LCI : LE SHOW D’UN ASSASSIN

1200 personnes ont été tuées lors de l’attaque du Hamas du 7 octobre. Depuis cette date, 36 000 palestiniens, dont la quasi totalité de civils, dont plus de 8 000 enfants, ont été tués à Gaza par l’armée israélienne. 367 civils en Cisjordanie où le Hamas n’est pas présent. Au total, 5 millions de palestiniens ont été exterminés depuis 1948.

Les Gazaouis sont morts sous les bombes, lancées contre les habitations, les hôpitaux, les écoles, ou tirés comme des lapins par les snipers israéliens. Le commanditaire de cet holocauste se nomme Benyamin Natanyahou, qui ne doit son maintien à la tête de l’État, ety sa liberté, qu’à sa meurtrière fuite en avant. Cet assassin a été condamné par la Cour pénale internationale.

C’est d’ailleurs en raison d’une condamnation similaire que Vladimir Poutine ne sera pas invité aux cérémonies du 80ème anniversaire du débarquement. Marqué du sceau de l’infamie, comme le fut M le maudit dans le film de Fritz Lang, aucune chaîne française ne lui laisserait carte blanche pour s’exprimer sans être contredit. Mais Netanyahou, si. Invité par LCI, la soupe servie par Darius Rochebin, Netanyahou a fait son show. Sans vergogne, toute honte bue , il a vomi sa haine des arabes et appelé à la solidarité civilisationnelle, assurant, en français, devant un Rochebin complaisant et soumis : « Notre victoire c’est la victoire d’Israël contre l’antisémitisme, c’est la victoire de la civilisation Judéo-Chrétienne contre la barbarie, c’est la victoire de la France ».

Et voilà la rengaine raciste et mensongère, tant prisée par la droite française, recyclée par un criminel pour justifier une entreprise génocidaire.

Pour mieux comprendre cette notion de « civilisation judéo-chrétienne », étrange quand on se souvient de ce que les catholiques ont fait, dans l’histoire aux juifs et aux protestants, le mieux est de laisser la parole à Sophie Bessis, auteur de l’excellent ouvrage « L’Occident et les Autres », paru aux éditions « La découverte » :

« Revenant sous toutes les plumes, au détour de chaque phrase, l’expression « judéo-chrétien » ne suscite aucune question, tant la juxtaposition de ces deux adjectifs paraît relever de l’évidence. Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi, et la fortune de ce terme est plus suspecte que son actuelle banalité tendrait à le faire croire.

Certes, ses occurrences savantes remontent loin dans le temps, et il doit, entre autres, son existence à l’antériorité historique du judaïsme et du christianisme sur l’islam, dernier-né de la révélation monothéiste. Sans prétendre entrer dans un débat théologique ou historique, on gardera également à l’esprit que l’Europe est « fille de la Bible et de la Grèce », pour reprendre la définition qu’en donne le philosophe Emmanuel Levinas. Mais le passage de l’expression dans le langage courant, où elle se signale depuis une vingtaine d’années par son omniprésence, a pris un tout autre sens, si on veut bien examiner l’usage politique qui en est fait.Tout, dans la civilisation occidentale, est désormais judéo-chrétien, si bien qu’elle se résume à peu près totalement dans cette double matrice dont les deux composantes semblent être siamoises. Ses valeurs, ses fondements, sa culture en découlent entièrement. Les hommes politiques s’en réclament pour justifier leurs actions. Un candidat à l’élection présidentielle américaine de 2000 [McCain] assurait ainsi qu’« être la seule superpuissance donne aux États-Unis des responsabilités, en particulier celles d’intervenir à l’extérieur pour protéger les valeurs judéo-chrétiennes ».

Le monde est partagé entre les « cultures judéo-chrétiennes » et les autres. En France, on consacre en 1998 un colloque à « L’intégration politique des Français musulmans et leur place dans l’espace judéo-chrétien ».

Écrit-on sur l’économie ? On y fait référence. Sur la culture ? La référence devient obligée. Et, toujours, ce double adjectif renvoie exclusivement à l’aire occidentale. La littérature actuelle ne repère, en effet, nulle trace de « judéo-christianisme » hors des frontières que l’Occident s’est données. Ce succès sans équivalent – même le mythe surexploité du « matin grec » n’en a pas connu de tel – ne semble pouvoir s’expliquer que par le triple processus d’ occultation , d’ appropriation et d’ exclusion qu’autorise l’usage systématique de ce terme.

D’occultation d’abord, si l’on veut bien considérer que cet accouplement permet de jeter un voile sur près de deux millénaires de haine antijuive et sur la longue négation par l’église catholique de sa filiation abrahamique. Chacun peut convenir, en effet, qu’une civilisation ne saurait haïr ce qu’elle désigne comme une part d’elle-même. L’instauration puis la sacralisation d’une identité « judéo-chrétienne » ont permis de clore sans autre forme de procès l’ère de l’antijudaïsme chrétien. Les pays de tradition chrétienne peuvent ainsi s’exonérer à bon compte de leur passé, et d’une partie de leur présent.

Mais l’essentiel n’est peut-être pas là. Cette nouvelle identité collective que l’Occident se donne officiellement, après avoir si longtemps répudié le cousinage entre ces deux versions de la révélation abrahamique, permet surtout d’annexer le juif au seul espace occidental et de s’assurer du même coup la propriété exclusive de la part d’universel dont il est crédité.De fait, l’émergence du judéo-chrétien comme sujet collectif escamote le juif, cette éternelle incarnation de l’autre qu’on fait venir d’un lointain d’ailleurs oriental , mais dans lequel il fallait bien reconnaître le premier énonciateur historique de l’universel monothéiste. Finies les questions insolubles de filiation ou d’héritage, l’avènement d’un « judéo-chrétien » indifférencié fait apparaître l’Occident comme l’inventeur unique de l’universel, toutes les racines y étant, par ce procédé, rapatriées. Quand il ne peut être rejeté dans une totale altérité, l’autre est en quelque sorte absorbé, avec l’ensemble de ses propriétés.

Érigé en noyau dur de l’identité occidentale, et d’elle seule, le « judéo-chrétien » fonctionne enfin comme une machine à expulser. L’islam devient en effet, grâce à cette construction, le tiers exclu de la révélation abrahamique, donc de cet universel monothéiste dont on a fait l’annonciateur des droits profanes et de la modernité. Hors quelques cercles oecuméniques à l’audience limitée, il ne viendrait à l’idée d’aucun utilisateur de l’objet courant judéo-chrétien d’y inclure l’islam ou, au moins, d’établir des correspondances avec lui.

Qu’il soit – en termes de pratiques religieuses et d’interdits qui l’accompagnent – plus proche du judaïsme qu’aucun des deux du christianisme, qu’il y ait puisé une part essentielle de son inspiration, que le texte coranique soit truffé de références aux deux révélations qui l’ont précédé n’y font rien.

L’universel judéo-chrétien, dont l’Occident s’est institué le seul propriétaire, renvoie à l’islam à son altérité et lui désigne son territoire, celui de la spécificité. À supposer qu’on la reconnaisse, l’existence d’un triptyque abrahamique est strictement confinée à la sphère religieuse. Elle ne déborde ni dans les champs de la culture, ni dans ceux du politique où l’institution de la césure entre les trois versions de la révélation renforce la frontière entre le Nord, patrie des deux premières, et les Suds, où campe la troisième. »

Aucune guerre n’est sainte. Pas plus celle des catholiques qui massacrèrent les populations d’Amérique, et pratiquèrent les pogroms au nom de l’église, que celle des sionistes qui travestissent des textes bibliques pour alimenter la légende d’une « terre sans peuple pour un peuple sans terre », et faire la razzia sur les terres palestiniennes. Répandre des discours qui justifient, au nom de principes religieux frelatés, le racisme, que celui-ci s’exerce à l’encontre des juifs ou des musulmans, est un crime encore plus grand. Car il pervertit les esprits qui, ensemencées des graines de la haine et de la bêtise, engendreront encore plus d’innocents massacrés par d’imbéciles assassins.

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