LE 3EME FORUM INTERNATIONAL CONTRE L’ISLAMOPHOBIE S’EST TENU À BAKOU, AZERBAÏDJAN


À l’occasion du troisième anniversaire de la Journée internationale de lutte contre l’islamophobie, le Centre international du multiculturalisme de Bakou et le Centre d’analyse des relations internationales, en partenariat avec l’Organisation de la coopération islamique (OCI), l’ICESCO, le Conseil des sages musulmans, le Forum interreligieux du G20, le Groupe d’initiative de Bakou, le Centre international de Doha pour le dialogue interreligieux (DICID), le Haut Comité pour la fraternité humaine, le Conseil central des musulmans d’Allemagne, l’EULEMA (Euratom) – Majlis des dirigeants musulmans européens et le Forum musulman international, ont organisé une conférence intitulée « Islamophobie : dénoncer les préjugés, briser les stigmatisations » les 26 et 27 mai 2025 à Bakou, en Azerbaïdjan.

124 délégués venus de 38 pays : chefs spirituels, experts, universitaires et représentants des médias, étaient venus débattre de ce phénomène mortifère qui met en danger la vie sociale des musulmans et l’unité nationale de nombreux pays : l’islamophobie.

La France était représenté par trois intervenants : Jean-Michel Brun, directeur de la rédaction de La gazette du Caucase et de Musulmans en France, Roland Laffite, chercheur, auteur et président de la Société d’études linguistiques et étymologiques françaises et arabes, et Naïma Lekfir, journaliste spécialiste de l’immigration maghrébine en France.

Cette année, la conférence s’est déroulée dans un contexte particulièrement tendu pour les français de confession musulmane, après la publication d’un rapport tendancieux publié à la demande de l’ancien ministre de l’intérieur Gérald Darmanin.

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Les participants ont mis en lumière la complexité des manifestations d’islamophobie, tant sur le plan social que géopolitique, dans diverses régions, notamment le Moyen-Orient, l’Asie du Sud, l’Europe et l’Amérique du Nord, soulignant l’urgence d’une action collective. Ils ont également rappelé la résolution A/RES/76/254 (2022) adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies proclamant le 15 mars Journée internationale de lutte contre l’islamophobie, soulignant que l’islamophobie était la manifestation d’une nouvelle forme de racisme.

Partout en Europe, la montée des forces politiques d’extrême droite a conduit à des mesures restreignant l’expression de l’islam, lequel est souvent présenté comme une menace contre la civilisation occidentale.


La France à la tête d’une « nouvelle croisade » contre les musulmans

 
Jean-Michel Brun a souligné que la France occupe aujourd’hui une place majeure dans l’espace islamophobe. Considéré par plusieurs ONG comme étant désormais l’une des nations les plus racistes du monde, ce pays exerce, notamment sur ses voisins, une influence néfaste, une sorte de contagion de la perversité islamophobe. Cette islamophobie se manifeste naturellement dans le domaine de la politique intérieure, en stigmatisant les Français de confession musulmane ou supposés tels. Elle se manifeste également dans le domaine de la politique étrangère en poussant à entrer en conflit avec des pays à majorité musulmane comme la Turquie, l’Algérie, et bien sûr l’Azerbaïdjan.
Les discours islamophobes se propagent et se banalisent surtout par le biais des medias et des réseaux sociaux, dont les algorithmes nourrissent et accentue ce climat de haine, lui-même renforcé par les politiques qui, par le jeu d’un cercle vicieux, cherchent à se conformer à une opinion qu’ils pensent générale parce qu’elle est précisément celle que reflète les réseaux sociaux.
Une récente note parlementaire souligne qu’un véritable “prisme laïco-sécuritaire” domine le traitement médiatique, présentant l’islam avant tout sous l’angle de la menace. Par exemple, la chaîne d’info CNews a affiché des bandeaux titres liés à l’immigration ou à l’islam 335 jours sur 365 en 2023. Ce type de couverture quasi-quotidienne contribue à une « islamophobie d’ambiance » banalisée. Le conflit du Caucase a également été largement couvert par les medias mainstream français, dans lesquels la libération du Karabakh a été présentée comme l’agression d’un pays musulman contre une terre chrétienne.

La forme la plus élaborée du racisme consiste à nier le racisme lui-même. En France le mot « islamophobie » est banni par une majorité des politiciens. Lors du récent assassinat d’un jeune fidèle dans sa mosquée, sauvagement poignardé par un fanatique parce qu’il était musulman, les ministres de la Justice et de l’Intérieur ont refusé de parler d’islamophobie. Pour eux, comme pour les médias français, quand un crime est commis par une personne de confession musulmane ou d’origine arabe, c’est un acte de terrorisme. Quand c’est un musulman qui est la victime, ce n’est pas un crime raciste, c’est un fait divers. Pire :  le simple fait de prononcer ce mot peut conduire à une poursuite pour « apologie du terrorisme ».

Un mensonge est ainsi régulièrement diffusé : peu importe, indique Roland Laffitte, que l’ONU et l’Europe reconnaissent l’islamophobie comme une forme de racisme. Peu importe que le terme ait déjà été utilisé dans les années 1910-1920 dans la presse française, le mot « islamophobie », aurait été créé dans les années 1980 par les mollahs iraniens pour stigmatiser toute critique de la religion musulmane. 
Non. Ce mot définit tout simplement l’hostilité systématique envers l’islam ou les personnes de confession musulmane. Cette islamophobie raciale s’est imposée comme une problématique majeure en France. Celle-ci, souligne encore Roland Laffitte, se nourrit de la mémoire coloniale, et en particulier à l’occupation de l’Algérie, où existait un rapport particulier avec les Musulmans : bien que français de nationalité, ces derniers n’étaient pas en droit citoyens mais sujets. Ils formaient une catégorie de population à part, sans aucun droit politique et soumise par le Code de l’indigénat de 1881, ensuite étendu à toutes les colonies, à des règles répressives particulières appliquées par les autorités non pas judiciaires, mais administratives.
Au point que même un converti au christianisme restait Musulman en droit et donc discriminé comme tel. De là cet amalgame entre islamophobie et arabophobie. L’imaginaire français se ressent toujours de l’inertie sociale de cette situation qui n’entraîne pas seulement une simple détestation intellectuelle de la religion islamique mais une islamophobie sociale, un racisme systémique qui repose sur l’idée qu’Arabes, Noirs et Musulmans seraient des Français de catégorie inférieure, en d’autres termes, des « mauvais Français ».

Prétextant la lutte contre l’islamisme et la formation supposée d’une contre société, remarque Roland Laffitte, fut élaborée en 2021 une législation anti-séparatiste qui plaçait sous contrôle administratif les activités sociales des Musulmans. Résultat : 25 000 interventions policières en 2 ans et fermeture depuis de 700 établissements. Cela ne suffit plus. Le gouvernement, qui voit partout des Frères musulmans pourtant en perte de vitesse, les accuse cette fois d’infiltrer, en pratiquant la taqiya, nos institutions pour les subvertir. Avec ce prétexte délirant, il crée un parquet administratif spécial contre ce qu’il appelle l’entrisme islamique, renouant ainsi avec le Code de l’indigénat, ce chef d’œuvre de l’islamophobie coloniale.

Jean-Michel Brun a rappelé que certains éditorialistes et polémistes médiatiques n’hésitent plus à tenir des propos ouvertement hostiles aux musulmans, affirmant par exemple qu’il faut leur donner « le choix entre l’islam et la France ». Les medias, offrent désormais une vaste audience à ces discours autrefois marginaux.
Les analyses montrent que la presse et certaines chaînes de télévision se focalisaient sur « la compatibilité entre l’islam et la France » et mettaient en doute la capacité des musulmans à s’intégrer, établissant un “triple amalgame” : immigration égale terrorisme, musulmans égale terrorisme, ONG humanitaires égale complices du terrorisme, défense des musulmans égale apologie du terrorisme. Comme le résume une formule rapportée par la CNCDH : « être musulman, c’est être suspect », une perception qui s’apparente à une “islamophobie institutionnelle” diffuse.

Naïma Lekfir a évoqué les dernières couvertures de magazines à grand tirage : « Le nouveau défi de l’Islam » (L’Express), « Le spectre islamiste » (Le Point), « Comment l’Islam va changer la France et l’Europe » (Valeurs actuelles), « Le choc Jésus et Mahomet » (Le Point), « La chasse aux chrétiens » (Valeurs actuelles), rappelant également que Éric Zemmour, journaliste au Figaro et chroniqueur sur la chaîne Cnews, chef du parti d’extrême droite Reconquête, qui exprime sa filiation avec la Reconquista qui chassa les Musulmans de l’Espagne médiévale, ose utiliser la phrase du philosophe Ernest Renan : « L’Islam est la pire chaîne qu’on ait mis aux pieds de l’humanité ».

L’une des manifestation de l’islamophobie institutionnelle, remarque Jean-Michel Brun, est la sous-représentation des Français musulmans ou issus des minorités dans les rédactions et à l’antenne. Les journaux télévisés et débats parlent de l’islam, mais très rarement avec des acteurs musulmans. Les chaînes de télévision préfèrent inviter des personnalités extérieures à l’islam, ouvertement islamophobes, plutôt que de faire appel à de véritables experts, islamologues,  érudits musulmans qui diffusent l’image non biaisée de l’islam humaniste et sans incompatibilité avec les valeurs « républicaines », ce qui irait bien sûr à l’encontre du message voulu par « l’islamophobie institutionnelle »
Une autre manière, pour les medias français, de tenter de tenter de s’absoudre de l’accusation de sous-représentation des personnes « racisées », est de mettre en avant des personnalités d’origine arabe qui, pour des raisons qui leur appartiennent, reprennent les discours islamophobes de la droite dure. Naïma Lekfir cite notamment Mohamed Sifaoui : « Chaque musulman est un islamiste en puissance », Kamel Daoud : « un islamiste est un musulman impatient ». Quant à Boualem Sansal, aujourd’hui en prison en Algérie, et présenté par les « intellectuels » de droite comme le « nouveau Voltaire », pointe la naïveté et la méconnaissance des politiques et des journalistes à l’égard de l’Islam : ce dernier est bien plus dangereux qu’on l’imagine, c’est une « hydre », un « cancer » menaçant d’engloutir notre civilisation des Lumières, il peut frapper à tout moment, etc.
La médaille d’or revient à Hassen Chalghoumi, imam inculte auto-désigné, honte et risée des Musulmans, qui se plaint d’entendre dans sa mosquée « Allahou Akbar », à un public à qui l’on fait croire qu’il s’agit d’un cri de guerre !

En réalité, les propriétaires de medias français qui affichent sans honte leurs opinions islamophobes, ont besoin de ces personnalités qui peuvent tenir impunément des propos qui, s’ils étaient prononcés par des « français de souche », seraient aussitôt taxés de racisme.


Le temps n’est plus à la parole mais à l’action


Mais, ont conclu unanimement les intervenants, à quoi cela sert-il de continuer à faire des constats, les mêmes, année après année, depuis que les nostalgiques de la colonisation ont pris le pouvoir en France et dans d’autres pays ? Tous les ans, les mêmes constats sont établis, et la nécessaire lutte contre l’islamophobie n’avance pas. Il est désormais tempos de trouver des solutions.

Les musulmans représentent près du cinquième de la population française, et environ 15% en Europe, mais ils sont impuissants à se défendre parce qu’ils sont seuls. La communauté juive, pourtant très inférieure en nombre, bénéficie de la solidarité de tous ses membres dans le monde. La communauté arménienne, minuscule par rapport la communauté musulmane, a le soutien de sa diaspora à l’international. Et les musulmans français, qui les appuie ? Les pays arabes, pourtant si riches de la manne pétrolière, les ignorent, ou se contentent de discours, ce qui ne leur coûte pas grand-chose.
Pourtant, ce n’est pas si difficile : les musulmans occidentaux ont besoin de medias, de reportages, de publications qui disent ce que sont l’islam et les musulmans, qui donnent le contrepoint de la propagande anti-musulmane.  Ils ont besoin de livres qui rappellent que la civilisation arabe a été pour l’Europe, au moins aussi importante que Rome ou Athènes. Une vérité qui a été, depuis la période coloniale, effacée de nos livres d’histoire.
L’Europe, et la France en particulier, possède des penseurs, des universitaires, des journalistes, des réalisateurs, des auteurs qui savent le faire, et le font, dans la mesure de leurs modestes moyens, à la sueur de leur front. Mais sans véritables moyens, comment lutter contre les milliardaires français suprémacistes qui achètent les médias et les maisons d’éditions, comment lutter contre les lobbies revanchards qui ont investi à coup de millions d’euros, les chaînes de télévision et les écoles de journalisme ?
Car ce ne sont pas les politiciens, les élus, les ministres qu’il faut chercher à séduire. C’est le peuple qu’il faut convaincre, car lui seul peut changer la politique.
Les musulmans ne peuvent plus se contenter de paroles, prononcées dans « l’entre-soi ». Ils ont besoin d’actions, et notamment d’investissements. N’oublions pas que l’espace francophone représente à lui seul 309 millions de personnes et la langue française est la 5ème langue la plus parlée au monde, et remontera à la 3e ou 2e place en 2050 selon une étude de la banque Natixis. Les musulmans de France, d’Europe, et de l’ensemble du monde « occidental » doivent obtenir les moyens de créer des medias, publier des livres, réaliser des reportages de qualité, organiser des séjours d’études, des échanges d’étudiants. Si le Forum de Bakou a permis de sensibiliser sur ce point, on pourra parler d’une véritable réussite.

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