Le 28 octobre dernier, le Conseil de l’Europe lançait une campagne célébrant la diversité et la liberté des femmes de décider de la façon de s’habiller.
Face à la vague populiste islamophobe qui balaye certains pays comme la France, qui souhaitent interdire le port du foulard, le Programme pour l’inclusion et la lutte contre les discriminations du Conseil avait précisément choisi ce symbole pour affirmer que ce n’était ni aux hommes ni aux gouvernement d’obliger ou d’interdire aux femmes de s’habiller de telle ou telle façon.
« La beauté est dans la diversité, comme la liberté est dans le hijab … Célébrez la diversité et respectez le hijab » tel était le slogan de cette campagne qui présentait des portraits de plusieurs jeunes femmes, voilées sur une seule moitié de l’image.
Si les visuels n’ont suscité, dans le public, aucune réaction particulière, en revanche, au sein de la classe politique française, ce fut le tollé.
Sous la pression conjuguée des leaders politiques et des medias français, le Conseil de l’Europe a préféré retirer sa campagne dès le mardi 2 novembre.
LA FACHOSPHÈRE FRANÇAISE SE DÉCHAÎNE
« Cette communication européenne en faveur du voile islamiste est scandaleuse et indécente, alors que des millions de femmes se battent avec courage contre cet asservissement », avait notamment réagi Marine Le Pen, candidate du Rassemblement national.
Eric Zemmour renchérit en fustigeant « un jihad publicitaire, une campagne ennemie de la vérité », avant d’estimer, égal à lui-même, que « l’islam [était] l’ennemi de la liberté ».
Michel Barnier, candidat à l’investiture LR pour la Présidentielle, évoque une initiative « absolument inappropriée ». : « J’aurais souhaité que les gens qui ont eu cette mauvaise idée de campagne aillent interroger, s’ils avaient pu, les femmes de Kaboul qui, elles, se battent précisément pour ne pas porter ce voile. Le voile n’est pas un instrument de liberté des femmes, c’est le contraire. »
La présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, autre candidate potentielle, fait part de sa « stupeur », estimant que le voile n’était « pas un symbole de liberté mais de soumission ».
L’ancien Premier ministre socialiste Manuel Valls l’a lui jugée « choquante, ahurissante et dangereuse ».
Autre prétendant à l’Elysée, le maire de Nice Éric Ciotti a dénonce une « promotion du voile islamique » et une « négation de nos racines judéo-chrétiennes, de notre civilisation, de l’esprit des Lumières ».
Quant au chef de file des sénateurs LR, Bruno Retailleau, il a estimé que le Conseil de l’Europe promouvait « désormais ouvertement la soumission aux mœurs islamistes ».
Nous y voilà : encore un coup du « grand remplacement ».
LES DÉLIRES DE MARIANNE
A quelques mois des Présidentielles, la surenchère droitière n’étonne plus.
Il conviendrait de la traiter avec l’indifférence qu’elle mérite, sauf que l’affaire fait une fois de plus les choux gras de la presse, et notamment de la presse souverainiste radicale.
Marianne se laisse une fois de plus entraîner par ses bouffées délirantes, en baptisant « enquête » un papier où deux journalistes « tirent le fil de la conception de la campagne » comme l’affirme Natacha Polony, rédactrice en chef du magazine pour « découvrir » que sous cette campagne, se cache en réalité… les Frères Musulmans.. qui, comme chacun le sait, tiennent les rênes de la communication européenne. La preuve : dans les ateliers où on débattait de la future campagne, il y avait des jeunes appartenant à organisation étudiante qui avait invité Tariq Ramadan en 2002 ! Oui. Il y avait aussi des juifs, des catholiques, des indous, des athées…Mais tous les prétextes sont bon pour stigmatiser les musulmans.
Nous voilà revenu au temps d’Edouard Drumont qui « découvrait » que les institutions françaises étaient noyautées pr les juifs et les francs-maçons.
« Remarquez bien le slogan » prévient Natacha Polony dans une vidéo : « Le hijab, c’est la liberté. Cela ne veut pas dire que l’on doit être libre de porter le voile ou, non, cela veut bien dire que le hijab EST la liberté » Un discours frériste, on vous dit !
Non, chère Natacha, il s’agit d’un simple raccourci publicitaire qui signifie que, puisque certains veulent interdire le hijab, le porter devient un signe de liberté.
Lorsque les manifestants de 1968 criaient dans les rues de Paris « Nous sommes tous des juifs allemands », ils n’étaient ni tous juifs, ni tous allemands. Par ce slogan ils exprimaient simplement leur solidarité au jeune Daniel Cohn Bendit qu’un ministre avait traité de « juif allemand ». Natacha Polony feint de prendre des slogans publicitaire à la lettre. Pas très déontologique, comme procédé.
LA LIBERTÉ, C’EST AVOIR LE DROIT DE CHOISIR

Les tweets qui relayaient la campagne ont donc été retirés : « Ces tweets ont été retirés et nous allons réfléchir à une meilleure présentation de ce projet », a confirmé dans un communiqué transmis à l’AFP le Conseil de l’Europe, organisation paneuropéenne basée à Strasbourg.
Ils « faisaient partie d’un projet conjoint » du Conseil et de l’Union européenne « contre la discrimination, dont l’objectif était de sensibiliser à la nécessité de respecter la diversité et l’inclusion et de combattre tout type de discours de haine ».
Eh bien, « combattre tout type de discours de haine », c’est raté !
Le sophisme qui consiste à vouloir interdire le port du hijab pour permettre aux femmes de le refuser a encore une nouvelle fois été insidieusement avancé.
Oui, il y a des femmes qui se battent pour ôter leur voile, parce qu’on les oblige à le porter, et il y a encore plus de femmes qui se battent pour avoir le droit de le porter, parce qu’on le leur interdit.
Quand arrêtera-t-on de commander aux femmes ce qu’elles doivent ou ne doivent pas mettre sur leur tête ? Pourquoi certaines associations féministes se laissent-elles entraîner dans cette rhétorique de servitude volontaire, selon l’expression de La Boétie ?
On peut regretter que la France compte au nombre des pays qui estiment que le vêtement des femmes est une affaire d’Etat.