L’AMBASSADE D’AZERBAÏDJAN RÉPOND À VALÉRIE PÉCRESSE

18 janvier 2022 Valérie Pécresse, après être entré clandestinement en Azerbaïdjan pour rendre visite aux …