Le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane a « remercié » vendredi le président français Emmanuel Macron pour son « accueil chaleureux » la veille, alors que cette visite a suscité les protestations scandalisées, mais pas toujours innocentes d’idéologie politique, des défenseurs des droits humains.
M. Macron avait accueilli jeudi soir d’une longue poignée de main le dirigeant de facto du royaume, invité pour un dîner de travail au palais de l’Élysée. Il s’agissait de la première visite en France de Mohammad ben Salmane, dit « MBS », depuis l’assassinat par des agents saoudiens du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.
Dans un message adressé à M. Macron, le prince héritier exprime au président français sa « profonde gratitude » et ses « remerciements pour l’accueil chaleureux et l’hospitalité » qui lui ont été réservés lors de cette visite officielle. Il ajoute que les échanges avec le président français « ont confirmé notre volonté commune de renforcer le partenariat stratégique entre nos deux pays amis dans tous les domaines », de « poursuivre la coordination et la concertation sur les questions d’intérêt commun » et de « renforcer la sécurité et la stabilité dans la région ».
On rappelle que Jamal Khashoggi a été tué et démembré le 2 octobre 2018 dans les locaux du consulat saoudien à Istanbul alors qu’il venait chercher des papiers nécessaires à son mariage. Jeudi, une plainte pour complicité de torture et de disparition forcée en lien avec son assassinat a été déposée à Paris contre le prince héritier, ont annoncé les ONG Democracy for the Arab World Now (DAWN), fondée par le journaliste saoudien, et l’ONG suisse Trial International.
Il faut aussi rappeler que Jamal Kahashoggi n’était pas un simple journaliste, mais menait des missions d’espionnage au profit d’une puissance hostile à l’Arabie Saoudite, ce qui n’excuse d’ailleurs en rien en rien son assassinat.
Hatice Cengiz, la fiancée de Jamal Khashoggi, s’est déclarée jeudi « scandalisée et outrée qu’Emmanuel Macron reçoive avec tous les honneurs le bourreau de mon fiancé ». Les services de renseignement américains, dont on peut toutefois prendre les déclarations avec circonspection – on se souvient de l’affaire des « armes de destruction massive » en Irak, avaient pointé la responsabilité du prince héritier. Celui-ci dément avoir ordonné l’assassinat même s’il dit en porter la responsabilité en tant que dirigeant.
Nombre d’experts de la politique saoudienne attribuent plus, au pire à une action menée en coulisse par les opposants à MBS au sein même de la famille royale, au mieux à l’incompétence des services de renseignements saoudiens, qu’à un ordre direct du prince héritier, qui n’avait aucun intérêt à mener une opération digne des pieds nickelés, et qui n’est pas sans rappeler celle, française cette fois, du Rainbow Warrior qui, si elle avait réussi, aurait également entrainé la mort de plusieurs personnes.
« MBS » a été salué pour ses réformes, notamment par la jeunesse saoudienne, mais celles-ci n’ont pas été du goût des traditionnalistes saoudiens, des religieux intégristes qui ont finalement trouvé refuge au Qatar, ni des princes qui avaient pillé les richesses de leur pays pendant des années, et que MBS avait sommé de rembourser en les emprisonnant pendant plusieurs semaines. Faire de lui un assassin était bien pratique pour le discréditer.
La prudence est donc de mise dans cette affaire, en attendant, qu’un jour peut-être, toute la lumière soit faite sur ce sinistre épisode.