LE BOYCOTT DES PRODUITS FRANÇAIS

Le meurtre ignoble de Samuel Paty a suscité un émoi justifié en France et à l’étranger. Commis par un jeune déséquilibré, qui a alimenté sa folie au travers des réseaux sociaux, cet assassinat n’a, bien entendu, rien à voir avec les musulmans de France, qui se sont unanimement joint à sa condamnation. Comment d’ailleurs ne pas le condamner ? Il n’a rien à voir non plus avec la religion elle-même. Cela va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant

Dans ces conditions, on est en droit de se demander ce qui peut justifier la re-publication des caricatures de Charlie Hebdo, et le projet de les distribuer aux enfants des écoles, comme viennent de le proposer 14 régions de France. La liberté d’expression est un des piliers de notre démocratie. Il est douteux en revanche qu’insulter des millions de musulmans relève de cette liberté. Tel est d’ailleurs d’esprit des lois Gayssot qui écartent certains spectacles du champ de cette liberté.
C’est la raison pour laquelle les musulmans français ont du mal à comprendre l’attitude de leur gouvernement. Il aurait suffit de mettre à profit ce moment dramatique pour, au contraire, rassembler les français autour des notions de tolérance et de respect. Où est le respect dans le fait de rediffuser ces dessins? La CEDH a d’ailleurs affirmé à plusieurs reprise que le fait de porter atteinte à l’image du prophète de l’Islam tend « à renforcer les préjugés, et donc à mettre en péril la liberté religieuse », et n’entre pas dans le cadre de la liberté d’expression.

On se demande finalement si ce n’est pas la liberté d’expression que ces dessins caricaturent.

Cette décision met d’ailleurs les institutions musulmanes françaises, comme la Fondation de l’Islam de France ou le CFCM, que le gouvernement souhaiterait représentatives de la communauté musulmane, dans une position intenable, quasi schizophrénique : comment en effet concilier la défense des valeurs républicaines, qui est l’une de leur mission, et la sensibilité heurtée des musulmans français ?

Dans les pays arabes l’incompréhension est totale.
Le concept de « laïcité à la française », d’ailleurs fortement contesté en France même, ne saurait, à leurs yeux, justifier l’humiliation. L’appel au boycott des produits français, s’il n’est pas directement prononcé par les gouvernement, n’est pas non plus condamné par eux.

Le quai d’Orsay a beau essayer de justifier la position française, en affirmant que « Les appels au boycott de produits français dénaturent les positions défendues par la France en faveur de la liberté de conscience, de la liberté d’expression, de la liberté de religion et du refus de tout appel à la haine. », l’argumentation ne passe pas, même auprès des pays traditionnellement amis de la France. Le royaume du Maroc a ainsi réagit vivement à ce qu’il dénonce comme une « immaturité » des responsables français.

« Le Royaume du Maroc a condamné vigoureusement, dimanche, la poursuite de la publication des caricatures outrageuses à l’Islam et au Prophète Sidna Mohammed, Paix et Salut sur Lui…. il dénonce ces actes qui reflètent l’immaturité de leurs auteurs, et réaffirme que la liberté des uns s’arrête là où commencent la liberté et les croyances des autres.
La liberté d’expression ne saurait, sous aucun motif, justifier la provocation insultante et l’offense injurieuse de la religion musulmane qui compte plus de deux milliards de fidèles dans le monde…Autant qu’il condamne toutes les violences obscurantistes et barbares prétendument perpétrées au nom de l’Islam, le Royaume du Maroc s’élève contre ces provocations injurieuses des sacralités de la religion musulmane, relève la même source.
Le Royaume du Maroc, à l’instar des autres pays arabes et musulmans, appelle à cesser d’attiser le ressentiment et à faire preuve de discernement et de respect de l’altérité, comme prérequis du vivre-ensemble et du dialogue serein et salutaire des religions »

Les déclarations du président Erdogan ne doivent pas occulter l’ampleur du mouvement, qui atteint des pays comme l’Arabie Saoudite, les Emirats, le Koweit, dont on ne peut soupçonner de sympathie à l’égard du régime d’Ankara. Le Qatar, la Jordanie se sont déjà joints au mouvement.
Les marques françaises, pourtant très prisées, comme « La Vache qui rit », les produits Danone, sont débarquées des rayons, et les automobilistes évitent de se fournir aux pompes Total. Certes, le boycott est encore limité, mais il pourrait s’étendre. Le Pakistan a d’ailleurs convoqué l’ambassadeur de France pour protester contre « une attaque contre l’islam »

Quant aux organisations musulmanes, elles sont, on l’a dit, devant un dilemme quasiment inextricable. La gêne est manifeste au CFCM, sommé de soutenir la position du gouvernement : «Nous savons que les promoteurs de ces campagnes disent défendre l’islam et les musulmans de France, nous les appelons à la sagesse (…) toutes les campagnes de dénigrement de la France sont contre-productives et créent de la division», a déclaré M. Moussaoui.

Il serait peut être temps que chacun revienne à la raison. Il est bien rare que l’ escalade de la bêtise conduise au sommet…

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