LÉGISLATIVES 2022 : UN 2ÈME TOUR-SANCTION POUR EMMANUEL MACRON ?

En 2017, l’état de grâce avait joué pleinement. Entraînés par une victoire sans appel aux présidentielles, les candidats En Marche, porteurs d’un programme social et rassembleur, l’avaient emporté massivement et avaient donné la majorité à un parti à peine sorti des fonds baptismaux.

Mais très vite, les premières erreurs (baisse de l’APL, augmentation du prix de l’essence) avaient donné aux Français le sentiment que la promesse du candidat d’être à l’écoute du peuple, et en particulier des plus faibles, ne serait pas tenue. Le choix d’Emmanuel Macron d’orienter délibérément sa politique à droite, notamment avec la nomination au poste-clé de ministre de l’intérieur du sarkozien Gérald Darmanin, a fait perdre à la majorité le soutien des électeurs de centre gauche qui avaient fortement contribué à son élection.

La réponse violente aux manifestations et au mouvement des gilets jaune, les fautes de communication de l’Elysée, ont fait vaciller le pouvoir avant « l’aubaine » de la crise du COVID qui a donné un répit au Président de la République, lequel a sans doute cru que l’orage était passé après sa nette victoire sur Marine Le Pen.

Mais les effets COVID se sont vite estompés devant les réalités de la situation des Français, devenue de plus en plus précaire. Beaucoup d’analystes avaient prédit que la droitisation de la politique présidentielle aurait pour effet d’une part de légitimer les discours identitaires, donc de favoriser les votes envers la droite anti-macroniste, et d’autre part de mobiliser la colère des électeurs de gauche s’estimant trahis en regard des promesses faites lors de l’élection de 2017.

C’est sans doute ce qui vient d’arriver à l’occasion du premier tour des législatives, avec la percée inattendue du rassemblement des gauches au sein de la NUPES, et le score moins catastrophique que prévu des LR et RN.

Résultat, pour le mouvement présidentiel « Ensemble !», la majorité absolue n’est plus du tout assurée, et même dans le cas où elle l’atteindrait, Emmanuel Macron devra composer avec une gauche désormais devenue incontournable.

Si Ensemble ! arrive en tête, mais sans atteindre la barre des 289 sièges, Emmanuel Macron ne disposera alors que d’une majorité relative à l’Assemblée nationale. Dans cette situation, qui a été celle de Michel Rocard de 1988 à 1991, la gauche n’ayant pas obtenu la majorité absolue après la réélection de François Mitterrand, le chef du gouvernement pourra avoir recours à l’article 49.3 qui permet au gouvernement d’adopter un texte sans le soumettre au vote de l’Assemblée. L’opposition peut alors déposer une motion de censure et faire tomber le gouvernement. Cette méthode a été utilisée 28 fois par Michel Rocard, sans que jamais une motion de censure n’ait aboutie. Il serait étonnant qu’il en soit autrement cette fois-ci.

Si le 49.3 permettrait à Emmanuel Macron de poursuivre ligne qui s’est fixée, cela ne ferait que renforcer le sentiment de nombre de Français que Macron s’accroche à sa méthode « super-présidentielle » et s’éloigne de plus en plus de leurs réelles préoccupations.

Et l’abstention ?

L’abstention a finalement été le grand vainqueur du premier tour, avec un record de 52,49 %, dépassant celle de 2017 (51,3 %).

Pourquoi, alors que les manifestations, les grèves commencent à se multiplier dans le pays, les électeurs ne viennent pas aux urnes pour concrétiser, soit leur refus, soit au contraire leur soutien, à la politique présidentielle ?

Deux raisons principales.la première correspond à ce qu’on appelle, dans les nouvelles maladies professionnelles, le « brown out », c’est à dire le sentiment que ce que l’on fait ne sert à rien. Chez les jeunes en particulier, l’opinion qui consiste à considérer que voter est inutile, que, de toutes façons, quel que soit le résultat du scrutin, la politique sera la même, fait son chemin. Il est vrai que des « douches froides » comme le référendum sur la constitution européennes de 2005 où les Français ont eu le sentiment que l’on n’avait pas tenu compte de leur volonté, ont été meurtrières pour « l’esprit républicain ».

La deuxième raison avancée par les abstentionnistes est qu’ils n’estiment qu’aucun des candidats en lice n’est légitime à les représenter. Cette constatation soulève la question de la politique politicienne, de la « politique-spectacle » où les intérêts de citoyens passent au second plan derrière les ambitions personnelles et les effets de manche. Les débat télévisés désastreux, où les politiciens s’interrompent et se livrent à des joutes de bons mots et de « petites phrases » sont également de nature à délégitimer la vie politique.

Les jeunes sont ceux qui ont le moins voté. Jusqu’à 70 % des moins de 35 ans ne se sont pas déplacés et l’abstention reste très élevée (59 %) dans la tranche d’âge 35-49 ans.Les partis qualifiés pour le second tour n’ont qu’une semaine pour rassurer les électeurs et les mobiliser. Ce ne sera pas tâche facile.

« Ensemble !» sauvé par le découpage électoral ?

La majorité sortante sous l’étiquette Ensemble ! a obtenu 25,75 % des voix, soit 21 442 voix de plus que la Nupes (LFI, PCF, PS et EELV) rassemblée derrière Jean-Luc Mélenchon (25,66 %), sur 23,3 millions de votants.Un score d’ailleurs contesté par le camp Mélenchon qui accuse le ministère de l’intérieur d’avoir sciemment minoré le résultat de la Nupes en ne comptabilisant pas, sous la bannière du rassemblement, tous les candidats qui s’en réclament. Le journal Le Monde avait d’ailleurs décidé de rectifier de lui-même ces chiffres en attribuant à la Nupes le score de 26,10 %, contre 25,81 % pour « Ensemble ! », soit un écart de 66 000 en faveur de la gauche. Toujours est-il que c’est la première fois qu’un parti présidentiel rassemble au 1er tour moins de voix que le président élu. La polémique a fait dire à Elisabeth Borne : « Quand Jean-Luc Mélenchon prétend vouloir être Premier ministre, c’est surtout le premier menteur », ce qui, accessoirement, a provoqué l’ire des internautes, lassés d’entendre ceux qui prétendent les représenter se livrer à ces « punchlines » qui devraient, selon eux, rester l’apanage des rappeurs.

Selon les sondages, le camp Macron devrait tout de même l’emporter au second tour, avec une fourchette de 255 à 295 sièges, devant la Nupes, qui obtiendrait 150 à 210 sièges sur les 577. Ensemble ! espère même conserver la majorité absolue, fixée à 289 députés, ce qui lui permettrait d’éviter de composer avec d’autres groupes pour faire adopter les textes de l’exécutif.

Mais rien n’est joué, les sondages jouent au yoyo, semant de plus en plus le doute sur le résukltat final. qLes deux grandes inconnues étant le taux d’abstention et le report des voix.

Des ministres à la peine

Symboles du divorce entre les Français et la macronie, deux anciens ministres, Jean-Michel Blanquer et Emmanuelle Wargon, ont été éliminés dès le premier tour. La ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Amélie de Montchalin, et le ministre des affaires européennes, Clément Beaune sont en ballottage défavorable.Un seul député sortant de la majorité, Yannick Favennec-Bécot, est réélu au premier tour dans la Mayenne., tandis que quatre candidats de la Nupes, tous issus de La France insoumise, l’ont emporté : Danièle Obono, Sophia Chikirou, Sarah Legrain et Alexis Corbière.
Autre grand perdant de ce premier tour, Eric Zemmour, éliminé dans le Var. Quant au Rassemblement National, s’il est loin d’avoir obtenu le score qu’il espérait, il peut néanmoins s’attendre à disposer d’un groupe parlementaire à l’Assemblée.

Quel report des voix pour le second tour ?

Jean-Luc Melenchon veut d’abord compter sur ses propres électeurs, les appelant à « déferler » dans les bureaux de vote pour rejeter « les projets funestes de la majorité de Macron ».

Côté « Ensemble ! », si le parti présidentiel cherche, lui aussi, à mobiliser ses troupes, Olivia Grégoire, porte-parole du gouvernement, a affirmé qu’en cas de duel RN/Nupes, : « pas une seule voix » ne doit aller au « Rassemblement national », « c’est la position de la majorité présidentielle » a-t-elle ajouté.

Quant au parti « Les Républicains », qui n’a recueilli que 11,29% des suffrages, il ne donnera pas de consigne de vote au second tour des législatives si ses candidats sont éliminés au premier.

Quid du vote des musulmans

Que cela soit bioen clair, il n’existe pas de vote communautaire en France. Les Musulmans votent exactement comme le reste des Français. Sauf que la politique de Darmanin, les propos identitaires de l’extrême droite, ont commencé à faire naître chez les musulmans un véritable sentiment d’appartenance. Comme dans le reste de la France, l’abstention a été majoritaire dans la « communauté ». Pour le deuxième tour, on retrouve cette dichotomie, entre ceux qui considèrent qu’aucun candidat ne propose une politique juste à l’égard des musulmans, qu’aucun candidat n’est vraiment clair sur la définitio de la laïcité, et ceux qui estiment qu’il est important de voter pour écarter définitivement ceux qui affichent, clairement ou de façon subliminale, leurs intentions islamophobes.

Il est toutefois temps que les citoyens français de confession musulmane se comportent comme des citoyens à part entière et prennent part concrètement et activement à la vie politique de leur pays. Sinon, ils perdront la légitimité à se plaindre. L’argument, parfois entendu de la bouche même de certains imams, que le vote est un droit et non une obliation ne tient pas. Le vote est d’abord un devoir. Ne pas se soumettre à son devoir électoral, c’est s’écarter de soi-même de la vie sociale.

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