« EMMERDER LES NON-VACCINÉS » : UNE CHARGE QUI « PASSE » MAL !

Dans un échange avec des lecteurs du quotidien Le Parisien, le président français s’en est pris aux millions de personnes qui ont fait le choix de ne pas se faire vacciner contre le Covid-19.

« Moi, je ne suis pas pour emmerder les Français. Je peste toute la journée contre l’administration quand elle les bloque. Eh bien là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Donc on va continuer de le faire, jusqu’au bout, c’est ça la stratégie. »

« Je ne vais pas les mettre en prison, je ne vais pas les vacciner de force. Et donc, il faut leur dire : à partir du 15 janvier, vous ne pourrez plus aller au restau, vous ne pourrez plus prendre un canon, vous ne pourrez plus aller boire un café, vous ne pourrez plus aller au théâtre, vous ne pourrez plus aller au ciné… », poursuit le chef de l’État.

Concernant plus spécifiquement ceux qu’il appelle les « antivax », M. Macron se montre peu amène : « L’immense faute morale des antivax : ils viennent saper ce qu’est la solidité d’une nation. Quand ma liberté vient menacer celle des autres, je deviens un irresponsable. Un irresponsable n’est plus un citoyen ».

Ces propos ont soulevé l’indignation de l’opposition et ont à nouveau bloquer les débats à l’Assemblée Nationale.

Un écart de langage, une maladresse de plus ? Sûrement pas. Emmanuel Macron, même s’il tarde à se déclarer officiellement, est entré en campagne électorale.

Un conseiller du Président le rappelait lors d’une interview France Télévision « Il y va fort mais il faut nommer le mal. Notre électorat est 100% pro-vax et ne comprend pas les non vaccinés. »

Il s’agit clairement pour lui de paraître volontaire en s’appuyant sur un argument qui semble faire consensus au sein de son électorat, alors que celui-ci est souvent apparu désorienté par les déclarations contradictoires de l’Elysée et de Matignon à propos de l’épidémie, les positions radicales à l’égard de la laïcité, ou encore une politique étrangère dont il ne comprend pas toujours les tenants et les aboutissants.

Reste que pour un président qui, en 2017, se voulait rassembleur, stigmatiser une partie des citoyens français ne va pas donner plus de visibilité à sa ligne politique. Cette sortie qui, pour certains va à l’encontre de l’article 1er de la Constitution (La République […] assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens), risque de conforter ceux qui estiment qu’Emmanuel Macron n’a pas réellement de vision pour la France. L’absence du drapeau français et son remplacement par le drapeau européen sous l’Arc de Triomphe, avait déjà suscité des commentaires en ce sens.

Par ailleurs, cette petite phrase est un détournement de la fameuse réplique de Georges Pompidou : « Il faut arrêter d’emmerder les Français ». L’opposition y voit un nouveau symbole du travestissement de la pensée gaulliste.

Mais il n’y a pas que le fond qui pose problème. Il y a aussi le style. Un partie de la vague abstentionniste qui paralyse la démocratie française est motivée par le fait que beaucoup d’électeurs considèrent que l’image présidentielle ne cesse de se dégrader. Le style à l’emporte-pièce qu’avait voulu adopter Nicolas Sarkozy avait pourtant fortement nuit à sa ré-élection. Emmanuel Macron lui avait en quelque sorte emboîté le pas.

Du travail« Je traverse la rue je vous en trouve »
« une gare c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien»
« on met un pognon de dingue dans les minima sociaux, les gens ils sont quand même pauvres »
« Je ne céderai rien ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes ».

Toutes ces « petites phrases » avaient sérieusement entamé la stature présidentielle et, évidemment, nombreux furent ceux qui lui opposèrent la dignité d’un Charles de Gaulle ou d’un François Mitterrand, qui ne se seraient jamais risqués au mépris de classe. Macron avait d’ailleurs fait acte de contrition : « Je ne mesurais pas suffisamment de choses », regrettait-il au micro de TF1 et LCI , « Il y a des mots qui peuvent blesser et je pense que ce n’est jamais bon et même inacceptable. Le respect fait partie de la vie politique et donc j’ai appris ».

Mais voilà, on ne chasse pas si facilement le naturel. La condescendance et l’invective font-elles un bon argument électoral ? Pas sûr. Un président « emmerdeur », ce n’est peut-être pas ce qu’attendent les Français. D’autant que sur ce terrain, d’autres candidats battent largement le président de la république…

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