CONTRE LES MUSULMANS : LE POGROM INTELLECTUEL

BD réalisée par Adam, élève de 3ème

En octobre, un cours d’apprentissage du Coran pour enfants est fermé sous prétexte que des filles y sont voilées, comme si l’on feignait d’ignorer que se couvrir lorsqu’on lit le Coran est une coutume qui n’a rien à voir avec l’islamisme. Des règles vestimentaires sont également prescrites dans les écoles israélites lorsqu’il s’agit de lire la Thora, sans qu’il ne soit question d’un quelconque endoctrinement. « Islamisme radical », « séparatisme », « écoles clandestines », tous les qualificatifs farfelus sont bons pour s’attaquer à l’enseignement prodigué à des musulmans.

Le même mois, la mosquée de Pantin est fermée, au motif qu’elle pourrait abriter des « islamistes », alors que nul n’ignore que la propagande islamiste ne s’opère pas à l’intérieur des mosquées, mais sur internet et les réseaux sociaux. En réalité, une décision « pour l’exemple » après l’assassinat de Samuel Paty. Rappelons que la fermeture de lieux sacrés ne s’est produite qu’au cours des heures les plus sombres de notre histoire, ou, ailleurs, sur l’ordre des régimes dictatoriaux.

La dissolution du CCIF, quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir à l’égard de cette association, a eu, sinon comme objectif, au moins comme conséquence, de faire disparaître la seule structure qui, jusque là, prenait la défense des citoyens français victimes d’islamophobie. Un mot que certains influenceurs de droite voudraient bien voir disparaître.

Des méthodes soviétiques

C’est d’ailleurs sans vergogne que les autorités avouent utiliser des subterfuges pour fermer les lieux où les musulmans sont présents.
Lors de l’élaboration du rapport du Sénat sur le « radicalisme islamiste », le recteur de l’Académie de Créteil, Daniel Auverlot, reconnaissait avoir détourné la loi pour fermer des établissements fréquentés par des musulmans : « Au cours des 37 inspections que nous avons menées l’année dernière, jamais un rapport n’a justifié une fermeture liée à des questions d’éducation nationale. Nous avons ainsi utilisé des motifs tels que la conservation d’aliments non filmés dans un réfrigérateur pour fermer des établissements ».

Jacqueline Eustache-Bonio, sénatrice du Val d’Oise, initiatrice du projet de loi visant à interdire aux femmes voilées d’accompagner les sorties scolaires, fit détruire une stade de la commune de Saint Gratien dont elle fut maire, selon ses propres termes, « sous le prétexte de sa mauvaise gestion, alors que l’on a tout de même trouvé des djellabas dans ses locaux ! ».

Des méthodes soviétiques qui ne fleurent pas bon la démocratie…

Ces attaques tous azimuts contre les musulmans viennent de connaître un épisode où le grotesque le dispute à l’intolérable.

Quand l’Etat s’attaque aux enfants

Au mois de novembre, une dizaines de policiers, sous l’égide de la Brigade de protection des mineurs,  font irruption dans les locaux de l’école MHS Paris, située dans le 19ème arrondissement. Cette école est un établissement hors contrat qui accueille des élèves de la 6ème à la terminale. Suite à cette intervention, la Préfecture de Police décide de la fermeture de l’école. La raison invoquée : la non-conformité des accès situés au rez-de -chassée de l’immeuble au regard des règles de sécurité. L’école est située au 1er étage.

Or, l’immeuble est, selon les termes mêmes de l’agence chargée de la gestion du bâtiment, certifié ERP  (établissement recevant du public) et PMR, c’est-à-dire prévu pour l’accueil des personnes handicapées.

Par ailleurs, l’immeuble abrite de nombreuses sociétés et institutions dont un centre dépendant des Hopitaux de Paris qui reçoit des enfants pour des suivis psychologiques, une association qui accueille des enfants autistes, Le silence des justes, et … un centre éducatif de la Police Judiciaire qui reçoit des jeunes délinquants !
Naturellement, aucun de ces établissements, dont les enfants empruntent pourtant les mêmes espaces communs, n’a été inquiété.

Interrogés, le rectorat et la Prefecture de Police, ont refusé de répondre aux questions des journalistes.

De là à considérer que les raisons invoquées ne sont que des prétextes, il n’y a qu’un pas, largement franchi par le ministère de la Justice, le parquet de Paris et la préfecture de police qui , finalement, a annoncé dans un communiqué commun que la procédure se situait dans le « dans le cadre de la lutte contre l’islamisme et contre les différentes atteintes aux principes républicains mis en place par l’Etat, la Cellule de Lutte contre l’islam radical et le repli communautaire».

Quelle est donc exactement la nature de MHS Paris ? Située rue Goubet, au cœur de la « Petite Jerusalem » où se côtoient synagogues, écoles juives, et écoles publiques, MHS Paris assure un enseignement d’excellence conforme au programme de l’Education Nationale. Aucun enseignement religieux, de quelque nature que ce soit, n’y est proposé, et les cours sont strictement conformes aux valeurs de l’école laïque et républicaine.

Créée en 2015 dans la banlieue parisienne MHS Paris accueillait, à l’origine, des enfants issus principalement de l’immigration, dont les parents rêvaient pour eux d’un autre avenir que le leur. Cette école, aux excellents résultats, participait, de manière exemplaire, à « l’ascenseur social ». Toutefois, afin d’éviter tout risque de communautarisme, sa directrice, Hanane Loukili, persuadée que la richesse se nourrit de diversité, s’est très vite attachée à accueillir des enfants de toutes origines, et de toutes convictions. Cette approche d’excellence l’a également convaincue de faire le choix d’une implantation au cœur de Paris.

Alors, qu’est-ce qui cloche ?

Simplement, comme son statut hors contrat l’y autorise, MHS Paris accepte les signes religieux. Son site internet montre ainsi des jeunes filles portant un foulard en côtoyant d’autres, qui n’en portent pas. Et cela a suffi pour déclencher la fureur du Ministère de l’Interieur, embourbé dans son obsession du « séparatisme ».

Ainsi, la politique électoraliste de rapprochement du Rassemblement National jette à la rue 110 élèves désormais descolarisés, et envoie au chômage des enseignants qualifiés.

Quelques temps auparavant, les élèves de cette « école clandestine » avaient, sur l’invitation de l’Armée Française, participé à la réanimation de la flamme de l’Arc de Triomphe. On en rirait presque…

S’agit-il de laïcité ? Non, puisque l’école est elle-même laïque, et hors contrat, ce qui lui donnerait le droit de posséder, comme les établissements alentour, le statut confessionnel.

S’agit-il de racisme ? Peut-être pas. Mais à bien y réfléchir, convenons que cela y ressemble.

Un racisme d’Etat

Un « racisme d’Etat », selon l’expression d’Olivier Le Cour Grandmaison, professeur de sciences politiques, sorte de permanence rétienne de l’histoire coloniale française, symbolisée par l’article premier de la loi du 23 février 2005 (« La Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l’oeuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d’Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française ») et par le discours de Jules Ferry, « père de l’école laïque » , prononcé le 28 juillet 1885 devant la Chambre des députés : « Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures … il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures… »

Au début du mois, 48 intellectuels juifs comparaient la persécution des jeunes musulmans à celle que les enfants juifs subirent durant le régime de Vichy. Comment ne pas voir dans ces attaques contre les écoles, et pourquoi pas bientôt contre les livres, un terrorisme d’Etat, une nouvelle forme de nettoyage ethnique : le pogrom intellectuel ?

Mobilisons-nous !

laïcité? Manifestation contre l'islamophobie-

Face à ce déni des valeurs républicaines et des principes démocratiques, il est temps que les français musulmans se mobilisent. Non par la violence, qui ne sert que les intérêts des suprémacistes, mais au contraire par les moyens que la République met à disposition de ses citoyens : le vote et les tribunaux. Ils doivent également faire entendre leur voix, celle de l’intelligence, de la bienveillance, de la solidarité. Par leur attitude, leurs écrits, leurs arts, leur engagement politique, il leur appartient de faire vivre ce que d’autres ont abandonné : la devise de la France – Liberté, Egalité, Fraternité.

Abdeljallil Asmar

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