L’ABJECTE EXPLOITATION RACISTE DE LA TRAGÉDIE UKRAINIENNE

On aurait pu espérer que la tragédie d’Ukraine contribuerait à humaniser l’attitude de nos autorités à l’égard des réfugiés, d’où qu’ils viennent. Elle aurait pu leur faire comprendre qu’une exode forcée, cela peut arriver à tout le monde, à des pays proches, des parents, des amis. Elle aurait pu montrer que quitter sa patrie, abandonner sa maison, et perdre les siens, est un drame, qu’on soit d’ici ou d’ailleurs. Elles auraient pu voir que la peine n’est pas moins douloureuse parce que l’on vient de loin.

Helas, c’est exactement le contraire qui est arrivé. L’exode des Ukrainiens a exacerbé les pires instincts d’une France que les plus âgés d’entre nous n’auraient jamais crû voir ressurgir, et qui s’exprime aujourd’hui par l’abjecte discrimination entre les réfugiés.

Tandis que sont, avec raison, chaleureusement accueillies les familles ukrainiennes, les exilés d’Afrique, du Moyen Orient ou d’Afghanistan continuent à être parqués dans d’immondes conditions. Inutile, pour assurer ce tri infâme, de coudre une étoile jaune : leur différence se lit sur leur visage et sur leur peau.

La « leçon » donnée aux britanniques par le Ministre de l’Intérieur qui leur reproche sans vergogne leur manque d’humanité, le beau geste de la SNCF de faire voyager gratuitement les réfugiés ukrainiens, alors que les autres trainent leur misère, entassés dans des camions clandestins, l’appel aux familles à abriter des familles ukrainiennes, alors que l’on continue à poursuivent celles qui reçoivent des afghans, tout cela est juste sordide.

Et que dire de la lâcheté des journalistes qui voient se développer sous leurs yeux ce nouveau racisme d’Etat lorsque, bien sûr, ils ne le justifient pas. Existe-t-il encore, d’ailleurs, des journalistes en France, tant leurs analyses sont si peu nuancées, embrigadés qu’ils sont dans cette suspecte unanimité qui rappelle les grotesques certitudes de la presse américaine au temps de la guerre du Golfe ?

Le racisme est un monstre à l’appétit vorace qui se nourrit des meilleurs sentiments. Du malheur des Ukrainiens, il se repaît avec délectation. Mais on ne fait pas de bonnes actions avec de mauvaises intentions. Passée l’émotion habilement entretenue, passée la bonne conscience des humanistes d’un jour, il est à craindre que ces « réfugiés qui nous ressemblent » ne redeviennent, aux yeux d’une France qui aura bientôt d’autres chats à fouetter, des migrants comme les autres qui feront à leur tour l’amère expérience d’être des indésirables.

Jean-Michel Brun

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