GUERRE EN UKRAINE ET CRISE ÉNERGÉTIQUE : L’AZERBAÏDJAN AU SECOURS DE L’EUROPE

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé lundi un accord avec l’Azerbaïdjan pour doubler «en quelques années» les importations de gaz de l’Union Européenne depuis l’Azerbaïdjan.

«L’UE se tourne vers des fournisseurs d’énergie plus fiables. Je suis aujourd’hui en Azerbaïdjan pour signer un nouvel accord. Notre objectif : doubler les livraisons de gaz de l’Azerbaïdjan à l’UE en quelques années. (Ce pays) sera un partenaire essentiel pour notre sécurité d’approvisionnement et sur la voie de la neutralité climatique», a déclaré Mme von der Leyen sur Twitter.

A l’approche de l’hiver, l’inquiétude monte dans les pays européens quant au risque d’une rupture d’énergie. Bruxelles à demandé à chaque Etat membre de réduire de 15 % sa consommation de gaz dans les huit mois pour faire face à une éventuelle fermeture totale du robinet russe.

Face au spectre de la pénurie, l’Europe cherche de nouveaux partenaires. L’Azerbaïdjan est de ceux-là.

L’an dernier, l’Azerbaïdjan a fourni quelque 8 milliards de mètres cubes de gaz naturel à l’Europe via des pipelines passant par la Géorgie et la Turquie. Naturellement, les 12 milliards de mètres cubes de gaz promis par l’Azerbaïdjan ne suffiront pas à remplacer les 155 milliards importés chaque année de Russie, qui représentent près de 40% de ses besoins. L’Europe devra également importer du gaz d’autres pays comme les États-Unis, le Qatar, la Norvège ou l’Algérie. L’indépendance énergétique de l’Europe vis-à-vis de la Russie prendra du temps et l’Europe devra quand même faire des économies pour passer l’hiver sans perturbation.

Mais l’intérêt du gaz azerbaïdjanais est aussi ailleurs.

Libérer l’Europe de sa dépendance à l’égard de la Russie

En mai, les dirigeants de l’UE avaient approuvé un arrêt de l’essentiel des importations de pétrole russe d’ici à la fin de l’année, dans le cadre des sanctions contre Moscou. Mais ils ont soigneusement évité de prendre des sanctions pouvant affecter leurs importations de gaz russe qui couvrent, rappelons-le, près de 40 % de leurs besoins.

Le gaz azerbaïdjanais devrait contribuer à aider l’Europe à se débarrasser de sa dépendance vis à vis de la Russie, et par conséquent d’avoir les mains plus libres pour imposer des sanctions à celles-ci.

A la recherche d’un fournisseur fiable

Pour l’Europe, le danger vient surtout du fait que la Russie utilise le gaz comme une arme de dissuasion. « La Russie utilise l’énergie comme une arme. Et donc, dans tous les cas, qu’il s’agisse d’une coupure partielle et majeure du gaz russe ou d’une coupure totale du gaz russe, l’Europe doit être prête », a mis en garde Ursula von der Leyen.

«L’UE se tourne vers des fournisseurs d’énergie plus fiables», a-t-elle ajouté, lors de sa visite en Azerbaïdjan.

Le gazoduc Nord Stream qui achemine le gaz Russe en Allemagne a été arrêté pendant dix jours, semant la panique à Berlin, malgré les explications de Poutine qui attribuait cette coupure à une simple procédure de maintenance. Finalement, le pipeline a redémarré comme prévu, mais l’Europe a compris que la menace d’une fermeture inopinée des robinets était bien réelle, et que Moscou jouait habilement sur ce chantage subliminal.

En d’autres termes, Moscou n’est plus un partenaire fiable, d’autant que la Russie a réduit le flux de plus d’un tiers depuis le début de la guerre en Ukraine, faisant s’envoler les prix, et surtout empêchant l’Europe de remplir ses stocks comme chaque année avant la saison froide. Les stockages européens ne sont remplis qu’à 64 % environ. L’Europe se devait d’anticiper.

Pour garantir à la fois son indépendance vis à vis de Moscou, et sa sécurité énergétique, l’Azerbaïdjan apparaît comme le partenaire idéal. L’Azerbaïdjan, qui s’est, dès le début du conflit, rangé du même côté que l’Europe, souhaite se rapprocher économiquement et culturellement de celle-ci. Inversement, l’Europe a tout intérêt à resserrer ses liens avec une région qui, du Caucase à l’Asie Centrale, possède d’immenses richesses naturelles et un fort potentiel de croissance.

Ainsi que l’a rappelé la présidente de la Commission Européenne, le bénéfice de cette collaboration s’exprimera aussi sur le terrain de la transition énergétique. L’UE et l’Azerbaïdjan partagent l’ambition d’accélérer le développement et le déploiement des capacités de production et de transport d’énergies renouvelables. L’Azerbaïdjan dispose d’un énorme potentiel en matière d’énergies renouvelables, notamment dans le secteur de l’énergie offshore, dont l’Europe pourrait également avoir besoin pour sécuriser ses besoins énergétiques.

La France entre deux eaux

La France, quant à elle, semble adopter une position ambigüe sur ce sujet. Moins dépendante que l’Allemagne du gaz russe, grâce notamment à ses installations nucléaires, elle reste très influencée par la forte pression qu’exerce sur les politiciens et les medias, la puissante communauté arménienne française, littéralement prise en otage par les mouvements ultra-nationalistes. Même si Mourad Papazian, l’un des leaders de cette mouvance en France a été interdit de séjour par le gouvernement arménien, nombre de politiques et journalistes, tels le président de la région PACA Renaud Muselier, ou le rédacteur en chef du Figaro Magazine Jean-Christophe Buisson, se sont fait les porte-parole des nationalistes arméniens en critiquant cet accord qui risque, selon eux, de contribuer à une stabilisation de la région aux dépens des aspirations irrédentistes arméniennes.

Néanmoins, souligne un communiqué de la Commission Européenne : « L’UE a réaffirmé sa ferme volonté de promouvoir un Caucase du Sud qui soit sûr, stable et prospère. L’UE a souligné qu’elle était déterminée à aider les parties à progresser sur la voie d’un accord de paix global entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. En outre, l’UE a souligné qu’il importait de préparer les populations à une paix durable à long terme à l’aide de déclarations publiques positives et constructives. Elle a également mis l’accent sur le soutien qu’elle apporte pour faire face aux conséquences du conflit, notamment en fournissant une aide au déminage et en ce qui concerne d’autres questions humanitaires en suspens ».

Cette contestation de l’accord Europe-Azerbaïdjan est surtout l’apanage de la droite radicale et identitaire française qui ne cesse de tirer à boulets rouges sur les rapprochements entre l’occident et les pays « musulmans », même si, en l’occurrence, l’Azerbaïdjan est un pays totalement laïque.

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