Partout dans le monde, des manifestations de soutien au peuple palestinien forment un long cortège pavoisé de drapeaux rouge, vert, blanc et noir.
Des centaines de milliers de personnes à Rabat, plus de 20 000 à Amman, des dizaines de milliers en Irak, en Algérie, en Tunisie, en Iran, au Liban, à Bahrein, au Qatar, en Egypte. En Europe, des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans les rues de Londres, des milliers à Amsterdam. A Madrid, Copenhague, les manifestants ont exprimé leur colère face au massacre annoncé des Palestiniens, comme en Australie, au Japon, en Afrique du Sud, en Italie, en Suisse, aux États-Unis ou en Malaisie. A New York, des Juifs montent vers la Maison Blanche pour demander à Biden de stopper Natanyahou au cri de « Not in our name » (« Pas en notre nom »)
Et en France ?
Les manifestations pro-palestiniennes sont tout simplement interdites. Un cas unique sur la planète, qui fait même la une des médias américains, pourtant largement soutiens aux israéliens.
Alors, l’Union Européenne, et la France en tête, aime-t-elle à ce point ses citoyens juifs qu’elle est prête à absoudre les crimes du gouvernement d’Israël et préfère censurer toute parole qui n’irait pas dans le sens de la propagande de Natanyahou, y compris celle des juifs anti-sionistes ?
Les Juifs de France seraient bien naïfs de le croire.
Une partie de la droite qui tient aujourd’hui le haut du pavé de la politique française, grâce, au minimum, à la complicité de l’actuel gouvernement, est directement issue de l’aile nationaliste française nostalgique de l’époque coloniale, elle-même directement apparentée à l’antisémitisme du XIXème siècle.
C’est en France que Theodore Herzl a eu l’idée de créer le mouvement sioniste. En 1894, la dégradation du Capitaine Dreyfus, à laquelle il a personnellement assisté, l’a convaincu que les juifs ne seraient jamais en sécurité en Europe, et qu’il fallait trouver une terre de refuge pour son peuple. La Shoah a ensuite confirmé son intuition, ainsi que l’attitude globalement collaborationniste de la classe dirigeante française.
Alors imaginer que la droite française éprouve de la sympathie pour les juifs, c’est croire que le loup peut être l’ami des moutons. Simplement, elle déteste encore plus les arabes. Pourtant, la civilisation arabo-musulmane a apporté à l’Europe, et à la France en particulier, l’essentiel de ses découvertes. A travers la traduction des manuscrits grecs, puis grâce à son avancée considérable en mathématique, médecine, astronomie, etc… Mais une frange importante des Français n’a toujours pas digéré la perte de l’Empire. Les déclarations répétées de nos députés, sénateurs, ministres ou candidats à la présidence sur « les aspects positifs de la colonisation » en sont l’illustration. Jules Ferry le « père de l’école laïque » a lui-même supprimé des programmes toute allusion à cette contribution culturelle. Comment en effet enseigner aux élèves qu’ils doivent une majeure partie de leur savoir à des gens que nous avons réduit en esclavage ?
Bref, la droite française déteste les Arabes et, par extension, tout ce qui est musulman ou rappelle l’islam. Ainsi, l’Arménie, amie de l’Iran, est préférée à l’Azerbaïdjan laïque, pourtant allié d’Israël, mais réputée musulman et proche des Turcs. Ainsi, tout appel à prendre en considération les souffrances des Palestiniens est jugé comme une apologie du terrorisme, et ses auteurs menacés de poursuite. Ainsi, l’assassinat d’un professeur par un jeune déséquilibré tchétchène est présenté comme un crime islamique, alors que le meurtre d’un enfant musulman américain de 26 coups de couteau par un islamophobe est attribué à la sénilité de son auteur. Ainsi, une robe longue est considérée comme un appel au séparatisme dès l’instant où elle n’est pas portée par une femme blanche. Ainsi enfin, on arrête des journalistes, juste parce qu’ils ont un faciès maghrébin, on censure sur les plateaux les intervenants trop rebelles à la pensée unique.
La voilà donc cette France de 2023, qui défend la liberté d’expression, la liberté de la presse, le respect des droits de l’homme, à la condition que cet homme soit blanc, bon chrétien, ou supposé l’être.
Qu’on ne s’y trompe pas, cette démocratie blanche ne s’est pas soudainement prise d’empathie pour nos frères juifs. Elle les méprise tout autant que les musulmans, mais fait mine de les accepter tant qu’elle peut s’en servir.
Quant à ceux qui, comme Zemmour, Tahar Ben Jelloun, et même Darmanin, tous ceux qui veulent laver plus blanc que blanc, ils ne se rendent pas compte que les suprémacistes chrétiens dont ils se font les serfs ne les reconnaîtront jamais comme les leurs. Ils resteront à leurs yeux des juifs, des arabes, des métèques, qu’ils jetteront comme des Kleenex usagés dès ils n’auront plus besoin d’eux. En attendant, ils auront participé à l’effondrement de cette France humaniste et pluraliste dont les héros s’appelaient Voltaire, Hugo ou Zola.