LE CONFLIT DU HAUT-KARABAGH : LES CLÉS POUR COMPRENDRE

Depuis le 27 septembre 2020, de violents combats opposent l’armée azerbaïdjanaise et les forces arméniennes pour le contrôle du Haut Karabagh, une petite région d’Azerbaïdjan, dont la population arménienne a déclaré l’indépendance, avec le soutien de la République d’Arménie.
Pas facile de se repérer dans un conflit qui oppose deux ancien états de l’ex-URSS, et qui mêle rivalités politiques, problèmes ethniques, interventions de puissances extérieures, sur fond de guerre économique. Le fait que le différend oppose un pays chrétien mono-ethnique, et un pays laïque, pluri-ethnique, mais à majorité musulmane, ne fait qu’obscurcir la perception que nous pouvons en avoir ici, en occident.
Nous allons tenter d’y voir plus clair, en examinant chacune des facettes de ce conflit.

LA NAISSANCE DES DEUX ÉTATS

Ces deux pays de Transcaucasie sont nés à la suite d’une série de conflits liés à la situation inextricable provoquée par la première guerre mondiale et la chute de l’Empire Ottoman, puis par la révolution d’Octobre. Peuplée d’ethnies différentes, imbriquées les unes dans les autres, mais à forts héritages culturels, cette région a été le théâtre de nombreux affrontements, notamment entre les populations arméniennes, azéries, et géorgiennes, la Turquie Kémaliste, et la Russie bolchévique.

La République d’Arménie


Après la proclamation d’une première République en 1918, l’Arménie est entrée dans le giron soviétique au mois de décembre 1920. Après le démantèlement de l’URSS, L’Arménie devient définitivement indépendante le 21 septembre 1991. La République d’Arménie possède un régime parlementaire et est présidée par Armen Sarkissian. Mais l’homme fort est, depuis 2018, le premier ministre Nikol Pachinian.
La République arménienne compte environ 3M5 habitants, et son économie est essentiellement agricole. Elle possède peu de ressources naturelles, et son industrie est concentrée sur la capitale Erevan. L’Arménie dépend totalement de ses partenaires économiques : la Russie et l’Iran.
Politiquement, le pays est très enclavé, et entretient des relations conflictuelles avec la Turquie, l’Azerbaïdjan, la Pakistan. Ses alliés sont la Russie, et, de plus en plus, l’Iran. Militairement, elle bénéficie de la protection de la Russie, et son armée est surtout dirigée contre l’Azerbaïdjan, en raison, notamment, du conflit du Haut-Karabagh.

La République d’Azerbaïdjan

Le 28 mai 1918, la première République azerbaïdjanaise, la « République Démocratique d’Azerbaïdjan » est proclamée indépendante. Il s’agit, avant même la Turquie, du premier régime laïc et démocratique dans le monde musulman. La constitution reprend les principes fondamentaux en usage en occident, comme la création d’un parlement, la garantie de droits et libertés individuels, ainsi que, en avance sur l’occident, le droit de vote des femmes.
23 mois après, toutefois, le pays est occupé par l’Armée Rouge et entre dans le giron soviétique.
Après l’effondrement de l’URSS, la République d’Azerbaïdjan est proclamée le 30 août 1991.
L’Azerbaïdjan compte 10,25 M d’habitants, sa capitale est Bakou. Elle est présidée par Ilham Aliyev.
Le pays possède d’importantes ressources en hydrocarbures, notamment le pétrole de la mer Caspienne, et son économie est en forte croissance. Sa position géostratégique en fait un véritable carrefour entre l’Est et l’Ouest. Il entretient de fortes relations diplomatiques avec ses voisins : Turquie, Iran, Russie, mais aussi les pays de l’Union Européenne.


AZERBAÏDJAN-ARMÉNIE – LES ORIGINES DU CONFLIT


L’opposition entre les deux communautés remonte à la Russie Tsariste, qui favorisa, dès le XVIIIe siècle, l’implantation des arméniens chrétiens en Caucasie du Sud pour servir de contrepoids à l’influence des puissances musulmanes voisines, perses et ottomanes.
Lors de la proclamation de la République d’Azerbaïdjan en 1918, il existait une forte présence azérie en Arménie, et une présence arménienne en Azerbaïdjan, notamment dans le Haut-Karabagh, où elle composait 70% de la population. Celui-ci faisait partie intégrante de la République d’Azerbaïdjan, telle qu’elle fut reconnue par les puissances alliées.
Dès lors, le Haut-Karabagh va faire l’objet de luttes incessantes entre l’Arménie, qui souhaite l’annexer, et l’Azerbaïdjan, qui souhaite défendre l’intégrité de son territoire.
En 1987, la République arménienne expulse de son territoire les populations non arméniennes (azéries, russes, juives, etc…). 250 0000 réfugiés rejoignent ainsi l’Azerbaidjan.
Dès la chute de l’URSS, l’Arménie réitère ses revendications sur le Haut-Karabagh et soutient les revendications indépendantistes de sa population arméniennes. Soutenus par l’armée arménienne, les indépendantistes expulsent les habitants non-arméniens de la région, sans que la Russie n’intervienne. En 1994, un cessez-le-feu est conclu, qui aboutit à l’occupation, par les troupes arméniennes, du Haut Karabagh et de 7 régions environnantes. Ce cessez-le feu, demandé par la Russie, ayant pour objectif de faire taire les armes avant d’entamer les négociations entre les deux pays. Mais le Haut-Karabagh proclame unilatéralement son indépendance, alors que l’ONU confirme la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur l’ensemble de ces régions.


L’AZERBAÏDJAN RÉCLAME LE RESPECT DES DÉCISIONS DE L’ONU


La résolution 822 de l’ONU du 30 avril 1993 réaffirme la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur les territoires occupés et demande le retrait des forces arméniennes. Les résolutions 853 du 29 juillet 1993, et 874 du 14 octobre 1993 réitèrent cette demande.
En 2008, l’Assemblée Générale de l’ONU adopte la résolution 62/24338 appelant «  à respecter et soutenir la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République d’Azerbaïdjan à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, exige le retrait immédiat, complet et inconditionnel de toutes les forces arméniennes des territoires occupés de la République d’Azerbaïdjan et réaffirme le droit inaliénable des personnes expulsées de ces territoires occupés de retourner chez elle, soulignant la nécessité de créer les conditions propices à son retour. »
Le Parlement Européen adopte quant à lui plusieurs résolutions (20 mai 2010, 18 avril 2012, 23 octobre 2013 et du 9 juillet 2015, condamnant l’occupation militaire des régions concernées.
Enfin, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), constate, dans son arrêt du 16 juin 2015, l’intervention et la présence illégales, au regard du droit international de l’armée arménienne sur le territoire de l’Azerbaïdjan.
Pour l’Azerbaïdjan, le refus de la République arménienne d’accepter ces résolutions, est la preuve que celle-ci ne souhaite pas réellement négocier, mais « joue le temps » pour s’installer durablement dans les territoires occupés.
Le Groupe de Minsk est créé en 1992 par la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (aujourd’hui OSCE : Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), pour servir de médiateur entre les acteurs du conflit. Co-présidé par la France, la Russie et les USA, il échoue toutefois à trouver une issue à la situation. En réalité, le groupe de Minsk est plus préoccupé à éviter que le conflit ne s’étende aux pays voisins et déstabilise toute la région, qu’à trouver une réelle solution au problème du Haut-Karabagh.
Face à l’impasse, le président azeri Ilham Aliev adresse, le 27 septembre, un ultimatum à l’Arménie et lui demande de quitter immédiatement les territoires occupés. S’ensuit le début d’un conflit qui, étant donné la position stratégique des belligérants, dépasse politiquement le cadre local.


UNE GUERRE QUI MET EN PÉRIL L’ÉQUILIBRE DE LA RÉGION

Guerre du Haut-Karabagh
Attaques arméniennes sur l’Azerbaïdjan


Alors que l’armée azerbaïdjanaise vise les positions des forces armées arméniennes dans les régions occupées, les missiles tirés depuis la République d’Arménie sont dirigées vers des cibles civiles et économiques situées jusqu’à plus de 350 km à l’intérieur du territoire azerbaïdjanais, et notamment les centrales d’énergie. Le message est clair : « Nous avons les moyens d’atteindre le coeur de votre économie ». Il s’agit là d’une menace qui risque de mettre en cause l’équilibre de la région, et à laquelle les pays voisins : Russie, Turquie, Iran, sont naturellement particulièrement sensibles, mais aussi l’ensemble des partenaires économiques de l’Azerbaïdjan.
A leur tout, les forces armées azéries ont entamé une reconquête des territoires occupés, et se disent prêt à toute forme de négociation, à la condition préalable que le Haut-Karabagh et les régions environnantes soient entièrement libérées de la présence des forces armées arméniennes.


UNE GUERRE DES MEDIAS


On le voit, la situation sur le terrain est complexe, et parfois peu lisible. Une difficulté de lecture accentuée par la perception qu’en donnent les medias et politiques européens, et notamment français. Sans faire de procès d’intention, on ne peut que constater que la forte présence arménienne en France exerce sur l’opinion publique une influence que ne possède pas ce pays éloigné qu’est l’Azerbaïdjan. La diaspora arménienne forme une communauté très bien organisée de de 700 000 personnes, qui compte en son sein de nombreuses personnalités et de puissants vecteurs médiatiques, Les arrières-pensées électoralistes ne sont pas non plus sans influence dans la manière dont les élus se positionnent par rapport à la question du Haut-Karabagh. Dans les villes comme Alfortville, Marseille, Lyon, des collectes et des convois, soutenus par les élus locaux, sont organisés en soutien aux populations arméniennes.
La vision que l’on a de ce conflit est également entachée pat les campagnes politiques et médiatiques actuelles relatives à la place des musulmans en France. Le conflit est souvent vécu, de manière subliminale, comme celui d’un pays chrétien face à un pays musulman, alors que l’attachement de la France à la laïcité pourrait l’inciter au contraire à soutenir le premier pays laïc du monde musulman.

DERNIÈRES NOUVELLES

Le 17 octobre vers 01h00, une attaque de ’armée arménienne à la roquette sur des zones peuplées dans la partie centrale de Gandja, a fait 12 victimes et plus de 40 blessés. De nombreuses infrastructures et véhicules civils ont été gravement endommagés.

https://www.lepoint.fr/monde/frappe-sur-une-zone-residentielle-de-la-deuxieme-ville-d-azerbaidjan-17-10-2020-2396785_24.php

https://www.ledauphine.com/defense-guerre-conflit/2020/10/17/azerbaidjan-12-morts-apres-une-frappe-sur-la-deuxieme-ville-du-pays

https://actu.orange.fr/monde/frappe-sur-une-zone-residentielle-de-la-deuxieme-ville-d-azerbaidjan-CNT000001uaZ0p.html

https://actu.orange.fr/monde/frappe-sur-une-zone-residentielle-de-la-deuxieme-ville-d-azerbaidjan-CNT000001uaZ0p.html

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