LA FINANCE ISLAMIQUE A LA FRANÇAISE

Conférence sur la finance islamique

Financia Business School Paris accueillait le lundi 28 novembre 202 la Conférence organisée en partenariat avec l’Association Dauphinoise des Étudiants Musulmans (ADEM) et les étudiants de la 2e Promotion du Certificat Finance islamique de Financia Business School sur le thème de la Finance islamique à la française ; 20 ans après : bilan et perspectives.
Cette conférence-débat était l’occasion d’une discussion ouverte entre des intervenants prestigieux sur l’état actuel, le développement et les enjeux de la finance islamique en France, et de bénéficier de leur vision d’experts de ce domaine et d’entrevoir les enjeux et perspectives du marché français. Parmi les intervenants à cette conférence :

M. Boubkeur Adjir, directeur et associé IFAAS
M. Ezzedine Ghlamallah, co-fondateur de SAAFI, doctorant et auteur de l’ouvrage : « Islam & Éthique des affaires économiques et financières. »
M. Anouar Hassoune, co-directeur du MBA et Executive Finance islamique — Financia Business School.
M. Kader Merbouh, Directeur du Département Finance islamique & co-directeur du MBA et Executive Finance islamique — Financia Business School
M. Hassan Naciri, Responsable du réseau de distribution Perenys
M. Amine Nait-Daoud, Directeur général 570 Easi
M. Djibril Ndoye, Consultant et professionnel en IT

La promotion N° 2 du MBA Finance islamique de la Financia Business School fait point sur ce sujet qui suscite de nombreuses questions dans la communauté musulmane française :

État des lieux de la finance islamique en France

Le marché de la finance islamique en France est passé par plusieurs phases d’évolution depuis 2008, et dispose à présent d’une offre de base assez complète et qui pourrait être comparable à une phase de croissance dite d’« adolescence ».

Aujourd’hui, l’industrie de la finance islamique en France est en plein développement et offre de nombreuses opportunités entrepreneuriales.

La finance islamique contemporaine est née en 1969 par l’initiative de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) de lancer une banque islamique telle que nous la connaissons aujourd’hui. Par la suite en 1975, l’organisme de la Banque Islamique de Développement (BID) émerge avec pour objectif de promouvoir les méthodes de financement dites « Shari’ah Compliant » et participer au développement économique de ses pays membres. En parallèle, trois premières banques islamiques voient le jour dès 1975 : Dubaï Islamic Bank, Kuwait Finance House et Bahrain Islamic Bank.
En Occident, ce n’est qu’en 2004 et en Angleterre que la première banque islamique voit le jour : Islamic Bank Of Britain.

La France, quant à elle, ne compte pas d’institutions financières institutionnelles dédiées à la finance islamique, cependant de grandes institutions internationales bancaires et assurantielles se sont positionnées des 2010 pour adresser des produits à ce segment de marché. À cela s’ajoute de nombreux entrepreneurs, forts de leurs volontés et initiatives individuelles, qui ont contribué à la mise en place d’offres et de services permettant de répondre aux différents besoins de l’hexagone. Ces services vont du financement immobilier aux solutions d’épargne et d’épargne retraite, en passant par des solutions de défiscalisation, de placement, de gestion de patrimoine et d’assurances. La formation professionnelle est quant à elle devenue cruciale pour le développement de cette industrie en France, mais aussi dans les pays africains francophones qui voient une dynamique de marché s’installer.

Les enjeux auxquels fait face le marché français

Force est d’admirer que la Finance islamique, enregistre chaque année dans le monde une croissance de l’ordre de 10 % à 15 %, et représente un secteur porteur de réelles opportunités tant sur le plan économique que sociétal. Malgré le fort potentiel du marché financier islamique français, notamment lié à la démographie que représente la communauté française de confession musulmane (qui « serait estimée » à plus de 5 millions de citoyens), il ne représente qu’une part faible du secteur financier français, en comparaison avec ses homologues européens (à savoir le Royaume-Uni ou encore le Luxembourg ou l’Allemagne).
Ces constatations pourraient s’expliquer par plusieurs phénomènes. D’une part, il convient de noter l’absence totale d’institutionnalisation de la finance islamique sur le territoire français. Ce qui se traduit par une offre limitée pour les particuliers et quasi inexistante pour les entreprises et les entrepreneurs.

À cet égard, certains experts présents lors de cette conférence avancent qu’en France, l’institution d’une banque islamique serait sans aucun doute nécessaire pour :

  1. Assurer une contribution plus large au développement économique et ainsi favoriser l’inclusion financière.
  2. Pour répondre aux exigences de solidité bilancielle imposées par le régulateur, afin de s’adresser plus largement aux particuliers et aux entreprises.

En effet, il est estimé à plus de 2,5 milliards d’euros le besoin en capitalisation, pour répondre au potentiel du marché du financement islamique en France, ce que seules des institutions financières pourraient assumer.Nous pouvons toutefois mentionner que la mise en place d’une telle institution au sein de notre système financier n’est pas un concept nouveau. Pour rappel en 2008, sous la Présidence de M. Sarkozy, animé d’une volonté de rapprochement entre les économies européennes et pétrolières, le gouvernement français a projeté d’instituer une banque islamique sur le territoire de l’Hexagone avec le concours de BPCE et de Qatar Islamic Bank. Cette tentative s’est soldée par un échec.

En l’absence d’institution forte, le secteur de la finance islamique a pu se dynamiser en France grâce à des solutions alternatives portées par des acteurs institutionnels étrangers comme les assureurs SwissLife ou encore Vitis Life et quelques acteurs bancaires français et internationaux (Chaabi Bank, Bred, etc.).

Cette dynamique institutionnelle s’est poursuivie par des entrepreneurs, comme des sociétés de courtage ou encore des établissements de paiement. (570 Easi, Saafi, etc..)

Il y a actuellement des freins à la mise en place d’une banque islamique en France, tenant non seulement aux coûts élevés induisant une faible rentabilité en comparaison avec les autres pays (Malaisie ou pays du Golfe), mais également à la rude concurrence sur le marché face aux banques conventionnelles.

À cette problématique s’ajoute le manque de ressources humaines, de personnes formées, spécialisées dans les différents secteurs de la finance islamique capable d’accompagner le développement de cette industrie en France et plus largement en Europe.

D’autre part, il y a le sujet de la perception et de la réputation de la Finance islamique, que ce soit du point de vue de l’offre ou de la demande.

Du point de vue de l’offre, certaines institutions financières conventionnelles françaises se sont intéressées à la finance islamique et ont mené des études pour mesurer le marché.
La conclusion des études menées entre 2008 et 2010 était que malgré le potentiel de captation de plus d’un million de clients, elles feraient face à un risque réputationnel et donc une perte « potentielle » de leurs clients captifs.

Les exemples réussis de SwissLife, de VitisLife ainsi que de la banque Chaabi en France ont démontré que ce risque avait été manifestement surévalué par les précédentes études.Néanmoins, selon M. Djibril Ndoye, un autre paramètre pourrait faire bouger les lignes : la dynamisation de la demande. Effectivement ce secteur en France souffre encore d’une demande qui porte en elle beaucoup de fausses croyances dues à un défaut de connaissances et de préjugés sur la finance islamique.

La problématique de démocratisation de la Finance islamique se traduit donc par un fort manque de sensibilisation et d’informations sur ces produits financiers et leurs atouts éthiques.
M. Hassan Naciri affirme qu’il y a certes un travail à faire sur la gamme de produits de financement islamique répondant aux besoins de tous. Cependant, les produits proposés n’en sont pas moins qualitatifs. M. Amine Nait-Daoud ajoute à cela que la France est mieux outillée en matière de solutions financières islamiques pour les particuliers, par rapport à son homologue britannique : plus de 50 % des besoins des particuliers seraient couverts de manière comparable au secteur financier conventionnel (immobilier, épargne, placement, obsèques).

Perspectives de la finance islamique en France

Les professionnels en place aujourd’hui constatent que, bien que le marché n’ait pas atteint sa maturité, l’offre est existante et beaucoup d’individus s’intéressent à la finance islamique sans pour autant franchir le cap. Selon les experts présents, pour pallier le manque de compréhension et d’informations de la population en générale, nous devons axer nos efforts sur la sensibilisation et plus particulièrement auprès des relais de transmissions d’informations et de connaissances.
Il s’agit d’un réel travail de sensibilisation à faire, pour que chaque individu ait la capacité de choisir où placer son argent en pleine conscience et en fonction du souci de son impact social.

Pour M. Anouar Hassoune, l’approche « bottom-up », présente actuellement en France est tout à fait admirable, mais il n’y aura de réel changement que lorsqu’une banque, une institution, islamique verra le jour. Si les cinq millions de musulmans présents en France se tournent vers la finance islamique, l’institutionnalisation financière sera indispensable pour adresser la demande en conformité avec le régulateur.

En attendant, M. Amine Nait-Daoud a rappelle que le financement immobilier conforme à l’éthique islamique atteint presque le milliard d’euros en volume en France. Aujourd’hui, les institutions islamiques présentes en France offrent de nombreuses solutions que ce soit en gestion de patrimoine, financement de l’acquisition d’une résidence principale, ou encore de défiscalisation.

« La finance islamique en France ne pourra pas se développer et répondre correctement aux besoins du marché sans une institutionnalisation bancaire ou financière. »

La finance islamique en France a le mérite d’exister grâce aux individus qui l’ont portée ces dix dernières années. Aujourd’hui, cette finance émergente a besoin de nouveaux professionnels afin de développer et de dynamiser de nouvelles offres financières vers le marché des entreprises et sur celui des particuliers.

De surcroît, pour M. Djibril Ndoye, le recours à la finance islamique ne concerne pas que les musulmans : son caractère éthique, voire militant, en fait une solution adaptée pour tout citoyen soucieux de l’environnement et de justice sociale. En parallèle, la dimension technologique vient bousculer le marché traditionnel. Crowdfunding, fintech, blockchain, finance décentralisée doivent permettre de répondre aux nouveaux besoins d’investissement et de financement. Ici, la France se distingue de ses voisins, car les autorités investissent énormément dans la finance décentralisée ou la blockchain.

Les acteurs historiques et les nouveaux entrants doivent étudier comment capitaliser sur ces outils pour développer de nouvelles offres de financement et d’investissement pour répondre au besoin d’éthique financière.

La Finance islamique est une industrie en devenir qui a besoin d’acteurs et de vigueur.

Comme justement indiqué par M. Kader Merbouh : « Ce n’est pas parce que le secteur a l’air encore petit qu’il ne peut pas grandir.»

« Il y a un gros travail à faire d’information et de vulgarisation de la finance islamique»

Lors de la session de Questions/Réponses, les intervenants ont été interrogés sur la conformité des établissements financiers islamiques. Tous les établissements financiers sont réglementés selon leurs secteurs d’activité (banque, assurance, intermédiaire, etc.) par des régulateurs dédiés (ACPR, AMF, etc.). La conformité à l’éthique musulmane, quant à elle, est assurée par un comité de conformité ad hoc mis en place dès le lancement du produit et assurant des audits régulièrement pour le renouvellement du certificat de conformité.

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À propos de Financia Business School

Fondée en 2013 par des professionnels du secteur financier avec pour valeurs fondamentales l’inclusion, la qualité et la réussite, Financia Business School propose des formations accessibles dès le niveau du baccalauréat dans les domaines de la finance, de la gestion, de l’immobilier et de la banque/assurance.
Financia Business School est la seule école en France à dispenser un MBA de Finance islamique, et propose depuis 2021 en partenariat avec l’École nationale Ibn Badis de la Grande Mosquée de Paris, un certificat spécialisé en finance islamique.

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