FICHAGE DES ÉLÈVES MUSULMANS

Ce vendredi 19 mai, la Dépêche du midi révèle que des policiers ont demandé à une centaine d’établissement de la région de Toulouse d’indiquer le taux d’absentéisme le 21 avril, date de l’Aïd el fitr.

« À la demande des services de renseignements et pour effectuer un bilan de cette journée, nous vous sollicitons pour connaître le pourcentage d’absentéisme le vendredi 21 avril, lors de la fête de l’Aïd. Merci de nous faire un retour rapidement », mentionne le courriel adressé aux établissements scolaires.

Selon la Dépêche, les deux policiers à l’origine de la missive auraient agi sous les directives du renseignement territorial sans en référer au rectorat et au Directeur académique des services de l’Éducation nationale (DASEN). Toujours selon le quotidien, la commande émanerait du Ministère de l’intérieur, et serait en réalité une directive nationale.

Cette démarche, qui vise indirectement à recenser le nombre d’enfants musulmans, donc de les catégoriser en fonction de leur religion, ce qui est en principe interdit par la loi, a fait bondir le corps enseignant. Le rectreur de l’Académie de Haute Garonne, Mostafa Fourar, a confirmé que cette démarche avait été entreprise sans l’aval du rectorat, lequel a immédiatement donné comme consigne de ne pas répondre à cette sollicitation.

Jean-François Mignard, le président de la Ligue des droits de l’Homme de Haute-Garonne s’insurge également : « Ces personnes ont tout faux en terme de respect des droits fondamentaux. Faut-il rappeler aux fonctionnaires que la liberté de conscience et la liberté de culte sont garanties par l’Etat ? ». La communauté musulmane est de nouveau ciblée, regrette-t-il. « Ce n’est pas quelque chose que l’on demande aux personnes de confession chrétienne ou juive par exemple», soulignant que ces requêtes peuvent tomber sous le coup de la loi. « Il s’agit d’un ciblage discriminant. S’il s’avère qu’il y a bien objet à poursuivre, il n’est pas du tout exclu qu’on ne le fera pas ».

Une démarche similaire a été entreprise dans le département de l’Hérault, cette fois par le service départemental de l’éducation nationale. Devant l’indignation des établissements scolaires, le directeur académique du département (DASEN) a tenté d’éteindre l’incendie : « Je vous prie de ne pas tenir compte du mail reçu le 11 mai à 8h35 », écrit-il dans un mail rectificatif.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la communauté musulmane est visée dans ce département. On se souvient que Robert Ménard, maire de Béziers, s’était félicité d’avoir procédé au fichage des élèves musulmans, en se basant notamment sur leur prénom.«Il y a « 64,6% » d’élèves de confession musulmane», avait-il déclaré en 2015, précisant : «Ce sont les chiffres de ma mairie. Pardon de le dire, le maire a, classe par classe, les noms des enfants. Je sais que je n’ai pas le droit de le faire. Pardon de le dire, les prénoms disent les confessions. Dire l’inverse, c’est nier l’évidence».

« Cela s’apparente à du fichage religieux sur fond d’islamophobie », a réagi François Piquemal, député LFI de Haute Garonne.

Côté services du renseignement, on bredouille qu’il ne s’agit que d’une maladresse. Mais l’excuse semble au contraire renforcer le soupçon de discrimination : « Les services du renseignement territorial sont passés par des policiers référents de l’Éducation nationale, leur message était mal formulé, mais demander un taux d’absentéisme, ce n’est pas du fichage », se justifie une source policière citée par Le Parisien, qui précise que « Ce travail du renseignement territorial s’inscrit dans un contexte de « regain d’atteintes à la laïcité en milieu scolaire » durant la période du ramadan, avec par exemple « des défis pour les réseaux sociaux pour se filmer avec un voile » ou des refus de participer à des cours de chant et de musique. »

Décidément, le fichage des citoyens selon leur religion est une habitude dont la France a bien des difficultés à se débarrasser. Le fameux « fichier juif » de 1940-1942 avait été en principe détruit en 1946 afin de « blanchir » la police française de ses activités suspectes pendant l’occupation. Il avait été retrouvé en partie par Serge Klarsfeld en 1991, alors que l’administration française niait le détenir, démontrant ainsi l’incapacité de celle-ci à assumer son passé.

On aimerait que de telles pratiques ne ressurgissent pas. Sans grande conséquence en période normale. Qu’arriverait-il si un gouvernement d’extrême-droite raciste parvenait au pouvoir ?

Mais tout le monde sait bien que ce n’est qu’une hypothèse d’école…

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