LES MYSTÈRES DE DUBAI

Dubai, la ville de toutes les démesures, des tours infinies, du business tentaculaire, de l’argent sans limite, des influenceuses liftées, et des Emiratis roulant carrosse à 2 millions d’Euros la calèche…

Et si je vous disais que tout cela n’est qu’une façade ? Que les Émiratis ne s’incarnent pas seulement dans leurs tours de 1000 mètres de haut. Leurs racines ont aussi la même profondeur.

Dans la médina de Marrakech, il faut savoir franchir la porte encastrée dans un mur lézardé pour découvrir l’opulente richesse d’un somptueux Riad. Ici, il suffit parfois de pousser une porte pour découvrir la vie émiratie, la vraie. Simple, conviviale, chaleureuse.

L’une de ces portes donne sur un salon. Je veux dire l’un de ces salons littéraires qui réunissaient, du XVIe au XVIIème siècles, les esprits les plus brillants d’une France inventive, créatrice, cultivée et raffinée. Une autre époque en quelque sorte…

On y parlait littérature, poésie, musique, on y présentait les premières lignes de son nouveau roman, les premières mesure de son futur concerto.

Le premier salon qui entra dans l’Histoire fut celui que Madame de Scudéry ouvrit en 1652. Puis ce fut celui de Madame de Stael où l’on pouvait côtoyer Voltaire, Émilie du Châtelet, Marie du Deffand, Montesquieu ou D’Alembert. On dit que c’est grâce à elle et d’autres « salonnières » que les « Lumières » purent s’épanouir. Drôle de paradoxe quand on sait qu’à cette époque, les femmes étaient interdites de certains métiers, comme celui d’enseigner !

Juliette Récamier – Portrait de François Gérard.

La Révolution achevée, Juliette Récamier, ouvrit ses appartements à Théophile Gautier, Honoré de Balzac, Alfred de Musset, Victor Hugo, Marceline Desbordes-Valmore, Alphonse de Lamartine, Franz Liszt, Alexandre Dumas père et, George Sand.

Marguerite Yourcenar, la première femme à être élue à l’Académie française trois siècles et demi après sa création, déclara à propos de ces femmes : « Je suis tentée de m’effacer pour laisser passer leur ombre ».

Ferrouze Gadery

Et comme ces salons-là, celui qui se cache dans un douillet appartement de Palm Jumeira, à l’extrémité du tronc de ce palmier résidentiel, est tenu par une femme, brillante, accueillante, généreuse : Ferrouze Gadery. Ferrouze est Française, mais elle puise aussi ses origines dans cet Orient qu’on dit à juste titre éternel. Le multiculturalisme personnifié en quelque sorte. Chanteuse, musicienne, découvreuse de talents, elle est l’incarnation de cette rencontre magique où les tonalités envoûtantes des mélopées orientales et les gammes occidentales se rencontrent, se frôlent et s’accordent.

Cette osmose entre Orient et Occident, c’est justement ce que vous trouverez chez Ferrouze. On y croise Fuad, le Cheikh dubaïote qui a conservé, comme un trésor, l’architecture de son village natal, aujourd’hui quartier historique de la ville, avec ses tours à vents, ses jardins intérieurs, dans lesquels il a fait éclore une galerie d’art. On y écoute Ali, l’industriel émirati qui vous parle de Myamoto Musashi et du Livre des 5 anneaux, du silence intérieur, de la puissance de l’esprit, Kostas, le compositeur et musicien grec, artiste prodige qui joue en virtuose de 20 instruments, Nikhil, le guitariste indien, producteur, à la voix rauque et suave. On y rencontre Youssef, jeune haut fonctionnaire de Charjah, talentueux chef d’orchestre qui évoque Gustave Le Bon, Sigrid Hunke, et vous raconte l’histoire de Wallada l’Andalouse. Salwa, chanteuse, réalisatrice, Chris et Karim, les génies de l’informatique qui vous emmènent en voyage au cœur des mondes virtuels du 22ème siècle.

La salon de Ferrouze, c’est le bonheur de la rencontre. Un lieu hors du temps où, comme les musiques, les esprits se rencontrent, se frôlent et s’accordent.

Où trouver le salon de Ferrouze ? Ça, c’est un secret que je garde jalousement. Mais pour en découvrir l’entrée, en déchiffrer le Sésame, rien n’est plus facile en vérité : il suffit de le mériter.

Photo de titre : Quartier Bastakiya – Dubaï

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