CARICATURE DE CHARLIE HEBDO SUR LE SÉISME EN TURQUIE : JUSTE STUPIDE ET ECOEURANT

Par Jean-Michel Brun

Au moment où on annonce que le séisme en Turquie a fait plus de 5 000 morts, Charlie Hebdo en profite pour faire de l’humour à bon compte. Les parents des victimes apprécieront.

« SÉISME EN TURQUIE : MÊME PAS BESOIN D’ENVOYER LES CHARS ! »

On croyait avoir touché le fond avec les caricatures faciles de Charlie Hebdo. Hélas, les abysses semblent infinies. Lorsqu’il suffit d’être grossier, ou simplement de mauvais goût, pour être créditer de la mention « humoriste « , c’est que l’humour est tombé bien bas. Ce dessinateur de Charlie est à Sempé ce que Trissotin est à Victor Hugo, ou ce que Pétain est à de Gaulle.

Charlie Hebdo est l’héritier de Hara-Kiri « Le journal bête et méchant », fondé par Choron et Cavanna. C’était impertinent, paillard et drôle. Lorsque Philippe Val, sarkozyste bon teint, et récompensé pour cela par un poste à la direction de France Inter, prend la direction de Charlie Hebdo, l’hebdomadaire devient le porte-parole de la droite islamophobe et, de « bête et méchant », il devient simplement stupide et écœurant. Philippe Val finira d’ailleurs par se faire renvoyer de France Inter, suite à ses décisions de licencier les chroniqueurs jugés trop critiques envers l’ancien président de la République, et à l’échec de ses propre émissions.

La question qui mérite d’être posée, c’est pourquoi Charlie Hebdo a publié une telle ânerie.

Bein sûr, on peut se dire que l’hebdomadaire surfe sur l’islamophobie et l’anti-turquisme qui lui est associé. Mais ce n’est là qu’une approche superficielle.

Le véritable fond de commerce de ce journal est la monétisation de la victimisation. Les attentats de 2015, que chacun, bien entendu, ne peut que condamner avec véhémence, ont rapporté au journal, alors au bord du dépôt de bilan, 20 millions d’euros, en ventes en kiosque, en abonnements, et en dons. Ce pactole, ainsi que le faisait remarquer BFM TV en 2016, personne ne sait exactement ce qu’il est devenu. Triste épilogue pour le sacrifice de Cabu ou Wolinski, assassinés par quelques imbéciles.

Instrumentaliser ainsi l’horreur, profiter de la peine des victimes, est déjà consternant. Mais récidiver est juste inqualifiable. Charlie Hebdo, de nouveau en difficulté, cherche-t-il à provoquer délibérément un nouvel hallali contre lui afin de provoquer une réaction qu’il pourra une fois de plus instrumentaliser ? C’est possible.

Alors, il ne faut pas tomber dans le piège. Si l’hebdomadaire tente de provoquer un tollé, une « fatwa », voire plus, qui permettrait à nouveau de pointer du doigt les « islamistes », il ne faut pas lui donner raison. Condamnons cette misérable publication, parlons de la pauvreté d’esprit de cette droite et extrême droite qui se gausse déjà de cette bonne blague « giga drôle », comme le commente un internaute. Mais restons-en là. Cette vulgarité ne mérite pas plus.« Il faut laisser les choses basses mourir de leur propre poison » avait déclaré Valéry Giscard d’Estaing lorsqu’un autre hebdomadaire satirique l’avait accusé (on sait aujourd’hui que c’était un coup monté) , d’avoir reçu des millions en diamants du dictateur Bokassa.

Il n’empêche. Comment notre pays a-t-il pu en arriver là ? Guy Bedos avait fait un sketch volontairement raciste (pour dénoncer le racisme naturellement) et finissait par : « Vous voyez, on peut rire de tout. Mais je ne suis pas certain que ce soit un rire de très bonne qualité »

Tiens… un humoriste, un vrai ! Nostalgie quand tu nous tient…

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