FACE AU DRAME DES IRANIENNES, L’AZERBAÏDJAN PIONNIER DE L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

Près d’une centaine de tués. Plus de 1 200 manifestants arrêtés, selon les déclarations officielles. Le bilan des manifestations consécutives au décès de Mahasa Amini, le 16 septembre, s’alourdit en Iran.

La jeune fille, qui avait été arrêtée par la police religieuse pour un voile mal porté est morte dans des circonstances encore non élucidées dans un commissariat de Téhéran.

Six jours plus tard, une autre jeune fille, âgée d’à peine 20 ans, Hadis Najafi a été abattue le de six balles à la tête, au cou et dans la poitrine par les forces de sécurité alors qu’elle manifestait dans la ville de Karaj.

Partout en Iran, les femmes manifestent, enlèvent et brûlent leur hijab.Serait-il possible qu’un jour, dans cette région du monde, à majorité musulmane, une statue soit élevée aux femmes qui se dévoilent en signe de liberté ? Comme celle-ci par exemple ?

Femme dévoilée – Bakou. Photo Aytan Moudarova

Nous sommes devant le Ministère du travail et de la protection sociale, à l’angle des rues Giourbanov et Djafar Djabbarli. Où ? À Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan. Cette oeuvre, du sculpteur Fuad Abdurahmanov, a été inspirée par l’héroïne de la pièce « Sevil » de Djafar Djabbarli, dont Fikrat Amirov fera un opéra en 1953.

Voir un extrait de l’opéra Sevil

Le mouvement anti-voile a été lancé à Bakou en 1905, dans une société très traditionnaliste. Des manifestations eurent lieu, qui furent réprimées par le puissant clergé. Mais la volonté d’émancipation des femmes était désormais irréversible. L’instauration de la première République d’Azerbaïdjan en 1918 a marqué le début de l’entrée des femmes dans la politique, puisqu’elles obtinrent immédiatement le droit de vote… 26 ans avant la France.

Aujourd’hui, les femmes tiennent une place grandissante dans la société azerbaïdjanaise. Dans les hautes sphères de l’État, dans les représentations diplomatiques, les femmes occupent des postes clés, ainsi que dans la culture et le monde de l’entreprise.

En mars 2000, a été signé un décret intitulé « Mise en place de la politique nationale pour l’égalité entre les sexes en République d’Azerbaïdjan », qui vise à garantir la représentation paritaire des hommes et des femmes dans toutes les structures de l’État. En 2006, la loi sur les garanties en matière d’égalité des sexes, a été promulguée. Son objectif est de garantir l’égalité des chances entre hommes et femmes dans les milieux politiques, économiques, sociaux, culturels et dans tous les domaines de la vie publique, ainsi que l’élimination de toute forme de discrimination fondée sur le genre.

Enfin, le parlement a adopté en 2010 une loi majeure sur la prévention de la violence domestique.Il existe toutefois une différence fondamentale entre le sens du dévoilement en Azerbaïdjan et chez les mouvement féministes français. Pour ces derniers, le hijab est en lui-même , comme la religion elle-même, une manifestation d’asservissement de la femme. Une position cohérente avec la perception française de la laïcité, qui vise à exclure toute forme d’expression religieuse de la place publique, chez la femme en particulier.

En Azerbaïdjan, il n’en est rien. La laïcité, rigoureusement respectée, est celle dont Aristide Briand avait défini l’esprit en 1905. La tolérance est une valeur incontournable de l’Azerbaïdjan. Le sens du dévoilement, exprimée par la femme de la statue, que le sculpteur a d’ailleurs fixée au moment où elle n’est encore qu’à demi-dévoilée, est que les femmes doivent avoir le choix de leur tenue, de la façon de se conduire, sans que personne ne puisse leur imposer ou interdire quoi que ce soit. Peu importe la façon dont tu t’habilles, dès l’instant où c’est ton choix. Une différence fondamentale avec la « nouvelle laïcité » où, comme par le passé, on cherche à décider à la place des femmes ce qu’elles doivent ou ne doivent pas faire.

On comprend mieux dès lors pourquoi tant de contre-vérités sont dites, en France, à propos de l’Azerbaïdjan. Pourquoi les journalistes rechignent à s’y rendre, pourquoi les politiciens ne visitent que l’Arménie, pourquoi l’ambassadeur lui-même a décliné l’invitation qui lui était faite de venir constater les dégâts causés par les troupes arméniennes dans le Karabakh : l’Azerbaïdjan est un modèle trop dangereux pour les identitaires français, de droite ou de gauche.

L’idée de Liberté est trop contagieuse, le colonialisme français en fit les frais en son temps.

Jean-Michel Brun

Lire aussi

POUR UNE SCIENCE CONSTRUCTIVE

Par Abdelilah BENMESBAH – Faculté des Sciences – Université Ibn Tofail – Maroc Pour nous …