ISRAËL S’EMBOURBE À GAZA ET ACCUSE LE QATAR

C’est tellement simple !
Netanyahou est dans l’impasse. Vilipendé de toutes part, même par ses propres amis, même par sa propre population, pour sa stratégie jusqu’au-boutiste à Gaza, il s’agite comme la carpe au bout de l’hameçon et cherche une issue au piège qui se referme sur lui. C’est qu’il n’a pas le choix, le premier ministre. Avec ses casseroles à la traîne,  c’est la réélection ou la prison !

Heureusement, il y a le Qatar. Bouc émissaire idéal que les medias mainstream accusent régulièrement d’être le quartier général de la subversion frériste. Pourquoi alors ne pas aller jusqu’à en faire le responsable occulte des événements du 7 octobre ? Bingo. Netanyahou l’a fait. Bibi ose tout, c’est même à ça qu’on le reconnaît. 

Helas pour lui, depuis le début des hostilités, le Qatar est à la manœuvre pour négocier avec l’organisation islamiste. Ces accusations fantaisistes, pour peu qu’elles soient reprises par les alliés les moins regardants d’Israël,  ne peuvent qu’entraver son action de médiation, et par là-même mettre en danger les otages, qui sont encore nombreux à être détenus à Gaza. Mauvais point pour le premier ministre. À Tel Aviv non plus, les allégations du premier ministre passent mal, d’autant que chacun se souvient l’avoir entendu affirmer en 2019 qu’il était important de soutenir le Hamas pour continuer d’affaiblir l’Autorité palestinienne et empêcher la création d’un Etat palestinien. La division du pouvoir entre la Cisjordanie et la bande de Gaza était selon lui l’obstacle idéal à la formation d’un Etat palestinien. On se rappelle aussi qu’Israël avait contribué en 1988 à soutenir Cheikh Yassine, le fondateur du Hamas,  toujours dans le but de diviser au maximum les Palestiniens. D’ailleurs, Avi Primor, l’ex-ambassadeur d’Israël, et ancien porte-parole du Ministère israélien des Affaires Étrangères l’a récemment martelé sur la chaîne israélienne i24 : « C’est le gouvernement israélien, c’est nous, qui avons créé le Hamas, afin de créer un poids contre le Fatah »

En jouant ainsi avec le feu, persuadés d’être capable de manipuler à sa guise le mouvement islamiste, Israël a marché dans les pas des Américains qui avaient cru pouvoir utiliser les moudjahidines afghans contre les Soviétiques. On se souvient du résultat. Il eût été préférable de travailler main dans la main avec Yasser Arafat, comme celui-ci avait tenté de le faire, mais la vision cauchemardesque d’un État arabe aux portes d’Israël donne des sueurs froides à Netanyahou.

Charles Enderlin, ancien correspondant de France 2 en Israël, a publié nombre d’articles et de livres pour expliquer la complaisance de la droite israélienne envers le Hamas dont la mainmise sur Gaza était, selon celle-ci, la meilleure garantie contre la constitution d’un Etat pour les Palestiniens[1].  Les insinuations de Natanahyou à propos du Qatar sont d’autant plus surréalistes que celui-ci  a hébergé les dirigeants du Hamas sur la demande américaine (et israélienne) pour pouvoir négocier le jour où l’on en aurait besoin. Le 7 octobre hélas, ce jour est arrivé. Et c’est peut-être, pour une fois, le moment, pour les « stratèges » israéliens et américains de la diplomatie secrète, de mettre leur plan en action et de s’associer au Qatar pour tenter de sauver la vie des 140 otages israéliens restant détenus par le Hamas à Gaza.

Ce serait surtout le moyen de mettre fin à la tuerie massive des civils Gazaouis – 25 000 morts aujourd’hui – qui semblent ne pas peser bien, lourd dans la conscience occidentale.  

David Sacroz
Correspondant à Beyrouth

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[1] Le grand aveuglement, Israël et l’irrésistible ascension de l’islam radical, Albin Michel, Paris, 2009.

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