Par Roland LAFFITTE [1]
Entamant, à la fin des années 1980, son œuvre d’historien en s’attaquant aux domaines de la Shoah et de l’antisémitisme, Georges Bensoussan s’est fait, dans les années 2000, avec ses travaux sur l’histoire du Sionisme, un des artisans majeurs de l’instrumentalisation de l’histoire aux besoins de la propagande sioniste, et de l’islamophobie qui en est la contrepartie : à preuve, sa direction sur l’ouvrage collectif Les Territoires perdus de la République [2] paru en 2002, la même année donc que son Histoire intellectuelle et politique du sionisme (1860-1940)[3]. C’est à cette occasion qu’il est devenu célèbre dans le grand public en affirmant que, « dans les familles arabes, l’antisémitisme, on le tète avec le lait de sa mère »[4]. Il fallut la complaisance d’un tribunal correctionnel en 2017 pour ne retenir, dans cette formule aussi odieuse qu’injuste, que la hardiesse stylistique d’une catachrèse[5], cette figure rhétorique d’exagération, en ignorant qu’elle cachait une vraie allégation raciste islamophobe[6].
Concentrons-nous sur le Sionisme. En se conformant à la présentation autovalorisante de ce mouvement politique, Georges Bensoussan considère qu’il s’agit du mouvement national du peuple juif, revendiquant, tout comme le mouvement national palestinien, un partage de la Palestine mandataire en deux États[7]. Mais il refuse l’idée qu’il soit né d’une réaction à la vague antisémite de la fin du XIXe siècle, comme cela fut pourtant manifeste chez Theodor Herzl, qui écrivait son fameux livre, Der Judenstaat, en 1896[8], tandis que les membres du Premier Congrès sioniste se réunissaient à Bâle en 1897[9]. Au fond, tous ces gens auraient, selon l’historien du Sionisme, agi sans avoir conscience de ne marquer que de simples jalons dans la grande histoire du Sionisme, dont le commencement aurait été bien antérieur à eux : « À l’époque des Lumières (Haskala), lit-on sous sa plume, l’unique moyen de préserver l’identité juive fut de lui donner une forme nationale directement héritée de la Révolution française. En ce sens, le sionisme est bien l’enfant légitime de l’histoire européenne »[10]. Certes, le Sionisme n’est pas né d’un coup, il connut des précurseurs[11], au nombre desquels les historiens du Sionisme ont plutôt tendance à placer tous les défenseurs d’une personnalité juive, même quand il n’y a chez eux aucune revendication d’un État juif séparé. Mais la présente étude n’est pas le lieu de réfutation de la thèse de Georges Bensoussan, ce qui a déjà été abordée dans un autre travail datant de quelques années[12]. Et nous verrons plus loin ce qu’il faut entendre par l’expression « forme nationale ».
Aujourd’hui, dans un livre intitulé Le conflit israélo-arabe (1870-1950) et paru en 2023[13], notre l’historien du Sionisme va encore plus loin et n’hésite pas à présenter une nouvelle version du Judaïsme politique. Pour lui, l’État d’Israël ne trouve pas sa source dans le Sionisme européen, mais dans un « mouvement national » né dans le vieux Yishouv, nom hébraïque donné à l’établissement juif en Palestine avant la première aliya, celle de 1882-1903, soit, à ses yeux, bien avant le mouvement national palestinien : c’est en effet, pour lui, « l’irruption du sionisme dans les années 1890 [qui] accélère la cristallisation du nationalisme palestinien »[14], sachant que « l’élite palestinienne s’est longtemps pensée dans la cadre d’un nationalisme arabe centrée pour la Syrie[15] ». Et pour cause ! Jusqu’au démembrement du Bilād al-Šām, la Grande Syrie historique ayant Damas pour capitale, par les Empires français et anglais, opération sanctionnée par la SDN au sortir de la Première Guerre mondiale, les peuples arabes de la région ne se voyaient pas découpés durablement en plusieurs États, comme nous le verrons plus loin dans cet article. Toutefois, en dépit de quelques élans remarquables mais fugitifs, les luttes nationales arabes ne parviendront pas à dépasser cette division. Georges Bensoussan voit dans l’édition des journaux en langue hébraïque Ha-Levanon [« Le Liban »] et Ha-Havatselet [« Le Lys »], en 1863 et 1870, et la création du premier syndicat hébraïque, Hevrat Poalei Tsedek, « l’Association des Travailleurs pour la Justice », en 1874, les marques d’un « réveil de la culture hébraïque qui va donner naissance à une nouvelle question nationale au cœur même de la Palestine »[16].
Le « réveil de la culture hébraïque » dans le Yishouv est-il vraiment proprement autochtone ?
En laissant penser que ce « réveil de la culture hébraïque » en Palestine est un fait proprement et purement séfarade, Georges Bensoussan tord déjà quelque peu les données historiques ou du moins laisse de côté des éléments largement connus. Pourtant, quand il écrit que les Séfarades sont « majoritaires » dans le vieux Yishouv[17], il exprime bien que sont également sur place d’autres Juifs, mais il ne creuse pas le sujet. Effectivement, sont présents en Palestine des Juifs dits Mograbi, venus, comme leur nom l’indique, du Maghreb et notamment d’Algérie, et qui sont probablement autour de 500 vers 1860-1870, en rapport avec le Consulat de France qui revendique leur protection[18]. Surtout, il est aussi de petites communautés de Juifs ashkénazes, venus s’installer avec leur culture nourrie des idées de la haskala[19], notamment selon les deux canaux qui suivent.
Le premier est celui de l’Alliance israélite universelle, qui vint en aide aux Juifs de Palestine, notamment par la création d’écoles et l’aide au développement de l’agriculture. Le second est constitué par l’activité locale du financier britannique de confession juive Moses Haïm Montefiori, qui se rendit à Jérusalem pas moins de sept fois de 1827 à sa mort survenue en 1885, et n’a pas, sur cette période, ménagé sa peine pour aider ses coreligionnaires de Terre-sainte, qui vivaient dans des conditions extrêmement précaires. C’est notamment en 1855 que fut construit sur son initiative le premier quartier juif hors de l’enceinte de la vieille ville de Jérusalem, lequel bénéficiait d’une adduction d’eau et qui fut doté en 1857 d’un moulin permettant aux pauvres de moudre leur propre grain, et s’appellera bientôt quartier de Mishkenōt Sha’ananīm, « Habitations paisibles ». Laissons de côté les démarches de ce philanthrope en 1859 à Constantinople, auprès du sultan AbdülAziz / ᶜAbd al-ᶜAzīz, pour que fussent renouvelés les décrets de protection des Juifs. En 1866, le philanthrope se trouvait bien en Syrie, et tout particulièrement à Jérusalem, pour combattre l’épidémie de choléra qui frappait durement la population. Il était donc présent dans cette ville l’année même de l’édition du journal hébraïque Ha-Levanon [« Le Liban »]. Est-ce vraiment un hasard si cette publication parût en même temps à Londres, Paris et Mayence ? Il est en vérité peu vraisemblable que le « réveil de la culture hébraïque » dans le vieux Yishouv de Palestine fût un phénomène purement autochtone, sans aucune influence juive européenne.
L’« autonomie culturelle » ne mène pas nécessairement à la création d’un État séparé
Georges Bensoussan avance une autre idée, qui est cette fois plus que problématique. C’est, pour lui, « de la Palestine même que naît l’embryon d’un mouvement national que les Sionistes de l’extérieur vont rejoindre avec la première, et surtout avec la seconde aliya[20] à partir de 1904[21] ».
Voilà une assertion bien hardie. Elle change non seulement l’histoire de la Palestine, celle du Judaïsme politique, aussi celle des rapports entre Ashkénazes et Séfarades, contribuant par là à valoriser la contribution à l’histoire de ces derniers, largement méprisés par les premiers. Mais cette présentation des événements historiques traduit une manipulation intellectuelle grossière. Elle est en effet le fruit de l’établissement d’une progression présentant un caractère de nécessité absolue, inéluctable, entre la revendication d’une particularité sur les terrains linguistique et social, celle d’une autonomie culturelle sur le plan politique, puis, sur ce même plan, l’expression d’une revendication nationale présentée comme aboutissant forcément à la création d’un État séparé.
En tant que citoyen français qui s’intéresse à la vie de son pays, Georges Bensoussan avait tout le loisir de mesurer, dans l’exemple de la vie politique de la Corse de ces dernières décennies, le devenir des expressions politiques des étapes successives dont il considère l’enchaînement comme logique et immanquable. Or il se trouve justement que, dans l’Île de Beauté, toutes ces étapes sont formalisées par des mouvements qui peuvent ne pas s’épauler et s’opposer entre eux.
En tant qu’historien, il est vrai qu’ayant passé sous silence les liens entre le Yishouv de Palestine avec le Board of deputies of Bristish Jews présidé par Moses Montefiori, comme avec l’Alliance israélite, Georges Bensoussan n’avait pas besoin d’analyser leurs intentions et leurs buts[22]. Or ce derniers apportent une limite nette à l’horizon du « réveil de la culture hébraïque » des années 1860-1870 en Palestine. Après que les Biblistes britanniques eurent suggéré en 1839 à Henry John Temple, plus connu sous le nom de Lord Palmerston, d’établir en Palestine un État regroupant les Juifs d’Europe sous la houlette de la Grande-Bretagne, le Board se montra plus que réticent en 1842 aux propositions faites à Moses Montefiori par Charles Henry Churchill, l’oncle de Winston, alors représentant du Royaume-Uni en Syrie ottomane, en ce qui concerne l’installation de colonies juives en Syrie et l’établissement de leur « souveraineté au moins sur la Palestine », ceci avec l’appui de la puissance anglaise[23]. Même attitude du côté de l’Alliance israélite. On lit ainsi dans un compte rendu de séance du printemps 1867 : « M. le rabbin Natonek, de Stuhlweissenburg, propose à l’Alliance de provoquer une conférence à Paris pour encourager la colonisation de la Terre-Sainte. Il sera répondu que cette proposition, paraissant faite pour favoriser l’émigration en Palestine, n’est pas d’accord avec la décision du Comité Central qui a pour but unique d’aider le développement de l’agriculture parmi les Israélites établis en Palestine[24]. » Or, cet événement advint alors qu’Ernest de Laharanne, catholique libéral et secrétaire de Napoléon III, venait de recommander de son côté l’instauration d’un État juif à la botte de la France[25]. Dans ces conditions, il n’y avait aucune raison pour que les élites du Yishouv de Palestine prissent une position plus avancée dans leurs revendications que celles de leurs protecteurs européens.
Toujours en tant qu’historien, Georges Bensoussan se devait d’avoir recours au comparatisme, démarche dont on sait qu’elle appartient au b.a-ba de la méthode historique, mais il s’en est dispensé, même quand il a abordé l’histoire du Judaïsme politique. Pourtant, c’est à cette histoire qu’appartient le Bund, abréviation du nom yiddish Algemeyner yidisher arbeter bund in Lite, Poyln un Rusland, « Union générale des travailleurs juifs de Lituanie, de Pologne et de Russie » créée en 1897, soit la même année que le Premier congrès sioniste. Aurait-il évoqué l’expérience de cette organisation, l’historien du Sionisme aurait été obligé de tenir compte de cette donnée historique incontestable : le programme d’autonomie culturelle du Bund, qui mettait particulièrement en avant la langue yiddish, était écrit en opposition radicale au Sionisme. Cela ne constitue-t-il pas la meilleure preuve du fait que la revendication d’un particularisme culturel ne mène pas forcément au séparatisme politique ?[26] Mais Georges Bensoussan n’a visiblement cure de cet élément pourtant décisif pour son propos. En fait, il ne prend ici et là dans l’histoire, comme dans un supermarché, que les ingrédients utiles à sa cuisine propagandiste, et ignore résolument les composants qui viendraient contrarier ses concoctions partisanes.
Consistance du « mouvement national juif »en Palestine, sans le Sionisme
Intéressons-nous à présent au contenu et à la consistance du « mouvement national » né dans le Yishouv de Palestine dont parle l’historien du Sionisme. « On a affaire, selon lui, à véritable mouvement de décolonisation du sujet juif à l’intérieur même de la Palestine dans les années 1860-1870[27] ». Notons que le terme décolonisation fait face ici à celui de colonisation, qui n’est pas entendu au sens premier de « peuplement d’une terre étrangère », « installation de colonies », ainsi que le comprenait l’Alliance israélite universelle dans son Bulletin de 1867 évoqué plus haut, colonies que l’ONU déclare d’ailleurs illégales aujourd’hui en Cisjordanie[28], mais au sens dérivé, second, de « domination » : décolonisation est donc à lire en l’occurrence comme « lutte contre la domination ». Reprenons le fil de la citation : « Décolonisation par rapport à qui ? Par rapport au maître musulman, tout simplement, par rapport à celui qui vous impose la dhimma[29], qui vous impose d’être un citoyen de deuxième zone, avec tout ce que suppose la dhimma[30] ». On doit accorder à Georges Bensoussan que la suppression de la dhimma le 3 novembre 1839 par le tout nouveau sultan Abdülmecit / ᶜAbd ul-Mağid avec le ḥaṭṭi-šerīf de Gulhāné, complété par ceux de 1855 et 1856, ne supprimait pas comme par enchantement chez les Musulmans les mentalités dominatrices multiséculaires bien réelles à l’encontre des Chrétiens et des Juifs[31]. Nous pouvons d’ailleurs mesurer inertie semblable d’une situation de domination dans la société française contemporaine. L’abolition officielle du Code de l’Indigénat en 1946, puis la fin de la colonisation de l’Afrique depuis les années 1956-1962, s’accompagne en métropole, pour les populations issues des anciennes colonies, Noirs, Arabes, Musulmans, etc., de ce que le juriste Patrick Weil nomme un « racisme structurel »[32], et d’autres, comme Jacque Toubon lorsqu’il était Défenseur des droits, « racisme systémique », à savoir un racisme qui s’inscrit dans les relations sociales et dans les pratiques administratives sans pour autant être un « racisme institutionnel »[33], c’est-à-dire une racisme inscrit dans des règles juridiques de l’État. Il est significatif que la simple mention de ces notions attire les foudres des pourfendeurs des idées décoloniales et de la fantasmagorie brumeuse du wokisme[34]…
Précisons la taille du vieux Yishouv de Palestine, considéré par l’historien du Sionisme comme le berceau du « mouvement national » juif en Palestine. Selon le recensement de 1871-1872, la population totale de la Palestine – comprise dans ses limites ultérieures fixés par le mandat de la SDN en 1923 –, s’élevait à 400 000 habitants parmi lesquels environ 11 % de Chrétiens, soit 44 000, et 4 % de Juifs, soit 16 000[35]. Ayons une nouvelle fois recours à l’outil précieux du comparatisme historique, et considérons la situation au Liban voisin de la Palestine, qui faisait lui aussi alors partie du Bilād al-Šām, la Grande Syrie historique centrée sur Damas. Si l’on s’en tient aux données démographiques relevées dans les limites du territoire qui deviendra le Grand Liban en 1920, nous comptons, en 1860, 210 000 Maronites sur 490 000 habitants[36]. Rappelons que c’est au sein de ce groupe confessionnel, qui bénéficiait dans l’Empire ottoman, notamment avec la Moutassafirat, c’est-à-dire le « gouvernement » du sandjak – le district administratif –, du Mont-Liban, d’une certaine autonomie politique, que naquit la revendication d’un Grand Liban. Or cette demande se heurtera encore en 1919 à la volonté de la majorité des autres habitants du territoire de ce Grand Liban institué par le Mandat français.
C’est bien en effet ce on qu’peut juger en considérant le Rapport de la Commission King-Crane, mise en place par les États-Unis au printemps 1919 sur l’idée du président Wilson qui chercha sans succès à la faire endosser par la Conférence de Versailles[37]. Sur le nombre des pétitions reçues par la Commission, le Rapport en dénombrait 203, émanant généralement des populations maronites comptant alors environ 200 000 habitants, qui optaient pour un Grand Liban indépendant, séparé de la Syrie. D’un autre côté, 1062 pétitions se prononçaient contre un Grand Liban indépendant. Émanant plutôt des autres confessions chrétiennes : grecque orthodoxe, grecque catholique et autres, comptant 135 000 habitants, ainsi que des confessions musulmanes : druze, sunnite et chiite, comptant de leur côté 270 000 habitants[38], elles étaient partagées entre la position d’une autonomie dans la Grande Syrie et celle d’une simple région administrative au sein de cette dernière. C’est en s’appuyant sur ces constatations que le Rapport de la Commission préconisait une simple autonomie sans séparation, arguant qu’il y aurait « moins de danger d’une attitude musulmane réactionnaire si les Chrétiens étaient présents en nombre considérable dans l’État, plutôt que largement séparés en dehors de l’État[39] », ceci dans le cadre de la Grande Syrie unitaire sous l’égide de l’émir Faysal[40]. Les Commissaires étatsuniens n’avaient pas compris que ce qui comptait pour les Français, c’était en tout état de cause de privilégier la Communauté maronite à laquelle ils accordèrent, sous le Mandat que leur conféra la SDN de 1919, un Grand Liban séparé de la Syrie et entièrement à la main de cette confession minoritaire.
En comparant une Palestine juive s’élevant à 16 000 habitants en 1870 et, en comptant même les nouveaux immigrants, à quelque 60 000 en 1919[41], et un Liban maronite recensant 200 000 personnes en 1870 et en 1919 (chiffre inchangé), on peut se demander ce que pouvait peser la revendication autochtone d’un État séparé que les Maronites, bien plus nombreux, n’ont pourtant pu obtenir par leurs seules forces. Cela oblige à cette conclusion que c’est l’immigration sioniste, lovée dans les tendances impérialistes des puissances européennes, et en premier lieu de la Grande Bretagne, qui explique la vigueur d’un mouvement séparatiste juif en Palestine. Sans oublier qu’il fait intégrer, dans la puissance de ce dernier, d’abord l’aide de la fameuse Déclaration Balfour du 2 novembre 1917[42], puis l’établissement en 1920-1923 du Mandat britannique sur la Palestine, dont le premier haut-commissaire ne fut autre qu’Herbert Samuel : membre notoire du Zionist Congress of England et l’un des promoteurs, au sein du Cabinet, de l’initiative du secrétaire d’État Arthur James Balfour, il s’empressa, si tôt arrivé en Palestine, de favoriser l’immigration juive, la création d’infrastructures bénéficiant avant tout aux Juifs, et la prédominance de ces derniers dans l’administration locale. Notons que la première session d’al-Mu’tamar al-sūrī al-cĀm, connu sous le nom de « Congrès national syrien », qui s’ouvrit le 3 juin 1919 et visait en particulier à répondre aux questions posées par la Commission King-Crane, votait le 2 juillet plusieurs résolutions dont voici le texte de la 8e : « Nous demandons qu’il n’y ait pas de séparation de la partie sud de la Syrie connue sous le nom de Palestine, ni de la zone littorale ouest, qui comprend le Liban, du pays syrien. Nous souhaitons que l’unité du pays soit garantie contre toute partition, quelles que soient les circonstances[43]. » Il est clair que, devant la réprobation massive des populations arabes, il y a peu de chances qu’un État juif séparé eût pu naître sans l’appui des influents parrains que constituaient les grandes puissances euro-américaines, Russie comprise.
Que penserait-on d’un géographe tout fier de proclamer que la Bièvre, cette petite rivière qui se jetait autrefois dans la Seine au niveau de la Gare d’Austerlitz, et à peine connue des Parisiens depuis qu’elle a été recouverte et noyée dans le collecteur principal des égouts de Paris, n’est pas un affluent de la Seine, mais que c’est au contraire la Seine qui est un affluent de la Bièvre ? On crierait à l’imposture ! Or c’est une opération de même nature à laquelle se livre dans le domaine de l’histoire Georges Bensoussan quand il transforme, contre toute raison, le fleuve du Sionisme en simple affluent de la mince rivière du « mouvement national » né dans le vieux Yishouv de Palestine.
Consistance du « mouvement national juif »autochtone en Palestine et poids du Sionisme
Examinons à présent l’argumentaire qui précède la conclusion de Georges Bensoussan sur l’existence de ce « mouvement national » juif autochtone en Palestine de ce développement : « Il y a cet aspect, si vous voulez, de révolte contre la condition de Dhimmis, qui est au cœur même de la Palestine des années 1870-1880, qui est souvent totalement oubliée. Et c’est ce qui explique que, quand on regarde le réveil culturel de l’hébreu, qui va donner naissance à un souci d’autonomie hébraïque dans cette Palestine-là, on voit qu’en 1914, dans le Yishouv, environ 60-70 000 Juifs pour environ 850 000 habitants, soit en gros 10% de la population, il y a la moitié des 70 000 Juifs du Yishouv à la veille de la Guerre – la Première Guerre mondiale –, parlent hébreu dans la vie quotidienne, c’est cela qui est intéressant[44]. L’hébreu est redevenu une langue maternelle. Eh bien, on a affaire là à une rébellion contre la condition habituelle en Islam qui fait que, et c’est quelque chose qui n’est jamais dit, et quand je le dis, je ne le dis pas par provocation, je ne le dis pas par souci de provoquer qui que ce soit.[45] »
Comment expliquer de tels propos ? Ou bien Georges Bensoussan se prend ici les pieds dans le tapis de la chronologie, ou bien, ce qui est bien plus probable, il mélange à dessein les époques en adjoignant les Juifs nouveaux venus en Palestine à la « lutte anticoloniale » – c’est-à-dire des Juifs du vieux Yishouv contre la domination exercée par les Musulmans avec la dhimma –, pensant donner ainsi plus de poids à son affirmation. Le Sionisme prend avec lui une nouvelle qualité : il devient une lutte contre la domination ottomane. Voilà qui est très audacieux, mais cohérent avec l’affirmation selon laquelle les Sionistes de l’extérieur sont venus « rejoindre » le « mouvement national » né en Palestine. On peut voir là le résultat de ce que l’on pourrait appeler la stratégie du coucou : le gros volatile du Sionisme occupe et parasite le nid du frêle passereau du mouvement culturel juif de Palestine qui combat, à juste titre, l’inertie de la dhimma, et il l’intègre, pour ne pas dire qu’il l’instrumentalise, dans son combat pour l’État juif séparé.
Nous atteignons ainsi un sommet de la mystification. On dénie à la lutte palestinienne contre Israël, que l’on cherche à dévaloriser par tous les moyens, un caractère anticolonial, en affirmant : « L’affrontement entre Israéliens et Palestiniens est disproportionné. Et cet affrontement disproportionné donne l’image au grand public, à la doxa, d’un affrontement colonial, entre colonisateurs et colonisés, alors qu’on est plus du tout dans un affrontement colonial »[46]. Mais, à l’occasion de la lutte contre la dhimma dans l’Empire ottoman, on décerne au coucou sioniste un brevet « anticolonial », plus exactement une médaille de la lutte contre la domination exercée par les Musulmans.
C’est probablement là où l’historien du Sionisme voulait en venir, car il estime que cette lutte se poursuit de toute évidence aujourd’hui, non plus désormais contre l’Empire ottoman, mais contre la Résistance palestinienne… « La haine des Juifs dans le monde musulman, affirme-t-il n’a pas attendu la création de l’État d’Israël »[47]. Encore : « Dans la pensée arabo-musulmane, il est inconcevable que des Juifs, censés rester d’éternels soumis, puissent commander à des musulmans. L’État d’Israël y est donc une anomalie à faire disparaître »[48]. Et selon lui, « la Charte du Hamas en fait foi, en particulier l’article 31 qui ignore les réformes de l’empire ottoman (1856) et prône rien moins que le retour à la dhimma ».
Cela manquerait de sérieux que de négliger de regarder ce que livre cet article 31. On y lit ceci : « Le Mouvement de la Résistance Islamique [i.e. Hamas] est un mouvement humaniste (insâniyya). Il veille au respect des droits de l’homme et se conforme à la tolérance islamique en ce qui concerne les disciples des autres religions : il ne s’oppose à aucun d’entre eux sinon à ceux qui lui sont ouvertement hostiles ou qui se mettent au travers de son chemin pour gêner ses mouvements ou anéantir se efforts. / À l’ombre de l’islam, les disciples des trois religions, islamique, chrétienne et juive, peuvent coexister dans la sécurité et la confiance. Ce n’est qu’à l’ombre de l’islam que la sécurité et la confiance peuvent trouver, l’histoire récente et ancienne en constituant un bon témoin[49]. »
On pourrait faire remarquer ironiquement que les Musulmans ont sous les yeux un mauvais exemple dans la société israélienne contemporaine où leur « coexistence » avec les Israéliens juifs se fait « sous l’ombre » du Judaïsme… Cela dit, personne n’est pas obligé de croire le Hamas sur parole, pas davantage que tout autre mouvement politique, mais il faut avoir l’esprit partisan marqué par une islamophobie forcenée, dans le sillage de Bat Ye’or – nom de plume de Gisèle Littman-Orebi –, pour lire dans cet article 31 de la Charte de 1988, d’ailleurs aujourd’hui remplacée par celle de 2017[50], le « retour » de la dhimma… Georges Bensoussan n’est par ailleurs pas si loin des positions de l’essayiste britannique susnommée quand, tout comme elle[51], il dénonce l’« islamisation de notre société »[52].
C’est encore Georges Bensoussan qui prononce ce verdict ahurissant : « Dans le monde manichéen du bien et du mal, du faible et du fort, l’État d’Israël apparaît comme le puissant et l’agresseur. Plus encore, dans la culture woke qui est le degré zéro de la pensée où le monde est relu au seul prisme réducteur dominant/dominé, le signe juif, sous la forme de l’État d’Israël, représente le monde blanc, riche et colonisateur[53]. » Certes, le rapport entre Palestiniens et État d’Israël est complexe, mais il est pourtant difficile de ne pas mettre le rapport entre dominés et dominants au centre de leur conflit. Or voilà qui est insupportable pour l’historien du Sionisme. Aussi se devait-il de transformer ce rapport, dont la dénonciation relève pour lui de la « culture woke », par une inversion rhétorique audacieuse : il construit une fallacieuse altervérité dans laquelle Donald Trump n’est pas le seul à exceller, celle d’un Israël assimilé aux Juifs dominés en lutte contre les Musulmans, accusés d’une incorrigible nostalgie de leur domination millénaire…
Et pourtant, les vrais dominés en l’occurrence sont bel et bien les Palestiniens. C’est ce qu’avaient parfaitement compris avant l’heure, en 1919, les lanceurs d’alerte de la Commission King-Crane dont l’historien Georges Bensoussan ne souffle d’ailleurs mot dans son Que sais-je ? : « Soumettre un peuple si décidé [minded] à une immigration juive illimitée et à des pressions financières et sociales continuelles pour céder la terre, est une violation grossière du principe suscité [i.e « la résolution du règlement des problèmes coloniaux par le libre consentement du peuple »], et « du droit des peuples, même s’il revêt des formes légales [the forms of law] »[54].
Pour l’historien Georges Bensoussan, qui se révèle champion des manipulations de l’histoire, l’immigration juive des pays d’Europe, puis des pays arabes, aux dépens des populations palestiniennes, le véritable apartheid sioniste de la Palestine, le nettoyage ethnique qui se continue encore de nos jours notamment à Gaza, la colonisation de terres palestiniennes qui, plus de 75 ans après la Nakba, se poursuit toujours aujourd’hui en Cisjordanie, etc., tous ces éléments ne sont à ses yeux qu’épiphénomènes, données tout à fait superficielles. Pour lui, la signification du « conflit israélo-arabe », la vérité profonde de la tragédie contemporaine que vit la Palestine, gît dans la lutte millénaire des Juifs contre l’oppression islamique symbolisée par la dhimma… C’est au fond l’expression d’un choc de civilisations, Occident versus Islam dans la conception de Samuel Huntington. Aussi n’est-il pas étonnant que l’historien sioniste voie dans les protestations contre la guerre génocidaire d’Israël contre Gaza « une offensive contre l’Occident »[55].
Israël, face à une hostilité « par essence »…
Cela n’empêche pas qu’en prenant le recul historique, Georges Bensoussan se montre sceptique vis-à-vis de cet Occident. Il n’a pas forcément tort, puisque c’est en Europe qu’eut lieu la Shoah. Mais c’est en tout cas le maître de cet Occident, les États-Unis, aidé par ses vassaux européens, qui permet aujourd’hui à Israël de mener, par sa noria de livraisons d’armes et son soutien politique dans et hors de l’ONU, sa guerre sans merci contre les Palestiniens, tant en Cisjordanie qu’à Gaza.
Dans un entretien tout récent, l’interlocuteur de Georges Bensoussan, Antoine Mercier, qui appartient notamment à la Rédaction de France-Culture, constate que la « centralité d’Israël dans le Monde juif est désormais installée », que « le Sionisme paraît désormais avoir atteint son objectif de réinstaller la majorité du peuple juif sur sa terre ». Il remarque aussi que « ce succès est fragilisé par le rejet des populations environnantes sous la houlette de l’Iran, mais encore par l’hostilité croissante des nations », sans dire toutefois que celle-ci s’exprime aujourd’hui en réaction à la guerre génocidaire menée depuis le 8 octobre 2023 à Gaza. Et il s’interroge : « le Sionisme, réussite aujourd’hui, peut-être réinventé, trouver une autre forme nationalisme pour sortir finalement de cette réussite qui conduit à une hostilité autour de soi ? »
L’historien du Sionisme répond : « Ce n’est pas la politique israélienne qui conduit à cette hostilité. Cette hostilité est déjà là, par essence ». Et d’expliquer : « Tout se passe comme si, dans l’économie psychique occidentale et surtout dans l’économie psychique du Monde musulman, on ne pouvait accepter la souveraineté juive sur cette terre et tout simplement la souveraineté politique et nationale juive restaurée. C’est quelque chose qui est très difficile à accepter pour des monothéismes, des civilisations qui se sont bâties d’une certaine façon sur le massage juif qu’elles ont capté, qu’elles ont repris à leur compte, qu’elles ont transformé, et d’une certaine façon, il y a quelque chose vis-à-vis de ce kidnapping originel qui ne peut être pardonné. Quand la formule classique dit à propos des Occidentaux, ou des Nazis ou des Allemands, peu importe : “Ils ne nous ont pas pardonné le mal qu’ils nous ont fait”, à propos de la Shoah précisément, on peut dire ici la même chose. Les sphères de civilisation chrétiennes et musulmanes ne pardonneront jamais aux Juifs d’avoir été le message originel. C’est ce qui ne peut être pardonné[56] ».
Que reste-t-il à faire quand le Sionisme moderne fait siennes les pseudo explications psychanalico-bibliques ? La même chose que le Sionisme classique : aujourd’hui, combattre l’Iran, auquel les Palestiniens ne serviraient que de piétaille, naturellement. Puis, ce danger écarté, ne se fier à personne, même pas à l’Occident, et s’imposer par sa seule détermination et par sa seule force, voire… Le Sionisme en roue libre, en somme.
Georges Bensoussan, Les origines du conflit israélo-arabe (1870-1950), Paris : Que sais-je ?, 2023
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[1] Roland Laffitte est notamment l’auteur des ouvrages suivants : Antisionisme, Judéophobie et Islamophobie : Quelques Mises au Point, Hoenheim (67) : Scribest, juin 2019 ; De la Révolution française aux guerres de Palestine : Terreur et terrorisme, Pantin : Chez l’auteur, janvier 2024, https://rolandlaffitte.site/de-la-revolution-francaise-aux-guerres-de-palestine/ ; ainsi que Une errance traversière. Journal de Palestine (4-25 août 1989), Pantin : Chez l’auteur, janvier 2024 : https://rolandlaffitte.site/une-errance-traversiere/. [
2] BENSOUSSAN, Georges, Les Territoires perdus de la République : antisémitisme, racisme et sexisme en milieu scolaire, Paris, Mille et Une Nuits, 2002 ; 3e édition augmentée, Paris, Hachette, 2015, coll. « Pluriel ».
[3] BENSOUSSAN, Georges, Une histoire intellectuelle et politique du sionisme : 1860-1940, Paris : Fayard, 2002 ; nouvelle édition revue et augmentée, 2003.
[4] BENSOUSSAN, Georges, formule prononcée dans l’émission « Répliques » du 10 octobre 2015, animée sur France Culture par Alain Finkielkraut.
[5] AFP : « Affaire Bensoussan : une “catachrèse”, pas une provocation à la haine », dans Le Point du 07/03/2017.
[6] À propos d’islamophobie, voir LAFFITTE, Roland, Voyage au pays de l’islamophobie, accompagné d’un lexique raisonné, Paris : Gnôsis, 1919, également en ligne : https://rolandlaffitte.site/wp-content/uploads/2024/02/PRESS_EMPIRE_35.pdf.
[7] Georges Bensoussan signe en avril 2010 le JCall, l’appel de l’European Jewish Call for Reason pour une paix israélo-palestinienne fondée sur le principe de « Deux peuples-deux États », voir Appel à la raison, https://fr.jcall.eu/qui-sommes-nous/texte-de-lappel.
[8] HERZL, Theodor, Der Judenstaat. Versuch einer modernen Lösung der Judenfrage, Leipzig & Wien : M. Breitenstein’s Verlangs-Buchhandlung, 1896.
[9] Le terme Sionisme aurait été utilisé pour la première fois en allemand par Nathan Birnbaum. Ce dernier parle en effet de zionistischen Idee, de l’« idée sioniste », dans un article du journal Selbst-Emancipation daté du 1er avril 1890.[
10] BENSOUSSAN, Georges, « Le sionisme, un enfant de l’Europe des Lumières », Cités n° 47-48 (2011/3), accessible sur Cairn.Info.
[11] L’un des plus célèbres est Moses Hess qui abandonna les idées de « lutte des classes » et de communisme auxquels il avait amené Karl Marx et Friedrich Engels, pour revenir celle de « lutte des races » chère à Augustin Thierry et l’appliquer à la jüsdische Nationalitätsfrage « question nationale juive ». Il vit dès lors die Gründung jüdischer Colonien im Lande der Väter, soit « la fondation de colonies juives dans la terre des ancêtres », comme einen praktischen Anfang zur Wiederherstellung des jüdischen Staates, soit « un début pratique de la restauration de l’État juif », voir HESS, Moses, Rom und Jerusalem, die letzte Nationalitätsfrage, Leipzig : Edward Wengler, 1862, 92.
[12] Voir LAFFITTE, Roland, « Sur le Sionisme éthéré de Georges Bensoussan », dans Antisionisme, Judéophobie et Islamophobie…, déjà cité, 79-82.
[13] BENSOUSSAN, Georges, Le conflit israélo-arabe rabe (1870-1950), Paris : Que sais-je ?, 2023.[14] Ibid.,
[14.15] Ibid., 13.
[16] BENSOUSSAN, Georges, Les origines du conflit israélo-arabe…, ibid., 9-11. Voir aussi « Le conflit israélo-arabe – passé, présent, avenir », Entretien au Beghin Center Auditorium, le 4 décembre 2023, https://www.youtube.com/watch?v=nBzd_VViigo.
[17] BENSOUSSAN, Georges, « Le conflit israélo-arabe… », Entretien au Begin Center Auditorium, le 4 décembre 2023, https://www.youtube.com/watch?v=nBzd_VViigo.entretien au Begin Center Auditorium.
[18] COHEN, Rina, « Les Juifs “Moghrabi” en Palestine (1830-1903) : enjeux de la protection française », dans Archives juives, vol. 38 (2005/2), 28-46.
[19] Voir sur cette question DELMAIRE, Jean-Marie, « Ch. I. Les strates de la population juive en Palestine. Vieux Yishouv et Nouveau Yishouv », dans De Jaffa jusqu’en Galilée : les premiers pionniers juifs, 1882-1904, Villeneuve-d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion, 1999, 10-19.
[20] C’est le terme hébraïque signifiant littéralement « montée », pour désigner l’immigration en Palestine des Juifs habitant les différentes régions du monde.
[21] BENSOUSSAN, Georges, « Le conflit israélien, un conflit de temporalité », sur AkademTV, février 2023, https://www.youtube.com/watch?v=_8kaUIDxa7U, 2 :02-2 : 10.
[22] Voir à ce propos LAFFITTE, Roland, « Sur le Sionisme et les plans impérialistes », dans Antisionisme, Judéophobie et Islamophobie, déjà cité, 67-74.
[23] GOODMAN, Bonnie, « Colonel Charles Henry Churchill’s letter to Sir Moses Montefiore, a first in supporting a Jewish state in Palestine », dans le Jerusalem Post du 26/06/2018.
[24] Compte rendu de la « Séance du 20 mars 1867 », dans le Bulletin de l’Alliance israélite universelle, 1er sem. 1867, 10.
[25] LAHARANE, Ernest (de), La Nouvelle Question d’Orient. Empires d’Égypte et d’Arabie. La reconstitution de la nationalité juive, Paris : E. Dentu, 1860.
[26] Voir, à titre d’exemple, MINCZELES, Henri, Histoire générale du Bund : un mouvement révolutionnaire juif, Paris : Austral, 1995 ; 3e éd., Paris : L’Échappée, 2022.
[27] BENSOUSSAN, Georges, « Le conflit israélo-arabe… », entretien au Begin Center Auditorium, déjà cité.
[28] Pour L’ONU, « L’établissement et l’expansion continue de telles colonies “équivalent au transfert par Israël de sa propre population civile vers les territoires qu’il occupe” et “de tels transferts constituent un crime de guerre pouvant engager la responsabilité pénale individuelle des personnes impliquées”, dénonce le document onusien qui court sur la période de novembre 2022 à la fin d’octobre 2023. Il s’agit du Rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, publié vendredi 8 mars 2024, voir AFP / Le Monde : « L’ONU considère que les colonies israéliennes relèvent du crime de guerre », Le Monde du 9 mars 2024.
[29] L’arabe dhimma concerne, au sens premier, « la protection, la sécurité dont jouit un client », et s’est étendu ensuite, dans le droit islamique, au statut des Chrétiens et des Juifs, moyennant une série d’obligations qui ne furent appliquées que de façon très inégale dans le temps et dans l’espace.
[30] BENSOUSSAN, Georges, « Le conflit israélo-arabe… », suite de la citation précédente de l’entretien au Begin Center Auditorium.
[31] Voir, sur ce sujet, LAFFITTE, Roland, « Sur l’antijudaïsme et la judéophobie en Islam », dans Antisionisme, Judéophobie et Islamophobie…, déjà cité, 131-137. On y trouve l’excellente caractérisation de l’oppression des Juifs en terre d’Islam par l’historien et sociologue Ibn Khaldūn (1332-1406), ibid., 132-133.
[32] WEIL, Patrick, au cours de l’Émission « C politique » du dimanche 14 juin 2020 sur France 5, cité par LAFFITTE, Roland, « Violences policières, racisme : “Circulez, y a rien à voir !” », article mis en ligne le 15 juin 2020, https://rolandlaffitte.site/wp-content/uploads/2024/02/PRESS_EMPIRE_08.pdf.
[33] Dans un intéressant rapport intitulé Discriminations et origines : l’urgence d’agir, publié le 22 juin 2020, le défenseur des droits fait bien état d’un « racisme systémique », voir https://www.defenseurdesdroits.fr/rapport-discriminations-et-origines-lurgence-dagir-280.
[34] TAGUIEFF, Pierre-André, « Ce pseudo-antiracisme rend la pensée raciale acceptable », Propos recueillis par Kévin Boucaud-Victoire, dans Marianne du 25/10/2020.
[35] SCHOLZ, Alexander, « The Demographic Development of Palestine, 1850-1882 ». International Journal of Middle East Studies, vol. 17, n° 4 (novembre 1985), 485-488.
[36] COURBAGE, Youssef & FARGUES, Philippe, « Tableau I-1. Estimation de la population du Mont-Liban au milieu du XIXe siècle », dans La situation démographique du Liban. II. Analyse des données, Beyrouth : Publications du Centre de Recherches. Université libanaise. Institut des Sciences sociales, 1974, 11.
[37] Les membres de cette Commission, qui visitèrent en long en large la Grande Syrie en recueillant de façon consciencieuse et systématique les avis des différents groupes de la population, remettaient en novembre 1919 leur Rapport, qui ne sera rendu public qu’en 1922, voir King-Crane Report on the Near East, édité à New York : Editor & Publisher Co., 1922, vol. 55, n° 27, en ligne à cette adresse : http://www.hri.org/docs/king-crane/.
[38] Pour le nombre de pétitions, voir le King-Crane Report…, déjà cité, 8 ; pour les statistique démographique, donnée pour 1922, voir COURBAGE & FARGUES, 3 Tableau I-6. La population du Liban sous le mandat français », dans La situation démographique du Liban…, déjà cité, 21.
[39] King-Crane Report…, déjà cité, 32-33.
[40] « We recommend […] that Emir Feisal be made head of the new united Syrian State », Ibid., 35.
[41] DE VAUMAS, Étienne, « Les trois périodes de l’immigration juive en Palestine », dans Annales de Géographie, t. 63, n°335 (1954), 71.
[42] BALFOUR, Arthur James, Letter Walter Rothschild, 2nd Baron Rothschild, a leader of the British Jewish community, for transmission to the Zionist Federation, novembre 1917, sur Wikisource: https://en.wikisource.org/wiki/Balfour_Declaration.
[43] Traduit du texte anglais « Resolution of the General Syrian Congress at Damascus, July 2, 1919 », dans HUREWITZ, Jacob Coleman, The Middle East and North Africa in World Politics: A Documentary Record, vol. 2: British-French Supremacy, 1914-1945, New Haven: Yale University Press, 1979, 180-182, document mis .en ligne sur site du Wilson Center. Digital Archives: https://digitalarchive.wilsoncenter.org/document/resolution-syrian-general-congress-damascus.BALFOUR, Arthur James, Letter Walter Rothschild, 2nd Baron Rothschild, a leader of the British Jewish community, for transmission to the Zionist Federation, novembre 1917, sur Wikisource: https://en.wikisource.org/wiki/Balfour_Declaration.
[44] Mettons que les héritiers du vieux Yishouv sont 25 000 en 1914, soit entre 36 et 41% de la totalité des Juifs de Palestine à cette date.
[45] BENSOUSSAN, Georges, « Le conflit israélo-arabe… », Entretien au Begin Center Auditorium, déjà cité.
[46] BENSOUSSAN, Georges, « Conflit israélo-palestinien, un affrontement colonial ? “Pas du tout” », sur Sud Radio en 2023, https://www.youtube.com/@SudRadioOfficiel.
[47] BENSOUSSAN, Georges, « La haine des Juifs dans le monde musulman n’a pas attendu la création de l’État d’Israël », Entretien avec Alexandre Devecchio, dans Le Figaro du 10/04/2024.
[48] BENSOUSSAN, Georges, « Première partie d’un grand entretien avec l’historien qui avait tiré la sonnette d’alarme sur la montée de l’islamisme et le délitement démocratique français dans Les territoires perdus de la République il y a déjà 22 ans », ceci dans Atlantico du 01/06/2024.
[49] HAMAS, Charte de 1988, traduction française de Jean-François Legrain, https://www.senat.fr/rap/r08-630/r08-630-annexe2.pdf.
[50] HAMAS, Charte de 2017 dans la version anglaise, publiée par Middle East Eye : https://www.middleeasteye.net/news/hamas-2017-document-full. Notons que les formulations proprement islamiques des revendications nationales palestiniennes y ont cédé la place à des formulations plus laïques, illustrant mieux en cela le caractère national du Mouvement.
[51] BAT YE’OR : « L’adoption par l’Europe des critères historiques du Coran révèle l’islamisation de la pensée de nos dirigeants. Le christianisme comme Israël sont condamnés à disparaître, remplacés par l’islam », voir « Pourquoi le Grand Remplacement n’est pas un complot mais une politique bien programmée », article mis en ligne sur Riposte laïque le 07/06/2016.
[52] BENSOUSSAN, Georges, « Nous assistons à une islamisation de notre société », entretien avec Yves Damecourt sur Europe 1, le 28 octobre 2023, https://www.youtube.com/watch?v=fKoEhcKOX34.
[53] BENSOUSSAN, Georges, Entretien avec Sébastien Ferjou, dans Atlantico du lundi 03/06/2024.
[54] King-Crane Report on the Near East, déjà cité, 36.
[55] BENSOUSSAN, Georges, « Manifestations pro-palestiniennes : “Une offensive contre l’Occident” », Entretien mené dans le cadre du « Grand rendez-vous », sur Europe 1, le 15 octobre 2023 : https://www.youtube.com/watch?v=Op6a07dlBek.
[56] BENSOUSSAN, Georges, « Nous allons vers le chaos », Propos recueillis par Antoine Mercier sur Mosaïque / Manachem Begin Heritage Center du 25 juin 2024 : https://www.youtube.com/watch?v=xBnl8WS7_a0.