LEGISLATIVES 2024 : MOI ET LE CHAOS

Après une campagne électorale particulièrement agitée, qui a mêlé coups de théâtre, programmes flous, propositions contradictoires, trahisons et invectives de toutes sortes, le sort en semblait jeté : le RN serait largement en avance. Les premiers résultats lui donnaient en effet 34% des voix et 28 pour le Nouveau Front Populaire, soit un écart de voix de 6 points. Finalement, le score a été beaucoup plus serré que prévu, avec 29, 25% pour le RN, avec 37 sièges acquis au premier tour, et 27,99% pour le NFP, avec 32 députés élus, soit un écart de 1,26 points.

Mais il faut bien entendu pondérer ces chiffres, car les électeurs de Ciotti se rallieront au RN au second tour. La participation exceptionnelle pour un législative, près de 70% de votants, n’a pas en définitive changé la donne. Quant aux autres partis, ils sont distancés : Ensemble, le parti présidentiel (qui décidément a beaucoup changé de nom depuis 2017) est à 20,04%, Les Républicains « Canal historique » fait 6,57, Les LR tendance Ciotti 3,90, Horizons, le parti d’Edouard Philippe ne fait que 0,72%.

Tout se jouera donc au second tour. La grande question étant, quelle consigne donnera le parti de Macron, s’il en donne.

Quoi qu’il en soit, le président de la République portera à jamais la responsabilité d’avoir permis à un parti, raciste, islamophobe et antisémite d’accéder au pouvoir. Une première dans la cinquième République. Certes, le RN se défend de toute tendance discriminatoire. Il a joint ses voix à ceux qui dénoncent une supposée explosion de l’antisémitisme, volontairement confondu avec le soutien au peuple palestinien, et Marine Le Pen a rendu visite à Mohammed Al-Issa, le secrétaire général de la Ligue Islamique Mondiale. En réalité, ces postures sont destinées à rassurer les deux communautés, de façon à ne plus apparaître à leurs yeux comme un repoussoir. Mais ce masque de façade se brise dès que les cameras sont absentes, et rien n’a changé dans ce parti, depuis le « détail de l’histoire » de Jean-Marie Le Pen. Toute la campagne de Bardella s’est appuyée sur cette volonté d’apparaître comme un parti fréquentable, quitte à se contredire d’une déclaration à l’autre, comme, par exemple, sur la réforme des retraites, l’attitude vis-à-vis de l’Ukraine, ou le sort des binationaux.

L’enjeu, pour la France, est de taille : soit le Rassemblement national obtient la majorité absolue, et il règnera en maître sur la France, sans véritable programme, et sans personnalité politique compétente, avec le risque d’un pays dévalorisé sur le plan international et chaotique sur le plan intérieur, et surtout le risque de soulèvements populaires à côté desquels celui des gilets jaunes ressemblerait à une procession de nonnes.

Soit, comme il l’affirme, Emmanuel Macron demande à ses électeurs de faire obstacle à l’extrême droite et se rallier, lorsque cela est nécessaire au Nouveau Front Populaire. Dans ce cas, le RN peut être mis en forte minorité. Reste à savoir si des électeurs auxquels on a cessé d’expliquer que le grand ennemi était la gauche, suivront ces consignes.

L’autre possibilité, la plus réaliste, est l’absence de majorité, entraînant une instabilité politique jamais observée depuis le temps de la IVe République. Bref, un marasme dont tous les Français seront les victimes, et en particulier ceux qui, en 2017, ont cru aux promesses du candidat à la Présidence.

Il reste toutefois encore une possibilité à Macron pour tenter de reprendre la main et apparaître comme le « sauveur de la République » : dissoudre à nouveau l’Assemblée Nationale après le délai légal d’un an en espérant que Jordan Bardella, s’il est premier ministre, aura d’ici démontré son incapacité à occuper ce poste. Jusqu’à présent tous les paris de Macron ont échoué. Celui-là aura-t-il plus de chances ?

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