MEURTRE D’UN GAMBIEN PAR UN GROUPE D’ARMÉNIENS À ST ETIENNE. LA LIGUE DE DÉFENSE NOIRE AFRICAINE DÉNONCE UN ACTE RACISTE

Egountchi Behanzin, leader de la Ligue de Défense Noire Africaine

Le 26 mai dernier, un jeune musulman gambien de 26 ans, père d’une fillette de 3 mois a été assassiné à Saint-Etienne au cours d’une agression d’une rare violence qui a conduit à l’arrestation de 3 des protagonistes, de nationalité arménienne, âgés de 28, 32 et 62 ans, dont un père et son fils, Les suspects ont été mis en examen pour «meurtre avec armes, en réunion».

Le caractère raciste de l’agression n’a, pour le moment, pas été retenu par le parquet. Mais des riverains ont filmé la scène (voir la vidéo ci-dessous). On entend les agresseurs crier « Sale noir ! Sale négro ! On va te saigner ! », avant de le poignarder. On voit ensuite l’un des agresseurs revenir sur ses pas et donner des coups de pieds dans la tête du jeune homme en train d’agoniser dans une mare de sang.
Le jeune homme décèdera le lendemain au CHU de Saint-Etienne.

L’affaire n’aurait sans doute pas été rendue publique si un mouvement anti-negrophobe, la Ligue de Défense Noire Africaine n’avait pas aussitôt alerté les réseaux sociaux, avant d’appeler à une manifestation pour demander que justice soit rendue au jeune gambien. Récupérée par la municipalité et les associations locales, la manifestation a réuni plusieurs centaines de personnes, dont le maire LR, Gaël Perdriau, qui n’a pas souhaité que la LDNA s’exprime. L’affirmation du caractère raciste de l’agression dérange en effet la municipalité où la communauté arménienne est électoralement influente.

Par ailleurs, les positions anti-racistes et anti-colonialistes de LDNA ne plaisent pas à tout le monde, y compris les associations « officielles » qui l’accusent d’extrémisme et de racialisme. Ses actions, et ses déclarations, parfois spectaculaires, lui ont toutefois permis de franchir le plafond de verre des medias et d’être aujourd’hui une association qu’on écoute et dont on craint les interventions.

Nous avons interrogé Egountchi Behanzin, le leader de la LDNA.

MEF : Quel a été votre rôle dans la médiatisation du meurtre du jeune Youssoupha ?

Egountchi Behanzin : Le 26 mai un meurtre a été commis par un groupe d’arméniens , un meurtre raciste négrophobe.
Pourtant, cet assassinat a été entouré d’un étrange silence.
Autrement dit, une bande d’arméniens peut tuer un noir, et la classe politique reste silencieuse.
Imaginons que ce fût le contraire : Quelles déclarations les plus extravagantes sur les dangers de l’immigration n’aurait-on pas entendues !
J’ai personnellement du mal à comprendre pourquoi, en France, quand des arméniens, qui se revendiquent pourtant les victimes d’un génocide, tuent une personne en raison de sa couleur de peau, cela ne choque personne, personne ne réagit.

De fait, nous avons été pratiquement la seule organisation à faire entendre notre voix.

Nous avons tout de suite demandé à la diaspora, aux africains, de réagir, de partager l’information. Nous avons envoyé des communiqués de presse aux medias pour qu’ils relaient l’information, puis nous avons organisé une manifestation que nous avons coordonnée avec les associations de la ville. Malheureusement l’un des africains responsables d’association était un élu, proche collaborateur du maire. Alors, les associations, qui sont soutenues par la Mairie, ont cherché à masquer le caractère raciste négrophobe du meurtre. Malheureusement pour eux, nous avons aujourd’hui une puissance sur les réseaux , et quand on déclenche une affaire, elle prend de l’ampleur, et ils ne peuvent plus l’étouffer.

Nous avons tout de même pris la parole, et l’ambassadeur de Gambie a été reçu par les autorités.

MEF : Pourquoi vouloir dénier à cette affaire le caractère de crime raciste ?

Gaël Perdriau – Maire de Saint-Etienne

Egountchi Behanzin : Le maire de Saint Etienne a donné des consignes pour qu’on ne donne pas la parole à la Ligue de Défense Noire Africaine. Et on a très vite compris pourquoi. Des arméniens, qui se disent victimes d’un génocide et qui commettent un crime raciste, ça fait tache. Et le maire de Saint Etienne protège son électorat. La communauté arménienne est très puissante dans la région de Saint Etienne. Voilà pourquoi ce maire a tout fait pour que ce meurtre ne soit pas reconnu comme une affaire de racisme, de négrophobie, mais comme une simple violence commise par des gens alcoolisés.
Pourtant, poignarder une personne en lui proférant des insultes négrophobes, lui asséner des coups de pieds dans la tête lorsqu’il est au sol, empêcher les témoins de lui porter assistance, si c’est une simple violence, alors je ne sais pas ce qu’est un crime raciste !

Je dois ajouter qu’aujourd’hui encore, le corps de Youssoupha n’est toujours pas rapatrié. Hier, nous étions avec l’ambassadeur, qui ne cesse de relancer la justice française, mais c’est le silence absolu. Nous avons toutefois quelques soupçons sur la raison pour laquelle le corps n’est toujours pas rendu à la famille.
Il existe en effet en France une loi qui fait que ,lorsque vous signez pas de votre vivant un papier demandant qu’on ne prélève pas vos organes, automatiquement, l’Etat français a le droit de le faire. Il y a donc de fortes présomptions pour que, si le corps de Youssoupha n’a pas été rendu à la famille c’est que des organes ont été prélevés de son corps. Nous demandons le rapatriement du corps, car Youssoupha est musulman, et il est très important pour les musulmans d’enterrer dignement leurs morts.

MEF : Parlez-nous de la LDNA, qui semble être dans le collimateur des autorités française.

Egountchi Behanzin : Les autorités françaises ne nous aiment pas trop. Ils nous accusent d’être des extrémistes, des racialistes, des suprémacistes noirs.

La LDNA, est une organisation internationale de défense des africains et des afro-descendants. Nous apportons assistance et nous défendons les personnes d’origine africaine qui sont victimes de discrimination dans le monde. Nous luttons contre la negrophobie, contre le néo-colonialisme et la politique impérialiste de la France .
Mais nous avons aussi une banque alimentaire qui apporte de l’aide aux familles en état de précarité. Nous faisons du social et de l’humanitaire. La LDNA est une organisation panafricaine. Nous oeuvrons pour le respect de notre communauté, et nous disons que le respect ne se quémande pas, il s’impose.

Quand nous débarquons quelque part, je l’admets volontiers, cela peut en effrayer certains. Mais nous n’avons jamais frappé personne ! Nous nous plaçons juste dans le cadre de la légitime défense. Lorsqu’on attaque notre communauté, nous répondons. C’est vrai, quand on nous frappe sur la joue droite, nous ne sommes pas du genre à tendre la joue gauche. Nous ripostons. mais nous n’agressons personne ! On nous accuse parfois d’être extrémistes. Mais la vérité est toujours extrémiste ! Quand on dit la vérité, ça dérange toujours. S’ils veulent nous empêcher de nous défendre, alors il faut aussi qu’ils aillent voir dans les autres communautés qui nous agressent et qu’ils leur apprennent aussi la non-violence.

Mais nous, nous subissons tout le temps, et tout ce qui nous reste, c’est notre dignité.

MEF : Etes-vous une organisation politique ?

Egountchi Behanzin : Nous avons une conscience politique. La pire des choses est d’être un analphabète politique. Nous disons qu’il faut mettre en place un dispositif législatif et social pour lutter contre le racisme et la négrophobie. et punir les discriminations. Il y a aujourd’hui un vide juridique .
Nous ne voulons pas des méthodes comme celles de SOS Racisme ou de la LICRA qui sont là pour endormir les gens. On ne demande pas qu’on fasse voter des lois pour qu’on puisse aller en boîte de nuit pour danser. Moi, ce que je subis en tant personne noire, ce sont les obstacles à l’accès à l’emploi, au logement, c’est de ça dont j’ai besoin pour me sentir un être humain. Ce n’est pas d’aller en boite pour danser qui compte dans ma vie en tant qu’être humain.
Aujourd’hui, l’état français, la classe politique, doivent prendre leurs responsabilités parce qu’ils se rendent complice de fait de cette montée des discriminations, de ces actes de racisme qui augmentent en France.
Lorsque quelqu’un veut déposer une plainte, on ne la prend pas en compte… du moins jusqu’à ce qu’on arrive !
Les autorités avaient pris l’habitude de culpabiliser les victimes, de les accuser d’attitude « victimaire ». Mais ce n’est pas aux victimes d’arrêter de faire les victimes, ce sont aux agresseurs d’arrêter d’être des agresseurs, ou même, d’ailleurs, de se positionner eux-mêmes en victimes.
C’est faire de la victimisation le fait de refuser d’être une victime consentante, de dénoncer, de demander que les lois qui existent soient simplement appliquées ? Cela dérange les gens ? Considèrent-ils que les noirs ne souffrent pas, qu’ils ne ressentent pas la douleur, qu’ils doivent se taire ?
Non il faut utiliser le pouvoir politique. Nous disons aux noirs : n’attendez pas que les politiques fassent les choses pour vous, faites-le vous-mêmes, structurons notre espace politique. Allons où les décisions se prennent. C’est comme cela que nous pourrons faire changer les choses.

MEF : Qu’avez-vous à dire à ceux qui n’appartiennent pas à la communauté noire ?

Egountchi Behanzin : Nous invitons les personnes qui nous découvrent à prendre le temps de nous connaitre.. Prenez le temps de regarder nos actions, prenez le temps de venir parler avec nous
Ne soyez pas dans le jugement, N’écoutez pas les médias d’extrême droite qui nous diabolisent. Venez voir ce qu’est la LDNA, vous verrez que ce n’est pas ce que la droite, ou la DGSI essaie de propager. Vous tous qui vous levez contre l’injustice, vous êtes nos frères. Et c’est pour cela que je dis : tous les noirs ne sont pas nos frères, parce qu’ils sont noirs, et tous les autres ne sont pas nos ennemis.

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