NOUVELLE-CALÉDONIE : POUR LA FRANCE, LA, COLONISATION, C’EST NICKEL !

Suite aux émeutes qui ont suivi l’adoption par le parlement français d’un projet de loi visant au « dégel » de l’électorat, le gouvernement français a décidé de répondre par l’envoi de troupes sur place afin de « rétablir l’ordre » et de « protéger les habitants de Nouvelle-Calédonie ».

Mais de quel ordre s’agit-il, et de quels habitants ?

Rappelons que l’archipel, situé à 17 000 km de la France a été envahi et colonisé par la France en 1848. Les habitants, constitués par le peuple kanak, ont été dépossédés de leur terre et parqués sur les régions les moins fertiles. Les colons ont immédiatement mis main basse sur la principale richesse du pays, les très importantes mines de nickel. Une politique d’immigration a été aussitôt mise en place afin de fournir de la main d’oeuvre pour l’exploitation du précieux métal. Les kanaks furent ainsi progressivement marginalisés, et bien entendu privés des revenus de l’exploitation minière, qui emplissaient les poches des colons. Les descendants de ces derniers, surnommés les « Caldoches », ont pris la succession de leurs parents.

L’idée du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » a ensuite fait son chemin et a notamment été reprise par Charles de Gaulle qui, lors d’une conférence de presse du 5 septembre 1960, déclarait : « Le moment est venu de reconnaître à tous le droit de disposer d’eux-mêmes ». Tous, sauf lorsque les intérêts de la métropole sont engagés, et notamment en Nouvelle-Calédonie, qui possède, en plus de ses richesses naturelles, une importance stratégique majeure pour la présence française dans le Pacifique. En 1972, le premier ministre Pierre Messmer, ancien ministre des Armées du Général de Gaulle, écrit dans une circulaire : « La présence française en Calédonie ne peut être menacée, sauf guerre mondiale, que par une revendication nationaliste des populations autochtones, appuyées par quelques alliés éventuels dans d’autres communautés ethniques venant du Pacifique. À court et moyen terme, l’immigration massive de citoyens français métropolitains ou originaires des départements d’outre-mer devrait permettre d’éviter ce danger, en maintenant ou en améliorant le rapport numérique des communautés. À long terme, la revendication nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires du Pacifique représentent une masse démographique majoritaire. »

Depuis, ce plan a été mis à exécution. La politique de flux migratoire s’est accentuée, et les nouveaux arrivants, venus principalement de métropole sont venus renforcer les rangs des Caldoches. D’année en année, la proportion de « Calédoniens de souche » a fondu comme neige au soleil, ceux-ci devenant minoritaires dans leur propre pays.

Une fois la balance démographie définitivement penchée du côté des nouveaux immigrants, il fut possible de mettre la question de l’indépendance au vote. Les « non » successifs reflétèrent non les souhaits des Calédoniens, mais celui de la population blanche. Restait l’ultime étape : inclure dans l’électorat les immigrés les plus récents, qui en avaient été écartés par les Accords de Noumea, afin d’empêcher définitivement les autochtones, massivement favorables à l’indépendance, de faire valoir leurs positions à l’occasion des futurs referendums.

Aucun des présidents français n’avait jusqu’alors osé le faire, Emmanuel Macron si, illustrant ainsi une fameuse réplique de Lino Ventura dans « Les tontons flingueurs ».

S’appuyant sur le prétexte des valeurs démocratiques, l’élargissement de l’électorat était en fait une tentative de faire taire le peuple kanak. Celui-ci avait fait savoir qu’il s’agissait là d’une ligne rouge qu’il n’accepterait pas, car ce qui est en question, ce n’est rien de moins que sa survie.

Ce qui devait arriver est naturellement arrivé. L’aveuglement de Paris a mis le feu aux poudres, et a réduit à néant 25 ans de travail de décolonisation et de normalisation des relations entre la Nouvelle-Calédonie et la France. Des émeutes ont éclaté, les Caldoches se sont organisés en groupes d’autodéfense, et Paris a choisi de prendre le parti de ces derniers, en envoyant ses troupes. Le ministre de la justice, Éric Dupond-Moretti, a même appelé à  « la plus grande fermeté à l’encontre des auteurs des exactions ». et a décidé de transférer les « criminels » arrêtés vers la métropole « pour ne pas qu’il y ait de contaminations […] des esprits les plus fragiles ».

Après les accords de Matignon de 1988, et les accords de Noumea de 1998, qui avaient laissé présager une progressive transition vers l’indépendance, c’est une politique de « re-colonisation », comme la désigne les kanaks qui a été mise en chantier par Emmanuel Macron, ce qui ne laisse rien présager de bon sur l’avenir de l’île. Une politique qui illustre la méthode du « passage en force » qu’Emmanuel Macron a déjà utilisée à propos du Covid et de la réforme des retraites.

Cette façon de vouloir régler le problème calédonien fait le bonheur d’extrême-droite française – à l’exception notable de Marine le Pen – et illustre la dérive suprémaciste blanche de l’État français qui se manifeste déjà à l’intérieur avec la politique anti-musulmane, et à l’extérieur avec la criminalisation du soutien à la Palestine. La « République » que Macron entend défendre en réprimant les mouvements kanaks est celle d’une France coloniale, une France nostalgique tournée vers le passé et non pas vers l’avenir.

Cerise sur le gâteau, l’idée, un peu simpliste qu’Emmanuel Macron a pourtant fait sienne, de l’union sacrée contre un ennemi commun, est appliquée cette fois en Nouvelle-Calédonie. Ce n’est pas la politique néo-colonialiste de la France, la confiscation des biens kanaks par les colons ou leurs descendants qui sont en cause, mais une hypothétique « influence étrangère ». Parmi les ennemis désignés : l’Azerbaïdjan, accusée d’ingérence, alors qu’il ne fait que donner la parole aux peuples qui souhaitent recouvrer leur liberté, et la Chine, soupçonnée de vouloir tirer profit de la situation pour s’emparer des mines de Nickel, un métal essentiel pour la développement des industries de pointe.

C’est un peu oublier que la Nouvelle-Calédonie fait partie des 17 pays « à décoloniser » recensés par l’ONU et que la France d’Emmanuel Macron a bradé à l’étranger 225 des principales entreprises françaises, comme Alstom ou Alcatel.

On peut pardonner à un gouvernement de commettre des erreurs. Mais lorsqu’elles sont systématiques, il s’agit d’une faute. Que rien ne peut excuser

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