BRICS : 6 PAYS INTÉGRÉS, L’ALGÉRIE RECALÉE

L’Algérie avait demandé, à l’instar de l’Iran, l’Argentine, l’Egypte, l’Ethiopie, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, à rejoindre les BRICS. Tous ont été admis… sauf l’Algérie.

C’est ce qu’a annoncé le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, ce 24 août, lors du sommet des principales économies émergentes qui se tenait à Johannesburg.

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune comptait pourtant beaucoup sur cette adhésion. Il avait déclaré en décembre 2022 : « l’année 2023 sera couronnée par l’adhésion de l’Algérie aux Brics », ajoutant un peu plus tard que « L’Algérie s’intéresse aux Brics en ce qu’ils constituent une puissance économique et politique ».

Au cours des derniers mois, Abdelmadjid Tebboune avait plaidé sa cause lors de ses visites en Russie, en juin, et en Chine, en juillet, dont il avait reçu les soutiens respectifs. « Nous avons demandé officiellement à rejoindre le groupe des Brics et sa Nouvelle Banque de développement en tant qu’actionnaire, avec une première contribution à hauteur de 1,5 milliard de dollars. » avait-il déclaré à la télévision chinoise.

Il semble pourtant qu’il s’attendait à ce refus, puisqu’il avait finalement décidé de ne pas participer lui-même au sommet, et avait envoyé à sa place son ministre des Finances.

Quelles sont les raisons invoquées par les BRICS pour refuser la candidature algérienne ?
L’ Inde et le Brésil ont jugé que le PIB de l’Algérie était insuffisant. Avec ses 3 500 $ par habitant, indexé uniquement sur les recettes d’ hydrocarbures, il se trouve loin derrière des pays comme l’Argentine, qui possède un PIB par habitant de plus de 10 000 $. Par ailleurs, les BRICS ont constaté de nombreuses lacunes dans la politique économique de l’Algérie : Un déficit d’industrialisation et l’absence de plan de développement de ce secteur, et une absence de diversification économique. Des exportations au point mort, et un nombre de créations d’emploi dérisoire. Une présence quasi inexistante sur la scène financière internationale, un système bancaire obsolète et un système fiscal archaïque.
Les BRICS reprochent également à l’Algérie de ne pas engager les réformes économiques et stratégiques pour relever les défis du 21ème siècle pour un développement durable et diversifié. L’Algérie est jugée trop dépendante des combustibles fossiles, et insuffisamment engagée dans la transition énergétique. L’absence de réelle politique de diversification la place en effet dans une situation de fragilité. Avec un PIB de seulement 163 milliards de dollars indexé sur les recettes pétrolières et gazières, le pays se trouve à la merci d’un éventuel effondrement du prix des énergies fossiles, qui entrainerait automatiquement l’effondrement de son économie toute entière.

En filigrane, un problème endémique en Algérie qui « plombe » sérieusement son économie : la corruption, qui ne touche pas seulement les élites, mais l’ensemble des strates de la société. une jeune cheffe d’entreprise nous faisait part de sa difficulté à développer ses affaires, même sur un marché porteur : de nombreux services administratifs interviennent dans la marche d’une entreprise : fiscalité, normes sanitaires, autorisations diverses, etc. et à chaque étape, il faut verser son bakchich pour faire avancer le dossier. Dans ces conditions, même avec le soutien de la Russie et de la Chine, la candidature avait peu de chances d’aboutir. On rappelle que l’adhésion d’un nouveau membre doit se faire à l’unanimité.

Ce refus résonne comme une critique impitoyable du système de gouvernance algérien dans son ensemble. Des critiques qui ont été largement reprises sur les réseaux sociaux algériens, qui raillent le fat qu’un grand pays comme l’Algérie se trouve devancé par l’Éthiopie. Il faudra donc que l’Algérie mette les bouchées doubles pour se reformer en profondeur si elle veut réussi-r le prochain examen de passage.

L’émergence d’un système économique alternatif

Pourtant, les BRICS sont pour beaucoup de pays les prémices d’une véritable révolution : l’affranchissement de l’hégémonie américaine, installée depuis la fin de la seconde guerre mondiale, qui, notamment par la toute puissance du dollar et le système SWIFT, asservit littéralement les autres économies.

Rappelons qu’ensemble, les 11 pays qui formeront les nouveaux BRICS à partir du mois de janvier représentent 29% du PIB mondial et 46% de la population du globe. Il s’agit là d’un marché unique au monde. Il leur reste à mettre en place un accord de libre-échange pour en faire une puissance économique incontournable et offrir une vision alternative mondiale sur le plan politique et sociétale.

« L’objectif des BRICS est clairement de créer un groupe puissant sur la scène mondial pour compenser des organismes internationaux comme l’ONU, le G7, voire le G20. C’est la Chine qui pousse à élargir avec une stratégie plus politique qu’économique. Le but est de faire un contre-poids à l’ordre mondial », expliquait sur BFM Business Laurence Daziano, enseignante à Sciences Po.

A terme, l’objectif pourrait être de détrôner le dollar sur lequel se font 60% des échanges mondiaux. Ainsi que le fait remarquer Ali Benouari, économiste et ancien ministre algérien du Trésor, « pour mettre fin à l’ordre monétaire actuel, un consensus semble se dessiner au niveau d’un nombre croissant d’États autour de la nécessité de mettre fin à l’hégémonie du dollar. D’ores et déjà les BRICS, et d’autres pays qui souhaitent les rejoindre, ont entrepris de contourner le réseau Swift qui permet aux Américains de tracer et bloquer les mouvements de devises des pays qu’ils veulent sanctionner. Des systèmes alternatifs au Swift sont à un stade avancé, comme le CIPS chinois. Les Russes ne sont pas en reste. Les BRICS ont aussi créé, en 2014, une institution qui se pose comme une alternative au FMI et à la Banque mondiale. La Nouvelle Banque de Développement (NBD) au capital de 100 milliards de dollars. En parallèle, l’usage des monnaies nationales se répand. Le rouble, le yuan et la roupie commencent à remplacer le dollar dans le commerce bilatéral et même triangulaire, y compris du pétrole et gaz. »

L’émergence d’un ordre mondial différent semble être au cœur des projets des BRICS. Le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a salué « un grand moment » pour la nation africaine. « L’Ethiopie est prête à coopérer avec tous pour un ordre mondial inclusif et prospère », a-t-il déclaré sur les réseaux sociaux. L’Afrique, qui souhaite se débarrasser définitivement de ses liens coloniaux, sera d’ailleurs sans doute au cœur des futures extensions des BRICS. Pour le chef de l’Etat chinois, Xi Jinping, les discussions aboutissent à « un élargissement historique », prédisant un « avenir radieux pour les pays du BRICS ».

Qui seront les prochains pays à être admis au club ? La réponse est attendue dans un an lors du prochain sommet des BRICS qui, prévu au départ au Brésil, se tiendra finalement à Kazan, en Russie, afin de permettre à Vladimir Poutine d’y assister physiquement.

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