Il existe un tabou en France : celui d’oser insinuer que les électeurs qui ont fait un choix aberrant ont perdu la raison. Comme si la sottise, souvent qualifiée d’universelle, ne l’était plus dès qu’il s’agit de politique.
Soit. Mais n’avons-nous pas raillé en son temps ces Américains qui ont gobé la fable des armes de destructions massives irakiennes ? Ne nous sommes-nous pas interrogés sur la responsabilité du peuple allemand pendant la période nazie ? Et, dans un domaine plus léger, que pensons-nous de ces jeunes qui idolâtrent les vedettes éphémères fabriquées par les émissions de télé-réalité ou les fashion-victims des industriels de la mode ?
La peur, l’envie de faire comme les autres, le besoin de recevoir des réponses simples, voire simplistes, à des problèmes complexes, tout cela concourt à aliéner sa capacité de réflexion au profit de l’effet de masse. C’est ce qui a fait dire à Albert Einstein « Ceux qui prennent plaisir à défiler derrière une musique militaire sont pour moi objet de mépris, le cerveau leur a été donné par erreur, une moelle épinière leur aurait suffit », et « Je ne connais que deux choses qui soient infinies : l’univers et la bêtise. Et encore, pour l’univers, je ne suis pas sûr ».
Nicolas Sarkozy, auquel Patrick Buisson avait inspiré l’idée d’une « union des droites », avait commencé, puis à sa suite François Hollande et son âme damnée Manuel Valls, à distiller l’idée que la civilisation européenne, et la France en particulier, était mise en péril par la présence massive d’individus pas tout à fait « blancos », pour reprendre le terme du même Manuel Valls. Puis, ce que ses prédécesseurs avaient initié, Emmanuel Macron l’a achevé, avec Gerald Darmanin, l’Iznogoud du Calife élyséen. Chaque soir, à l’heure du dîner, les medias, voix de leurs maîtres, milliardaires suprémacistes agitant leurs marionnettes à fils télévisuelles, se sont invités aux tables familiales pour distiller le poison d’une patrie supposément menacée par des immigrés, des arabes, des musulmans qui nourriraient le noir dessein d’engloutir et digérer nos églises, nos villages, nos belles valeurs républicaines. Terrorisée, la France profonde a fini par donner du crédit à ces élucubrations quotidiennement martelées par des journalistes à la petite semaine et des philosophes de pacotille. Elle a fini par être convaincue que seule l’amazone Lepenix accompagnée de son barde, pourrait sauver la Gaule menacée.
Bizarrement, les villes qui comptent le moins d’immigrés sont celles où le Rassemblement National a fait le meilleur score. Alors, doit-on considérer les électeurs du RN comme des victimes innocentes du pilonnage médiatique et leur accorder les circonstances atténuantes, ou doit-on considérer que la naïveté et l’ignorance ne peuvent constituer une excuse à l’ignominie ? L’histoire nous enseigne pourtant que les pires dictatures ont usé de la peur et de la colère pour faire des peuples les complices de l’inacceptable. Mais voilà, le passé s‘oublie. « Un peuple qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la revivre ». Pourtant, maintes fois reprise, par Churchill comme Karl Marx, cette vérité aurait-elle été aussi oubliée ?