LA LIBERTÉ DE LA PRESSE EXISTE-T-ELLE EN OUZBÉKISTAN ?

La liberté de la presse - C. BEA - Artiste franco-libanaise © 2024

Comme tous les pays ayant fait partie de l’Union soviétique, l’Ouzbékistan n’échappe pas aux critiques occidentales sur la nature de son régime politique et sur la liberté de la presse.

Pourtant, celle-ci est désormais inscrite dans la nouvelle constitution, votée par référendum le 30 avril 2023, dans son article 81 : « L’État garantit la liberté des médias d’agir et d’exercer le droit de rechercher, de recevoir, d’utiliser et de diffuser des informations. »

Il existe, en Ouzbékistan, 192 medias, y compris les chaînes de télévision par câble. La réception des medias par satellite est libre, et largement utilisée. 65% des medias sont privés. Il existe également 5 journaux appartenant à l’État et 32 chaînes de télévision publiques, nationales ou régionales.

L’AIMC (Agency for Information and Mass Communication), à peu près l’équivalente de notre ARCOM, veille au respect de l’application de cet article de la constitution. « La presse en Ouzbékistan est libre. Les seules restrictions concernent l’apologie du terrorisme et la pornographie » nous indique M. Dilshod Saidjanov, son vice-président. « L’AIMC n’intervient jamais sur la ligne éditoriale. L’interdiction de toute forme de censure est désormais inscrite dans la nouvelle constitution. Par ailleurs, une loi est en train d’être votée qui fera un délit de toute tentative d’un membre du gouvernement d’interférer sur la presse. Tout media ou journaliste qui soupçonnerait une ingérence de l’Etat est en droit de saisir l’AIMC. Naturellement, les craintes héritées du passé font que certains journalistes craignent encore d’aborder certains sujet. Nous en sommes conscients, et face à l’auto-censure, l’agence s’est donnée comme mission de rassurer les journalistes et de créer des ponts entre l’État et les medias. Par ailleurs, nous sommes en étroite et permanente relation avec les représentants de toutes les organisations, syndicats de journalistes et ONG, notamment celles qui militent pour la défense des droits de l’homme ».

M. Saidjanov regrette que certaines organisations et associations occidentales jugent de loin les pays de l’Asie centrale et du Caucase, sans avoir fait l’effort de venir vérifier sur place. Il y a quelques mois, le blogueur ouzbek Otabek Sattoriy était arrêté pour tentative d’extorsion de fonds. Selon les autorités Ouzbèkes, il avait menacé des entrepreneurs et banquiers de révéler des « informations » sensibles et tenté de monnayer son silence. L’organisation Reporters Sans Frontières, avait aussitôt pris la défense du blogueur, en affirmant, sans aucun élément permettant d’étayer cette thèse, que les raisons invoquées pour son arrestation étaient de « fausses accusations ». Le président de RSF avait été reçu à l’AIMC. Mais rien n’y a fait. Les préjugés ont, semble-t-il, la vie dure.
Ce n’est peut-être pas la seule explication à cet acharnement. Si RSF milite en effet officiellement pour la protection des journalistes, et la liberté d’expression, ses cibles quasi exclusives sont les pays de l’Est ou ceux de la sphère arabo-musulmane. Son fondateur, Robert Ménard, aujourd’hui maire de Béziers et connu pour sa proximité avec l’extrême droite, a fait de l’organisation un support de lutte contre des atteintes, réelles ou supposées, à la liberté d’expression dans les pays ciblés par les néo-conservateurs américains. Et ce n’est pas un hasard. L’association est largement financée par le sulfureux milliardaire Georges Soros ainsi que par le Center for free Cuba. Plusieurs des co-fondateurs de l’association, comme Rony Brauman et Jean-Claude Guillebaud, ont d’ailleurs quitté RSF pour cette raison. Cette proximité a en effet conduit RSF à éviter de critiquer les atteintes à la liberté de la presse en occident, et notamment er France, et à garder le silence sur les exactions de Tsahal en Palestine.

Quant au blogueur, il a été condamné à des travaux d’intérêt général et à une amende. Il est aujourd’hui sorti de prison.

« Contrairement à ce que prétendent certaines ONG occidentales, il n’existe en Ouzbékistan aucune restriction à l’accès aux sites Web sur les droits de l’homme » insiste M. Saidjanov. « Toutes les restrictions imposées dans le passé aux sites d’information étrangers ont été levées. Il n’y a aucune restriction en matière de politique étrangère.
Quant à la critique à l’égard du chef de l’État, une question récurrente dans les organisations comme RSF, elle est libre. Seule l’insulte est prohibée. Comme elle le fut en France jusqu’à une date très récente. Question de mentalité et de respect de la fonction ».

En Ouzbékistan, comme ailleurs, les réseaux sociaux sont actuellement devenus plus populaires que les médias mainstream. Même si cela pose le problème des fake news qui infectent l’ensemble des social media mondiaux, il s’agit, pour les autorités ouzbèkes, d’une bonne nouvelle, car cette information alternative contribue à dépasser les réticences de certains conservateurs à l’égard de la politique d’ouverture prônée par le Président Shavkat Mirziyoyev.

La liberté de la presse est un indicateur majeur de la santé d’une société et de son caractère démocratique. Malheureusement, alors que certains pays, jadis fermés, se sont ouverts à la liberté d’expression, en Europe, et tout particulièrement en France, une tendance inverse apparaît : À l’interventionnisme traditionnel de l’État s’est substituée la pression d’une oligarchie financière, fortement conservatrice, qui a pris le contrôle de la quasi-totalité de la presse. Ce combat est universel et est loin d’être gagné.

Lire aussi

ÉLECTIONS LÉGISLATIVES EN OUZBÉKISTAN

Ce 27 octobre, près de 20 millions de citoyens ouzbeks étaient appelés aux urnes pour …