Par Abdeljallil ASMAR
Le moins qu’on puisse dire est que la gestion française de l’épidémie n’est pas une réussite. Tandis que d’autres pays déverrouillent les libertés, ici, on referme les commerces, on mène les restaurants à la faillite, on jette les réfractaires en prison. L’Etat-providence se montre incapable d’assurer les vaccinations massives, échoue à rattraper la casse des hôpitaux entamée depuis une décennie, et maintient au sein de la population un climat de peur panique, quitte à travestir les chiffres fournis par les épidémiologistes. (voir l’article de Mediapart).
Dans le même temps, les violences conjugales explosent, la délinquance devient incontrôlable, les élèves sont privés des moyens d’apprendre, les étudiants plongent dans la précarité, mendiant leur pitance à la soupe populaire.
Par bonheur la tradition française a toujours offert toujours à ses capitaines en détresse une redoutable parade à la déroute : le bouc émissaire.
Après bien d’autres, ce sont aujourd’hui les musulmans qui font les frais des errances de l’Etat, et parmi eux, comme toujours, ce sont les femmes que l’on place en première ligne.
Le Senat est en train de débattre d’un amendement au projet de loi sur le séparatisme, aux termes duquel seraient interdits le port du hijab dans l’espace public pour les mineures de 18 ans, le burkini dans les piscines publiques et le foulard pour les mères accompagnant leurs enfants en voyage scolaire.
Loi sur le « séparatisme » débat autour d’un pré-texte
De l’étranger, cette nouvelle croisade de petit roi suscite l’ahurissement. Comment un simple foulard peut-il être présenté comme une insulte à la République ? Va-t-on verbaliser une parisienne avec son fichu, va-t-on peindre des cheveux sur les statues de la Vierge Marie, comme on plaçait pudiquement une feuille de vigne au bas-ventre des sculptures antiques ? Bien sûr que non. Le foulard n’est indigne que s’il est porté par une musulmane.
Tout le monde aurait donc le droit de se couvrir la tête… sauf les musulmanes.
Car si le hijab est devenu l’obsession des politiciens français, c’est qu’elle rend la femme musulmane visible en tant que telle.
Les mesures anti-hijab apparaissent ainsi comme un prétexte grotesque pour discriminer, une fois de plus, une partie du peuple français.
Dès lors qu’on peut l’identifier, la femme musulmane n’a donc pas sa place dans l’espace public. Pendant la collaboration, les juifs, marqués au revers de la veste, étaient exclus des cinémas, des théâtres, des musées, et des piscines et des plages. L’altérité, la différence, un « problème » que, selon le Ministre de l’Intérieur, Napoléon avait à juste titre soulevé… et que d’autres tentèrent de résoudre de manière définitive.
Et celles et ceux qui jurent de leurs grands dieux auxquels ils ne croient d’ailleurs pas, qu’il ne s’agit pas d’ostracisme, mais de défense des valeurs républicaines, ne font que jeter une chemise brune sur les épaules de Marianne.
Plus consternant peut-être encore, est le discours affligeant de celles et ceux qui emboîtent les pas de bottes, offrant, par leurs discours ambigus, une caution ethnique aux délires ostracistes des théoriciens du « grand remplacement », du « laïracisme » ordinaire. Ceux qui joignent leur voix aux négationnistes qui cherchent à nier le fait islamophobe en en contestant le nom, s’imaginent peut-être, puisque la Bible affirme que les choses sont créées en leur donnant un nom, que taire celui-ci suffirait à les effacer. Peine perdue : l’islamophobie est innommable.
Le Sénat, les caciques de la droite en tête, souhaite bannir de l’espace public les filles de moins de 18 ans qui portent le hijab. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Les jeunes filles ne vont pas abandonner leur façons d’être, qui dérange qui, d’ailleurs ? Elles ne pourront plus sortir, simplement. Belle démonstration d’amnésie simulée, que l’argument récurrent qui consiste à présenter l’islam comme une religion misogyne, quand on connait la guerre qu’ont dû mener les femmes contre les hérauts de la République qui contestaient aux sexe qu’ils s’acharnaient à qualifier de faible, le simple droit d’élire les représentants du peuple.
Le texte de loi propose ainsi « l’interdiction en l’espace public de tout signe religieux ostentatoire des mineurs et de toute tenue vestimentaire qui signifierait une infériorisation des femmes sur les hommes. Bruno Retailleau, en petit « Laurent Gerra » (pardon Laurent, c’est juste une métaphore) d’Eric Zemmour, la culture en moins, juge que « Le voile est« sexiste »,« marqueur de la soumission des femmes » et « la bannière du séparatisme ».
Comme d’habitude, la parole n’est jamais donnée aux femmes musulmanes, mais à celles et ceux qui les écartent du coude pour parler en leur nom.
Un projet sexiste dont les féministes sont parfois complices
Interdire aux femmes le port d’un accessoire vestimentaire, voilà un parfait exemple d’une attitude patriarcale où les hommes décident de la façon dont les femmes doivent s’habiller. La police des vêtements pour les femmes est finalement un phénomène assez répandu dans le monde, entre ceux, par exemple, qui imposent aux femmes le port d’un voile, et ceux qui exigent qu’elles le retirent.
Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de coercition, et les uns comme les autres foulent aux pieds les droits et la liberté des femmes, chacun prétendant d’ailleurs agir au nom du respect de celles-ci.
Paradoxalement, l’âge légal du consentement sexuel a été fixé à 15 ans. Techniquement, les décideurs français considèrent donc qu’une femme possède la maturité pour se livrer à un acte sexuel à 15 ans mais doit en avoir 18 pour choisir ses vêtements.
Dans la tradition islamique, le port du voile n’a jamais été lié à l’idée de soumission des femmes aux hommes. Le fait de se couvrir la tête, le port de vêtements « modestes » est, depuis la nuit des temps, toutes spiritualités confondues, une manière symboliques de manifester sa soumission à Dieu. Elle doit d’ailleurs s’appliquer aux hommes comme aux femmes. Cela dit, l’islam permet aux femmes de s’habiller comme elles l’entendent. Une recommandation religieuse n’est pas une obligation qui s’applique à tous.
Le fait, très masculin d’ailleurs, de ne pas tolérer que les femmes se refusent à exhibent leur corps, est d’ailleurs suspecte, au point que l’on peut se demander pourquoi certaines « féministes », y adhèrent aussi aisément. Que les femmes, en se couvrant, prive les hommes du plaisir du voyeurisme, ce qui leur est insupportable.
La loi française a d’ailleurs toujours voulu décider à la place des femmes de la façon dont elles devaient se vêtir,. Et quand la vision des hommes change, il suffit de changer la loi. Jadis embastillées lorsqu’elles offusquaient la pudeur institutionnelle en découvrant quelques centimètres carrés de leur cheville, les voici punies lorsqu’elles souhaitent les cacher.
Ainsi, le burkini est devenu, pour la France, qui se veut féministe, une véritable obsession sur laquelle elle est le seul pays au monde à vouloir absolument légiférer.
Une politique communautariste
La troisième proposition de ce projet de loi qui consiste à interdire aux mères qui portent un foulard d’accompagner leurs enfants lors des sorties scolaires est non seulement stupide mais totalement discriminatoire. Elle porte en elle les ferments du communautarisme, poussant les intéressées, et leurs enfants, punies d’une véritable mort sociale à un repli sur elles-mêmes.
Comment accepter que l’on cherche à rendre invisibles les femmes musulmanes, alors que la liberté religieuse est garantie par notre constitution. Ces discriminations, qui n’ont rien à voir avec les « Lumières » si souvent invoquées, comme les réactions de défense disproportionnées engendrées par le fait que les historiens souhaitent aujourd’hui que l’on porte sur la colonisation un regard bâti sur les faits, sont le signe de la panique qui s’emparent de ceux qui souhaitent construire le ciment de la nation par la haine de l’autre. Cette attitude est une profonde erreur. La France fut grande car elle s’était construite sur sa diversité. Le nationalisme exacerbé de certains milieux politiques ne feront qu’engendrer une France rabourgrie, stérile, incapable d’être, comme elle le fut, le moteur de la création et du progrès.