JEAN TEULÉ EST MORT

J’attendais toujours avec impatience la sortie de son dernier roman. Allait-il être encore plus drôle, caustique, méchant, étonnant, tout cela à la fois ? Ensuite, attablés à l’un de ces petits restos du Marais que nous affectionnions tant, nous parlions de sa prochaine idée. Un sacré moment de plaisir en perspective !

Ces délicieux instants où fusait sa géniale impertinence, nous ne les connaîtrons plus. Jean a pris ses plumes et s’est envolé au paradis des joyeux iconoclastes, bêtement terrassé par une intoxication alimentaire. Lui qui aimait tant la bonne bouffe.

Auteur de bandes dessinées, animateur télé, auteur à succès, Jean Teulé était l’un des meilleurs écrivains de langue française.Ses livres furent tous des best-sellers, même si, souvent, l’intelligentsia littéraire boudait son style iconoclaste, drôle et percutant. Après tout, on ne peut aimer à la fois Houellebecq et Jean Teulé.

Jean Teulé s’inspirait souvent de l’Histoire pour écrire des romans où il prenait le contre-pied de la fameuse réplique du film de John Ford « L’homme qui tua Liberty Valence » : « Quand la légende est plus belle que la réalité, on imprime la légende ». Lui, il imprimait la réalité, toute crue, avec l’irrésistible méchanceté d’un observateur impitoyable, drôle et bienveillant. Car Jean Teulé était l’un de ces humanistes qui croyait en la bonté intrinsèque de l’humanité, et aussi que l’on pouvait rire de tout. Autre temps…

« Je, François Villon » nous raconte un Paris du Moyen-âge impitoyable et nauséabond. « Le Montrespan » nous décrit la cour des aristocrates cocus et des rois bambocheurs et égrillards. « Mangez-le si vous voulez » est un avertissement surréaliste aux dangers de la folie collective. « Charly 9 » nous décrit le Paris épouvantable des guerres de religions, nous prouvant que non, tout n’était pas mieux avant.

Beaucoup de ses livres ont été adaptés en bandes dessinées, au cinéma ou au théâtre. Après Brassens, Coluche, Desproges et Bedos, c’est un nouveau pan de la France libre et impertinente qui disparaît.

Et puis, surtout, nous étions amis.

Reste ses livres. Précipitez-vous. Dévorez tout. La liberté risque de ne plus en voir pour bien longtemps.

Jean-Michel Brun

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